Un déclin inédit des rémunérations réelles, ainsi que 3 autres infographies à découvrir absolument.

ECONOMIE

Un déclin inédit des rémunérations réelles, ainsi que 3 autres infographies à découvrir absolument.

Chaque semaine, Alternatives Economiques vous propose une sélection de quatre graphiques qui offrent un regard nouveau sur l’actualité.

Au programme de ce graphorama : la diminution des salaires réels dans le secteur privé pendant trois ans en raison de l’inflation ; les émissions mondiales de CO2 atteignent un nouveau pic ; le Pacs fête ses 25 ans et rivalise avec le mariage ; le PIB des Brics se rapproche de celui du G7.

1/ Chute sans précédent du pouvoir d’achat en raison de l’inflation

D’un côté, des prix qui flambent, de l’autre, des salaires qui augmentent de manière insuffisante pour suivre le rythme. Les travailleurs ont déjà subi cette situation en 2021 et 2022. Nouvel élément : ils en ont également fait l’expérience en 2023. C’est ce que révèle la dernière publication de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) concernant les salaires du secteur privé.

Pour plus de précisions, les salaires nominaux ont crû de 4 % l’année précédente, ce qui est significatif. Toutefois, cette augmentation a été entièrement « absorbée » par une hausse des prix de 4,9 % durant la même période. Cette troisième année de déclin des salaires réels fait de 2021-2023 un chapitre inflationniste sans précédent. D’autant plus que certains économistes estiment que l’Insee sous-estime réellement l’inflation.

Depuis un quart de siècle, les années de baisse du pouvoir d’achat dans le privé étaient à la fois rares, isolées, et relativement limitées. La période de 2012-2013, marquée par l’austérité post-crise financière de 2008, avait entraîné deux années consécutives de déclins. Cependant, la durée était plus brève et les pertes étaient moins significatives.

Les salariés verront-ils bientôt la fin de ce sinistre souvenir d’inflation ? Selon les dernières prévisions de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), les salaires réels devraient augmenter de 0,6 % en 2024. Une légère amélioration, mais aucune raison de croire que le retard accumulé sera facilement comblé. Et la situation est encore pire pour les fonctionnaires, dont le point d’indice ne parvient pas à suivre l’évolution de l’inflation.

Vincent Grimault

2/ Vers un nouveau pic pour les émissions de CO2 à l’échelle mondiale

Malgré des avancées remarquables dans les énergies renouvelables à l’échelle planétaire, les émissions de CO2 dues à la combustion des énergies fossiles continuent d’augmenter au lieu de diminuer afin de freiner le réchauffement climatique. En 2024, celles-ci devraient progresser de 0,8 %, atteignant 37,4 milliards de tonnes, selon le Global Carbon Project, une organisation qui regroupe plusieurs dizaines de chercheurs à travers le monde.

Les émissions de gaz et de pétrole augmentent le plus considérablement (+ 2,4 % et + 0,9 %). Le charbon, qui demeure la principale source d’émissions de CO2 fossile, connaît une hausse plus modérée (+ 0,2 %). À ces émissions, il faut ajouter les 4,2 milliards de tonnes de CO2 rejetées en raison du changement d’utilisation des terres (surtout forestières), même si celles-ci tendent à diminuer depuis la moitié des années 1990.

Un nouveauté pour 2024 : les émissions de la Chine ont peu crû, et celles du secteur pétrolier ont même diminué dans le pays. Par conséquent, les rejets mondiaux de CO2 ont été principalement influencés par l’Inde – où toutes les sources de combustibles fossiles augmentent – et par plusieurs pays en voie de développement où les énergies renouvelables peinent à satisfaire la montée de la demande énergétique.

Matthieu Jublin

3/ Vingt-cinq ans après son introduction, le Pacs s’est affirmé

Entre le mariage et la cohabitation libre, le pacte civil de solidarité (Pacs), qui avait provoqué tant d’effervescence lors des débats à l’Assemblée, a trouvé sa place dans le panorama de la vie conjugale française. Adopté il y a exactement 25 ans, le 15 novembre 1999, il a connu une ascension rapide durant dix ans avant de se stabiliser. Contrairement à certaines inquiétudes, il n’a pas supplanté le mariage, même si celui-ci perdure en déclin : en 2022, on comptabilise encore 242 000 mariages, contre 210 000 pactes.

