Avant-première le mardi 4 avril à 20h en présence d’Omar Belkacemi, réalisateur, et suivie d’une discussion.
(Argu) Omar Belkacemi – Algérie 2021 1h37mn VOSTF –
Du 04/04/23 au 04/04/23
Premier long métrage du cinéaste algérien Omar Belkacemi, Rêve a la vertu de mêler poésie, philosophie et réalité, en revisitant de façon singulière la Kabylie traditionnelle.
Le film s’ouvre sur l’espace des hautes montagnes arides et boisées de ce territoire avant de revenir rapidement dans l’espace mental de Mahmoud, enseignant de philosophie dans un lycée en ville, à l’esprit tourmenté par sa quête de sens Nietzschéenne et l’empêchement de l’épanouissement de ses rêves. En apprenant que Koukou, son jeune frère de vingt ans, vient d’être interné car considéré comme fou par « le comité des sages » local et par son père, Mahmoud regagne son village d’origine. Avec ses cheveux longs en bataille et son look vestimentaire décalé, Koukou est tout simplement un doux rêveur, musicien, dégageant un mélange de naïveté et de lucidité poétique sur le monde. Un « Jean de la lune » kabyle, à l’étrange ressemblance avec Ninetto Davoli, l’acteur fétiche de Pasolini.…
En délivrant Koukou de l’asile psychiatrique et en se confrontant aux divers acteurs dominants du village pour les convaincre de l’innocence de son frère, Mahmoud ébranle les fondements de ce microcosme traditionaliste sclérosé où la différence et la singularité sont perçues comme des menaces à éradiquer. D’inspiration largement autobiographique, le récit s’articule autour des visions du monde de ces deux frères, que l’on imagine volontiers comme deux facettes du réalisateur.
La force du film repose sur sa forme épurée et évocatrice où les personnages évoluent dans des plans fixes soigneusement composés, avec une sobriété juste et sans folklore, dans cette ruralité tantôt douce, tantôt hostile et soumise aux rigueurs du climat.
La domination masculine est finement abordée, à l’image de la séquence où les hommes jouent aux dominos alors qu’on aperçoit en contrebas les femmes porter les lourds fardeaux au retour des travaux des champs. Par touche, se dessine leur quotidien épuisant, leurs regards silencieux magnifiquement captés, leurs chants festifs lors des mariages ou leurs complaintes à propos de l’exil des maris qui ne reviendront pas… Au fil des rencontres et des discussions des deux frères avec les autres habitants, on devine les amours empêchés, les mariages imposés, les lourdes histoires qui hantent encore les esprits. Dans ce village berbère englué dans ses traditions, qualifié par Mahmoud de cimetière « où les habitants sont des morts vivants », les comportements poétiques et sans carcan de Koukou n’en prennent que plus de relief, telle que l’évidence de libérer le chardonneret de sa cage…
On retiendra aussi les échappées des deux frères dans le décor minéral de la montagne où leurs corps se fondent, y puisant une force tellurique pour affirmer leurs idéaux et s’affranchir encore davantage de la prison morale du patriarcat religieux.
« L’amour est une force magique et invisible comme un rêve. Il faut toujours le chercher et courir derrière pour donner un sens à son existence » C’est l’enseignement que Koukou semble avoir retenu de son frère ainé, en témoigne la course effrénée qu’il entame dans son nouvel environnement.