Attendue, sa nomination a été annoncée lundi 4 juillet dans le compte-rendu du conseil des ministres qui a suivi le remaniement du gouvernement.
D’aucuns l’auraient préféré au ministère de la Santé, où il aurait eu -de l’avis d’un habitué de l’avenue Duquesne- “beaucoup moins de mal à gagner ses arbitrages” que l’éphémère Brigitte Bourguignon. Mais pas sûr que l’intéressé, qui aurait décliné l’Intérieur en 2018, rêvait du poste en se rasant.
Le voici donc, à 56 ans, à la barre de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, navire amiral d’une flotte hospitalière à la dérive: urgences, maternités, psychiatrie, gériatrie… Les voies d’eau se multiplient et l’institution capitale -mastodonte de 39 établissements et près de 100.000 salariés- écope comme les autres, avec 15% de lits fermés et 1400 postes d’infirmiers vacants.
Il succède à l’emblématique Martin Hirsch, parti aussi contesté qu’amer de “ne pas pouvoir réunir toutes les conditions” pour faire émerger “un modèle hospitalier différent” après une décennie de rabot budgétaire et de crise sanitaire.
Chargée d’éviter le naufrage, Nicolas Revel a au moins l’avantage d’être en phase avec l’exécutif. “C’est l’homme de la situation”, d’une “très haute intégrité intellectuelle et morale”, vante même l’ex-Premier ministre Jean Castex, dont il fut le directeur de cabinet ces deux dernières années.
“Il est réglo”, reconnaît Jacques Battistoni, ancien président du syndicat de médecins généralistes MG France, qui négocia moult accords avec celui qui dirigea la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) de 2014 à 2020. Assez longtemps pour apprendre à apprécier “un interlocuteur très intelligent” et à “la fibre sociale prononcée, ce qui n’est pas toujours courant” à ce poste.
Une sensibilité déjà remarquée par François Hollande, qui en fit en 2012 son secrétaire général adjoint de l’Élysée, où il forma durant deux ans un binôme complémentaire avec son cadet à la sensibilité plus libérale, Emmanuel Macron.
Directeur de cabinet de Bertrand Delanoë en 2008
Les grands esprits se rencontrent, les énarques aussi. Un de ses anciens camarades de la promotion Léon-Gambetta se souvient d’un “garçon déjà très solide et droit”, des “qualités toujours présentes aujourd’hui”. S’y est ajoutée “une vraie épaisseur”, perceptible dans “la manière dont il a exercé sa fonction à Matignon, avec une très bonne maitrise technique et beaucoup d’autorité”.
C’est bien le moins, dans son sérail: sorti de la botte en 1993, Nicolas Revel fait depuis partie du “grand corps” de la Cour des comptes, où il est toutefois peu revenu depuis un quart de siècle.
Détaché en 1998 à la préfecture des Hautes-Pyrénées, il fut repéré par le baron socialiste local Jean Glavany, qui le recruta en 2000 dans son cabinet de ministre de l’Agriculture.
Après la défaite cinglante de la gauche à la présidentielle de 2002, il rebondit à la mairie de Paris, où Bertrand Delanoë l’intégra à son équipe avant de le promouvoir directeur de cabinet en 2008 pour son second mandat.
Dix ans après son départ, il n’y garde pourtant pas que des amis. Comme cet ancien collègue qui dénigre un “pince-sans-rire” à l’”éducation bourgeoise” et “réputé assez froid humainement”. Et lui prédit un calvaire à l’AP-HP.
“Venant de la Cnam qui serre la vis aux hôpitaux”, avec en prime des “connaissances médicales proches de zéro”, l’impétrant “ne va pas être reçu avec roses et orchidées”. D’autant qu’il “arrive comme représentant de l’État qui maltraite la mairie” sur le plan financier, donc “quand il viendra faire la quête, on pourra peut-être tourner le nez”.
Choisi par le chef de l’État, le nouveau patron des Hôpitaux de Paris peut donc s’y installer avec la sérénité de son demi-frère, le moine bouddhiste Mathieu Ricard.
Il en faudra à cet héritier d’une lignée de grandes plumes, fils de l’académicien Jean-François Revel et de la journaliste Claude Sarraute, petit-fils de l’écrivaine Nathalie Sarraute, pour écrire une nouvelle page du roman familial.
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