Budget 2025 et directives européennes : qui trop s’engage mal réussit
Le budget 2025 se retrouve coincé. D’une part, la France affiche un important déficit dû à une gestion fiscale irrresponsable depuis 2017. Elle doit modifier son solde structurel primaire d’au moins 0,5 % chaque année jusqu’à ce que le déficit soit inférieur à 3 % du PIB. Cela a incité le Conseil de l’Union européenne à engager une procédure pour déficits excessifs (PDE) à l’encontre de la France en juillet dernier. D’autre part, le pays est confronté à un risque de récession, en particulier en raison de la situation économique en Europe.
En effet, l’Allemagne vient de réviser ses prévisions de PIB à – 0,1 % pour 2024. L’Europe a donc besoin d’une politique de stimulation budgétaire, qui pourrait être accompagnée d’un assouplissement monétaire facilité par un ralentissement de l’inflation. Mais en même temps, la France doit se restreindre financièrement. Une impasse ?
Néanmoins, il existe une possibilité de jongler avec les deux objectifs afin de maintenir la croissance. Cela repose sur deux leviers fondamentaux. Le premier est la cadence de l’ajustement – c’est-à-dire du retour à une trajectoire budgétaire plus rassurante ; le second est le mode de cet ajustement, que ce soit par le biais des recettes ou des dépenses.
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Mi-octobre, le gouvernement a publié le Projet de loi de finances (PLF) pour 2025, qui prévoit un effort de 60 milliards d’euros en 2025 pour ramener le déficit sous la barre des 3 % d’ici 2029. Selon le Haut Conseil des Finances Publiques, cet effort équivaut à un ajustement du solde structurel primaire de 1,4 point de PIB en 2025, soit 41 milliards d’euros d’économies.
C’est un ajustement sévère. Est-il réellement nécessaire au regard des réglementations européennes ? Va-t-il effectivement permettre à la France de diminuer sa dette publique ? Sera-t-il récompensé et conduira-t-il à un ajustement allégé dans les années suivantes ? Non, selon le chercheur Jonas Kaiser, de l’Institut Avant-garde.
Tout d’abord, ce budget est indéniablement sévère, bien plus que ce que demandent les règles budgétaires européennes, qui recommandent un ajustement deux fois moins agressif que ce qui est prévu dans le PLF pour 2025. De plus, les règles européennes sont conçues de telle sorte qu’une austérité plus significative en 2025 (comme le propose le gouvernement) ne garantit pas nécessairement une austérité moins accentuée les années suivantes : une cure d’austérité minimale est en effet prévue chaque année.
Concrètement, si l’ajustement substantiel proposé par le gouvernement permet à la France de sortir deux ans plus tôt de la procédure de déficit excessif, cela ne la soustrait pas aux consolidations et économies futures.
Les nouvelles normes européennes ont établi des seuils « garde-fous », qui obligent la France à faire des efforts même après la fin de la période d’ajustement, quel que soit l’effort fourni la première année. Ainsi, soit le « garde-fou de la dette » exigera que la France diminue sa dette d’au moins un point de PIB par an (puis 0,5 % si elle descend en dessous de 90 % de dette sur PIB), soit le « garde-fou du déficit » lui imposera de réduire son déficit d’au moins 8 milliards d’euros (0,25 point de PIB) tant que son déficit n’atteint pas 1,5 %.
Austérité nuisible
Selon le choix du scénario macroéconomique, cela peut aboutir, dans le pire des cas, à un ajustement cumulatif plus important, et au mieux à un ajustement cumulatif à peu près équivalent à ce que les règles exigent.
Dans les deux cas, cet effort accru au début de la période entraîne le risque d’un impact plus néfaste sur la croissance : par exemple, la prévision d’automne de l’économie française par l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) indique que l’austérité budgétaire prévue dans le PLF pourrait réduire la croissance de 0,8 point de PIB en 2025, résultant en une croissance de 0,8 % l’année suivante … Ces résultats décevants, qui affecteront les recettes fiscales, inciteront à faire encore plus d’efforts dans les années à venir.
En d’autres termes, l’ajustement appelle l’ajustement, et la France risque de se retrouver dans un cycle de consolidation perpétuelle qui nuira à l’investissement du pays. C’est le scénario que traverse l’Italie depuis 1985… Cette direction est malvenue, alors qu’un rapport significatif, rédigé par Mario Draghi, a récemment appelé à 800 milliards d’euros d’investissements annuels supplémentaires en Europe pour que le vieux continent évite le déclin économique qui le menace.
Au-delà de la vitesse d’ajustement, l’autre enjeu réside dans la manière dont le gouvernement procède, afin de préserver à la fois la croissance et l’avenir, et ainsi d’éviter de tomber dans une spirale d’ajustement permanent.
Cependant, effectuer des coupes budgétaires et réduire les dépenses en période de récession est la pire des décisions à prendre, c’est la leçon majeure de la macroéconomie tirée de la crise de la zone euro dans les années 2010. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les plans d’austérité augmentent la dette publique à court terme en raison de leur effet récessif important (via l’effet multiplicateur). Ce qui pousse par la suite à un ajustement encore plus sévère. La Grèce, par exemple, continue d’en subir les conséquences aujourd’hui avec une croissance durablement altérée.
Un dogme qui s’effondre, mais…
C’est a fortiori le cas lorsque les dépenses ciblées compromettent l’avenir, comme les coupes concernant l’éducation nationale (4 000 postes supprimés), la santé (diminution du remboursement des consultations médicales par la Sécurité sociale) ou l’écologie (réduction du Fonds Vert). D’autant plus que l’efficacité d’autres dépenses publiques n’a pas été analysée. Par exemple, il aurait été pertinent de discuter de l’intérêt de la mise en place d’une Grande Sécu ou de l’impact néfaste des niches fiscales nocives.
La bonne nouvelle de ce budget 2025 est qu’il remet en question le dogme de l’absence d’augmentations d’impôts, qui était une ligne rouge depuis 2017. Les augmentations de recettes peuvent avoir un effet récessif moindre, et c’est particulièrement vrai pour les hausses des prélèvements sur les entreprises, la suppression partielle des allégements de cotisations sociales et l’imposition des ménages aisés. Cela aurait pu être poussé plus loin, notamment parce que ce budget néglige complètement l’imposition du patrimoine, qui présente un rendement très élevé, n’entrave pas les investissements productifs et a un impact significatif sur la réduction des inégalités.
Une consolidation budgétaire trop rapide et trop sévère par rapport aux exigences de Bruxelles, des recettes mal ciblées et des baisses de dépenses mal choisies : en voulant trop bien faire pour se distinguer de l’idéologie des gouvernements antérieurs, le budget Barnier a des conséquences désastreuses sur la croissance et compromet l’avenir. Qui trop embrasse mal étreint.