Les usages ne sont en réalité pas identiques : plus axé sur le couple, le Pacs propose des options simplifiées pour un premier engagement, toujours facilement annulable (il suffit d’un courrier) – et dans un cas sur deux, la dissolution est causée par le mariage des partenaires.

Plus formalisé, le mariage intervient désormais plus tard dans la vie : en moyenne, pour un couple hétérosexuel, il se concrétise à 34,7 ans pour les femmes et 36,6 ans pour les hommes. Malgré son accessibilité aux couples de même sexe, ceux-ci continuent à privilégier le Pacs (10 000 contrats signés en 2022 contre 7 000 mariages).

Cependant, il ne faut pas oublier que le Pacs est nettement moins protecteur : en cas de décès, notamment, le partenaire restant ne bénéficie pas de la pension de réversion et, sauf en cas de testament en ce sens, n’est pas reconnu comme héritier. De telles dispositions peuvent désavantager les personnes les plus vulnérables sur le plan économique, notamment les femmes.

Xavier Molénat

4/ Les Brics gagnent en influence, sans bouleverser l’ordre économique mondial

Les Brics représentent-ils une menace pour la suprématie économique occidentale ? C’est l’objectif déclaré lors de leur sommet annuel s’étant déroulé à Kazan (Russie) fin octobre, le premier depuis l’adhésion de cinq nouveaux pays (Ethiopie, Egypte, Émirats arabes unis, Iran, Arabie saoudite) qui rejoignent le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud.

Cette réunion a ravivé le projet d’une monnaie commune visant à défier le dollar et à atténuer l’impact des États-Unis, dont les sanctions économiques, telles que celles qui ciblent la Russie, pourraient ainsi être plus facilement contournées. Le groupe représente désormais 27 % du PIB mondial, contre 45 % pour le G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni). L’écart se rétrécit d’année en année, notamment grâce à la rapide croissance de la Chine. De plus, les nouveaux membres des Brics augmentent considérablement le poids du groupe dans les exportations de matières premières énergétiques (gaz, pétrole).

« Cependant, l’hétérogénéité des pays membres ainsi que la faible intégration commerciale au sein du groupe limitent sa capacité à influer sur le fonctionnement des échanges mondiaux et le système monétaire international », souligne une note de la Banque de France. En effet, le commerce entre les pays des Brics ne représentait que 3,7 % du commerce mondial en 2021. Le chemin est encore long avant de vraiment ébranler le G7.

Juliette Le Chevallier

Pouvoir d'achat, bien-être, équité... les aspirations des femmes

ECONOMIE

Pouvoir d’achat, bien-être, équité… les aspirations des femmes

Une femme sur deux (contre 46 % des hommes) – et particulièrement 63 % des ouvrières, 56 % des salariées du secteur privé et 57 % des familles monoparentales – citent le pouvoir d’achat parmi les trois préoccupations majeures (cela représente même la priorité n°1 pour un quart des femmes). Ce constat provient d’une étude menée par Amandine Clavaud de la Fondation Jean Jaurès et Laurence Rossignol de l’Assemblée des femmes, analysant les perceptions et attentes en matière de politique et de féminisme, basée sur une enquête réalisée par Ipsos auprès de 11 000 personnes, dévoilée le 11 octobre 2024.

Ce constat s’explique évidemment par les conséquences de l’inflation, mais aussi par les réalités socio-économiques des femmes « révélatrices des inégalités professionnelles et salariales » auxquelles elles font face. Il est bon de rappeler que la dernière étude de l’Insee indique un écart de revenus de 23,5 % entre les femmes et les hommes, et que 59,3 % des personnes au SMIC sont des femmes.

