L’exil ou la prison : au Maroc, le triste anniversaire du 20 février 2011
« Dès le début, je me suis investi corps et âme dans l’expérience du M20F. Pour toute une génération, c’était le moment politique tant attendu », se souvient Samad Ait Aicha. Réfugié politique en France depuis mai 2017, ce journaliste et activiste marocain de 36 ans a participé au Mouvement du 20 février (M20F), déclinaison marocaine du Printemps des peuples de 2011. Sa trajectoire pourrait résumer la situation des libertés publiques et des droits humains au Maroc : dix ans plus tard, Samad est exilé en France et vient d’être condamné par contumace, le 27 janvier 2021, à un an de prison ferme par la justice marocaine – tout comme son collègue Hicham Mansouri, lui aussi exilé. Cette condamnation fait suite à un procès ouvert en 2015 à la suite de l’animation de programmes de formation pour des journalistes-citoyens. Au Maroc, les espoirs suscités par le Printemps des peuples de 2011 ont cédé la place au blues des militants et journalistes investis dans le combat pour la démocratisation du pays. Coalition hétéroclite composée de citoyens de divers horizons politiques (activistes de gauche, islamistes, libéraux, etc.) née à la mi-février 2011, le M20F a poussé le régime à ouvrir une parenthèse en matière de libertés publiques. Cette courte période a été marquée par la libération de prisonniers politiques et l’annonce, dans la foulée, d’une réforme constitutionnelle. Sous la pression de la rue, l’Etat a dû aussi mettre en veilleuse ses politiques d’austérité et engager des fonds publics pour préserver le pouvoir d’achat. Mais ces conquêtes politiques et sociales ont été de courte durée. Passés les premiers mois de mobilisation, le pouvoir a repris le contrôle sur l’agenda politique. Aidé par un contexte régional contre-révolutionnaire et la frilosité des élites marocaines dites « modernistes », l’Etat a reconquis les parcelles de pouvoir cédées. La défaite a eu…