Ce que l’amour peut gagner d’une déconstruction du couple
Terrafemina: L’amour est une thématique dont les militances féministes s’emparent particulièrement en ce moment. Pourquoi, selon vous? Axelle Jah Njiké: C’est le sentiment sur lequel on bâtit nos liens. Celui à partir duquel, pour certain·e·s d’entre nous, on conçoit nos enfants. Il s’agit de se montrer lucide quant aux liens qu’on tisse, y compris le lien amoureux. Cela n’échappe pas à une remise en question, et vu toutes les choses dont on se libère de manière très visible depuis l’émergence du mouvement #MeToo, je ne vois pas pourquoi ce secteur-là, celui de l’amour, n’aurait pas fait l’objet d’un examen. L’envers de la violence qu’on dénonce, c’est l’amour. Le côté solaire de cette histoire, c’est l’amour. Il faut qu’on fasse preuve de lucidité, encore une fois. De franchise, aussi. Et qu’on étudie l’environnement culturel qui a façonné notre rapport à l’amour. La culture dans laquelle on baigne et ce que cela révèle du patriarcat qui est à l’œuvre, cela permet de comprendre en quoi l’amour contribue davantage à nous asservir qu’à nous émanciper. Cela dit aussi beaucoup de choses des normes que nous avons incorporées au cours de notre socialisation de genre en tant que femmes. Et puis, de toute façon, s’interroger sur sa vie, sur ses relations amoureuses et parentales, c’est important, non? Emanouela Todorova: Je rejoins tout à fait ce que dit Axelle. Souvent, quand on parle de féminisme, c’est péjoratif. Les féministes sont “méchantes”, “hystériques”, “radicales”, “extrémistes”. Alors que dans le combat féministe, ce que l’on veut, c’est pouvoir trouver la paix de vivre normalement, pouvoir laisser la place à de l’amour et ne pas donner toute notre énergie dans des luttes. De plus, aujourd’hui, beaucoup de féministes commencent à se poser la question de comment allier son hétérosexualité- qui est quelque chose qu’on ne contrôle pas- à…