L’étude révèle que les attentes envers le gouvernement concernant l’égalité professionnelle sont particulièrement fortes chez les femmes peu diplômées. Tandis que les femmes cadres semblent exprimer davantage de satisfaction vis-à-vis des mesures adoptées dans ce domaine – la sociologue Sophie Pochic évoque « une égalité élitiste » – cela ne s’applique pas aux salariées à faibles revenus qui sont souvent dans une précarité sévère. Les mères isolées sont ici particulièrement touchées, souffrant d’une exposition accrue à la pauvreté, comme je l’ai déjà signalé dans une précédente chronique.

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Contrairement aux hommes qui placent la question de l’insécurité en deuxième position, la santé représente la priorité n°2 des femmes (35 % des femmes la considèrent comme une préoccupation majeure, contre 29 % des hommes), ce qui reflète en partie les résultats du rapport annuel du Conseil économique, social et environnemental (Cése). L’inquiétude liée à la santé tend à grandir pour celles vivant en milieu rural (39 %).

Les autrices de l’étude soulignent que « les femmes sont les premières à faire face aux insuffisances de notre système de santé ». Au-delà du manque de praticiens dans certains territoires, l’enquête évoque les nombreuses fermetures de maternités, notamment localement, et les difficultés d’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans certains départements, en particulier en zone rurale.

L’accès à la santé touche aussi davantage les femmes âgées (c’est une priorité pour 38 % des femmes de plus de 60 ans). Le vieillissement, ainsi que les questions de dépendance, de maladie et d’isolement, touchent particulièrement les femmes, qui se retrouvent également plus souvent en situation de pauvreté, avec des pensions de retraite bien inférieures à celles des hommes.

Parmi toutes les femmes, 86 % (contre 84 % des hommes) soutiennent l’amélioration du système de santé dans les petites villes, « même si cela peut engendrer une augmentation des impôts ».

Féministe, oui mais…

<pNeuf personnes sur dix se prononcent en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes. Bien que seulement six sur dix se déclarent féministes, une progression de dix points est observée par rapport à une enquête similaire menée il y a dix ans. L'impact du mouvement #Metoo a conduit à une prise de conscience générale des enjeux féministes.

Il est évident que les femmes sont toujours plus nombreuses à se montrer favorables à l’égalité et à vouloir aller plus loin (91 % d’entre elles et 85 % des hommes). Cependant, elles sont moins nombreuses à se qualifier de féministes (64 % contre 58 % des hommes).

Ce terme ne suscite pas encore un consensus. Les résistances, voire l’hostilité, sont particulièrement plus présentes chez les hommes : 15 % d’entre eux refusent de progresser davantage vers l’égalité et 42 % rejettent le féminisme…

Les femmes qui se déclarent féministes sont généralement plus jeunes (75 % des 18-24 ans) et plus diplômées (73 % des bac+5). Elles votent aussi plus fréquemment à gauche (81 % des femmes de gauche se définissent comme féministes contre 56 % de celles de droite).

On observe un « modern gender gap » (c’est-à-dire que les jeunes femmes sont plus progressistes que les jeunes hommes) se manifestant dans la forte propension des jeunes femmes à voter à gauche et à se revendiquer féministes, contrairement aux jeunes hommes qui voient des thèses masculinistes prendre de l’ampleur : ces derniers affichent le plus grand désengagement envers l’égalité (moins que les hommes de 60 ans et plus). Parmi eux, une polarisation se dessine entre ceux qui soutiennent pleinement la cause féministe (15 %) et ceux qui s’y opposent catégoriquement (15 % également).

Ces résultats corroborent les données issues du baromètre annuel sur le sexisme du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes : 22 % des jeunes hommes entre 15 et 24 ans et 25 % de ceux entre 25 et 34 ans estiment « qu’il est parfois nécessaire d’employer la violence pour obtenir le respect dans la société » ou encore que pour 39 % d’entre eux, « le féminisme menace le statut des hommes dans la société ».

Ce « modern gender gap » au sein des jeunes générations est également perceptible aux États-Unis, où le clivage – entre jeunes hommes votant pour Donald Trump et jeunes femmes pour Kamala Harris – semble se confirmer.

Priorité à la lutte contre les violences et à l’égalité professionnelle

Parmi les actions attendues du gouvernement se distinguent nettement les préoccupations liées aux violences : la lutte contre le harcèlement scolaire (93 % des femmes), le harcèlement de rue (91 % des femmes) et les violences sexistes et sexuelles (89 % d’entre elles, soit 5 points de plus que les hommes). Ensuite, apparaît la lutte contre les inégalités professionnelles, notamment salariales, ainsi que la situation des familles monoparentales et dans une moindre mesure, l’accès des femmes aux postes à responsabilité.

Il est vrai que la lutte contre toutes les violences sexistes et sexuelles est une priorité reconnue quel que soit le genre, et indépendamment de l’affiliation politique, mais la question des inégalités professionnelles est davantage défendue par les femmes et les partis de gauche.

On sait que les femmes votent de plus en plus pour l’extrême droite qu’auparavant. Lors des dernières élections législatives, deux blocs distincts se sont formés parmi les électrices : 31,5 % d’entre elles ont voté pour les partis de gauche et 31,5 % ont choisi de voter pour les partis d’extrême droite (36,5 % des hommes ont agi de même).

Cette étude indique que les électeurs et électrices votant pour l’extrême droite affichent le plus grand rejet de l’égalité et du féminisme : parmi les 39 % de personnes se déclarant non féministes, 57 % ont voté pour Les Républicains, 51,4 % pour Reconquête ! et 48,5 % pour le Rassemblement national (RN). En revanche, 76 % des électeurs de gauche se disent féministes (soit 14 points de plus que la moyenne).

La religion joue aussi un rôle : si 61 % de l’ensemble se dit féministe, c’est le cas de 65 % des personnes sans religion mais seulement de 55 % chez les protestants, 54 % chez les catholiques, 47 % chez les juifs et 46 % chez les musulmans.

Cependant, lorsqu’on questionne sur les partis politiques les plus investis dans la défense des droits des femmes, 45 % des femmes et 35 % des hommes estiment qu’aucun parti n’est véritablement engagé sur cette cause… Certes, 30 % (28 % des femmes et 32 % des hommes) jugent que les partis de gauche sont ceux en qui ils ont le plus confiance, mais 15 % ont tout de même désigné le RN… Le travail de décrédibilisation de ce parti fonctionne, y compris dans le domaine des droits des femmes, en dépit des nombreuses critiques qui ont été formulées, ici même…

Le contre-budget du NFP surpasserait le budget de Barnier en matière de réduction du déficit.

ECONOMIE

Le contre-budget du NFP surpasserait le budget de Barnier en matière de réduction du déficit.

Selon les dernières estimations de croissance fournies par les économistes de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), il est prévu que la croissance française en 2025 pourrait être réduite de moitié si le budget soumis par le gouvernement Barnier était adopté tel quel.

Plus spécifiquement, leurs analyses révèlent un impact récessif de 0,8 point de PIB, ce qui est proche de la prévision de 0,6 point de PIB (Produit intérieur brut) que j’ai récemment discutée ici. Cette contraction de l’économie pourrait également entraîner la perte de 130 000 emplois, selon la même estimation. La décision de diminuer les dépenses publiques tout en augmentant les impôts a donc un coût social significatif.

Sur les plateaux de télévision et dans les journaux, les intervenants affirment sans relâche que nous n’avons pas d’autre choix : notre pays est surendetté, il faut réduire le déficit à tout prix. Même lorsque l’on établit que la dégradation budgétaire est en grande partie causée par la chute des prélèvements obligatoires depuis 2017 ? Oui, nous n’aurions pas d’alternative !

Mettre en doute cette affirmation est extrêmement difficile, voire inaudible : on passe pour un·e idéologue ou une personne déconnectée de la réalité. Comme toujours, quand un récit est aussi bien établi, il est important de le tester : existe-t-il une option moins douloureuse et plus crédible ?

C’est précisément ce que soutient le Nouveau front populaire (NFP), qui a présenté sa propre stratégie budgétaire le 9 octobre 2024. Quelles sont les différences avec celle du gouvernement Barnier ? Aurait-elle des conséquences sociales et économiques distinctes ?

Différence de philosophie

Tout comme le gouvernement, le NFP prévoit d’augmenter de nouvelles recettes. Mais dans une mesure plus importante, avec un montant estimé à 49 milliards d’euros, contre 30 pour le Projet de loi de finances (PLF) 2025. Au-delà des chiffres, leurs approches divergent.

La principale différence réside dans l’utilisation des recettes : « Grâce aux mesures fiscales [proposées], notre pays pourrait réduire le déficit tout en augmentant immédiatement les investissements dans les services publics et les secteurs d’avenir », indique le document.

Le NFP alloue donc une partie des 49 milliards pour réduire le déficit budgétaire et le reste pour financer des dépenses publiques qualifiées d’avenir. L’approche est très différente de celle du gouvernement Barnier, qui se concentre uniquement sur la réduction du déficit, entraînant des effets récessifs notables (la moitié de la croissance). À l’inverse, le budget alternatif du NFP prévoit une augmentation des dépenses publiques. Comment cela pourrait-il réduire le déficit public ? Est-ce viable ?

Pour y répondre, je vais adopter la même méthodologie qu’auparavant, fondée sur les multiplicateurs budgétaires de chaque mesure envisagée. Le tableau ci-dessous présente les mesures du budget alternatif NFP et les traduit en impulsions budgétaires.

Les lecteur·trices intéressé·es trouveront des détails sur les mesures fiscales dans le document du NFP, mais pour cet exercice, nous pouvons retenir trois grandes sources de recettes fiscales.

Il y a d’abord la suppression des exonérations de cotisations sociales (pour les salaires dépassant deux fois le Smic) et d’une partie du crédit d’impôt recherche (CIR). Ce bloc rapporterait 11 milliards d’euros par an. Ensuite, plusieurs taxes sur le capital (ISF vert, suppression du prélèvement forfaitaire unique (PFU), taxation de l’héritage et des superprofits) généreraient 29,5 milliards d’euros par an. Enfin, un dernier groupe comprenant la réforme de la taxe sur les transactions financières, la taxe solidarité avion et la fiscalité des collectivités locales, rapporterait 8,5 milliards d’euros chaque année. Au total, les recettes supplémentaires sont donc chiffrées à 49 milliards d’euros. Combien seront consacrés à réduire le déficit et combien à augmenter les dépenses publiques ?

Étant donné que le communiqué du NFP ne fournit pas de détails, nous pouvons nous baser sur les nouvelles règles européennes qui exigent une réduction annuelle du déficit de 0,6 point de PIB, soit 18 milliards d’euros. Il resterait donc 31 milliards d’euros (soit un point de PIB) pour les dépenses d’avenir.

Pour simuler les effets d’une telle impulsion, tout comme précédemment, j’utilise les multiplicateurs budgétaires et fiscaux issus du modèle Mésange développé par l’Insee et le Trésor (Bardaji et al. 2017), que je complète avec un multiplicateur provenant du modèle de l’OFCE (impôt sur les sociétés). Ces informations sont présentées ci-dessous.

Les deux colonnes montrent les effets pour 2025 et 2026. Comme auparavant, il est intéressant de noter que les effets croissent avec le temps, car l’ajustement de la demande se fait progressivement.

Selon le modèle, les effets continuent d’augmenter même pendant cinq ans, mais comme auparavant, je ne présente les simulations que pour les deux premières années, compte tenu de l’incertitude politique actuelle. Toutefois, même si les valeurs des multiplicateurs restent les mêmes, leur impact variera car les dépenses augmentent au lieu de diminuer. C’est ce que révèlent les résultats ci-dessous.

Les dépenses publiques proposées par le NFP génèrent 0,78 point de PIB d’activité supplémentaire en 2025 et 1,06 point de PIB en 2026. Ce surplus d’activité est toutefois atténué par les effets récessifs des prélèvements obligatoires, qui s’élèvent à 0,66 point de PIB au total (la somme des effets de chaque impôt supplémentaire). Notons que l’effet le plus coûteux se rapporte à la réforme de la fiscalité du patrimoine, qui « coûte » au total 0,44 point de PIB.

Cependant, les effets récessifs sont inférieurs aux gains d’activité, ce qui produit un effet total agrégé positif dès la première année : une légère augmentation du PIB de 0,21 point, soit 6 milliards d’euros par rapport aux prévisions actuelles. Ce surplus d’activité engendre un peu plus de 3 milliards de recettes supplémentaires.

Un autre budget est possible, et il s’avérerait plus efficace

Ainsi, entre les 18 milliards d’euros de recettes directement allouées à la réduction du déficit et les 3 milliards de recettes supplémentaires liées à l’augmentation de l’activité, le déficit diminue de 21 milliards d’euros en 2025.

En 2026, sans autre impulsion budgétaire, le déficit est réduit de 6 milliards (0,21 point de PIB), ce qui indique qu’un nouvel effort de 12 milliards d’euros sera nécessaire pour atteindre l’objectif annuel.

La simulation montre donc qu’avec cette stratégie budgétaire, l’effort à fournir en 2026 est bien inférieur à celui de 2025. Ce résultat est opposé aux implications macroéconomiques du PLF 2025, qui exige un effort budgétaire annuel croissant à cause des effets récessifs des coupes de dépenses publiques.

En conclusion, le programme du Nouveau Front populaire propose une stratégie budgétaire qui augmente les dépenses publiques, stimule l’activité économique et permet de dégager des recettes supplémentaires.

À quoi affecter ces nouvelles dépenses ? Le document du NFP suggère des investissements dans la transition écologique et les services publics. Cela peut se justifier en effet, car dans le cadre de la crise écologique, chaque euro dépensé aujourd’hui diminue les dépenses de réparation demain. De plus, la croissance générée est a priori moins carbonée.

Il existe donc une alternative politique à celle proposée par le gouvernement Barnier. Et elle pourrait aboutir à de meilleurs résultats pour la France.

Budget : la Macronie se divise, le RN protège les très riches

ECONOMIE

Budget : la Macronie se divise, le RN protège les très riches

Depuis trois semaines, les parlementaires sont plongés dans l’examen des Projets de Loi de Finances. Tandis que l’Assemblée Nationale s’attèle au “PLF” déterminant le budget pour 2025, le Projet de Loi de Finances de la Sécurité Sociale était en commission des affaires sociales jusqu’à jeudi dernier. Sans majorité claire, chacun cherche à imposer ses modifications, projet par projet, pour que le budget reflète au mieux ses convictions. Au cours de ces PLF, la question de l’annulation de la réforme des retraites a fait l’objet de vifs débats entre la gauche et l’extrême droite. Le RN a vu sa niche parlementaire arriver avant celle du NFP, en profitant pour proposer l’abrogation de la réforme. Dans les débats à gauche, la question se pose : faut-il soutenir une proposition du RN ? Jérôme Guedj, député PS et membre de la commission des affaires sociales, soutient qu’un vote serait vain, car cela ne pourra pas aller à son terme, le texte devant aussi être examiné par le Sénat. Il met en avant le PLFSS et sa commission, qu’il considère comme plus pertinent pour faire avancer l’abrogation. Lundi dernier, au sein de la commission, les députés du RN ont refusé d’approuver les amendements de la gauche, affirmant que la meilleure façon d’annuler véritablement la réforme était… d’adopter leur proposition de loi. Jeudi dernier, l’amendement socialiste portant sur l’abrogation a finalement été adopté et inclus dans le PLFSS. Reste à voir si les parlementaires soutiendront cette mesure. Pour le RN, lors de leur journée du 31 octobre, leur proposition de loi a été fortement affaiblie. Le 28 novembre, le NFP (via la niche parlementaire de LFI) essaiera de faire passer cette même proposition. Thomas Porcher critique cela comme des manœuvres de communication. Lors des discussions budgétaires, la réintroduction de l’ISF a été écartée vendredi dernier…