Détestant terminer à pas d’heure, j’ai toujours préféré commencer un peu plus tôt. Avant la crise sanitaire, j’étais tout à fait déterminée à l’idée de me lever à 6h du matin pour avoir un semblant de vie personnelle avant d’aller au bureau. J’en profitais pour travailler sur mes projets personnels ou faire du sport avant d’enfourner au fond de mon gosier une tranche de pain à la va vite, aller me doucher et prendre part aux cauchemars des Parisiens : les transports en commun.
À raison de trois lignes de métro différentes pour aller au travail, je perds littéralement deux heures de ma vie quotidiennement dans les transports. Debout, souvent écrasée entre le sac à dos d’un startupper et une femme d’affaires qui hurle au téléphone, il est rare de pouvoir trouver une place assise pour au moins lire en paix. Y a-t-il plus stressant et épuisant que de voir des gens se tasser et se hurler dessus pour aller au travail ?
Comme une sorte d’animal revenu à l’état sauvage, j’ai eu énormément de mal à retrouver le chemin du travail
Parfois, j’aperçois mon reflet dans la vitre du métro, mes cernes dépassant de mon masque, je pense à ces moments de bonheur en télétravail. Durant ces deux heures qu’aurais-je pu faire ? Dormir un tout petit plus et avoir quand même le temps de faire du sport, jouer avec mon chat, prendre un bon petit-déjeuner ou même ne rien faire, mais au moins avoir le choix. Ici, la seule solution est d’attendre en scrollant inlassablement sur son portable si on a la chance de ne pas se le faire arracher lors de la fermeture des portes du train. J’entre dans une boucle temporelle où chaque jour se ressemble, métro, boulot, dodo, métro, boulot, dodo jusqu’au tant attendu week-end.
Comme une sorte d’animal revenu à l’état sauvage, j’ai eu énormément de mal à retrouver le chemin du travail. Telle une petite fille, je traînais des pieds à l’idée de devoir me rendre dans cette petite pièce exiguë qu’est le bureau. Sans fenêtres donnant sur l’extérieur et avec pour seul éclairage d’affreux néons qui font décliner votre vision en un rien de temps, mon appartement me manquait. Ma motivation fondait à vue d’oeil. Il y a quelques semaines, heureusement, nous avons changé de bureau avec – Dieu merci – une fenêtre donnant sur la rue, que j’ai mobilisé, au grand dam de mes collègues. À présent, il m’arrive même d’être éblouie par le soleil en fin de journée.
Mais le mythe du tire-au-flanc au télétravail qui ne fait rien de sa journée a la peau dure. Sérieusement, quel patron a un jour inventé ça ? Toutes les études ont pourtant prouvé que la productivité est boostée par le télétravail en plus de l’épanouissement personnel. En moyenne, en France, la productivité augmente de 22% en télétravail. Et accrochez-vous bien le travail à distance augmente non seulement la motivation mais aussi la responsabilisation des salariés. Travailler chez soi, c’est ressentir un minimum de reconnaissance envers son employeur qui nous a accordé sa confiance. Pour ma part, je n’ai jamais été aussi efficace que chez moi.
En télétravail, je suis la version féminine de Tibo InShape (non, pas Jujufitcats)
C’est en revenant au bureau que j’ai réalisé la différence drastique avec le télétravail. Ce que je peux faire en une ou deux journées chez moi me semble interminable au bureau. Comme dans beaucoup de profession, mon téléphone sonne très régulièrement au fil de la journée. Qu’y a-t-il de plus agaçant que de devoir se lever continuellement pour décrocher son téléphone pour ne pas déranger les collègues ? Chez moi, le seul être à moufter lorsque la sonnerie retentit est mon chat. On a connu pire collègue. D’ailleurs, depuis la généralisation du télétravail, quelques entreprises proposent d’amener son animal de compagnie au bureau et on comprend pourquoi. Qui vous engueulerait avec une si mignonne bouille poilue à côté de vous ?
Et si seulement il ne s’agissait que de la qualité de mon travail. Parlons du moment le plus attendu et déprimant de la journée de bureau : le déjeuner. 12h, 12h30, 13h, 13h30. Il convient d’attendre que tout le monde ait faim pour se lever et enfin partir en quête d’un burger/sushi/pizza/plat cuisiné du quartier que vous mangerez, au mieux dans une assiette, au pire directement dans sa boîte en carton devant votre ordi. En télétravail, je suis la version féminine de Tibo InShape (non, pas Jujufitcats). Avant de manger, je pars soit faire un jogging, soit je fais une rapide séance de sport directement dans mon salon avant de manger un reste ou éplucher et couper quelques légumes (et oui pour une personne ça prend moins de 10 minutes) lancer mon cuit-vapeur et les déguster. J’éprouve une certaine satisfaction à manger sainement la semaine pour profiter le week-end. Et quel plaisir de vraiment utiliser les tickets resto pour… les restos et pas des plats réchauffés au micro-ondes.
Après le repas, il m’arrive, comme beaucoup, d’avoir un coup de barre. Lorsque cela m’arrive, je m’allonge sur mon canapé en compagnie de mon chat et programme un minuteur de 15 minutes. C’est le meilleur moyen que j’ai trouvé pour faire passer la fatigue. Je ne fume pas, j’ai bien le droit à cette pause non ? Difficile au travail de fermer les yeux sur sa chaise de bureau sans avoir l’air d’un gros flemmard. J’ai beau essayer toutes les techniques possibles et inimaginables, poing de pression sur la main, musique ultra forte dans les oreilles et pincements de bras, rien n’y fait, la léthargie de la digestion me gagne. La France est d’ailleurs l’un des rares pays à encore mal voir la sieste au travail. Les entreprises dans l’hexagone qui proposent ne serait-ce qu’un coin de repos se font rares.
Mais si le télétravail me plaît autant, c’est probablement parce que je sais qu’il a une fin, que je vais retrouver mes collègues après quelques jours de calme chez moi. J’ai la chance de ne pas vouer une haine envers eux et apprécier leur compagnie mais j’imagine que lorsque c’est le cas, le télétravail est un cocon dans lequel on ne veut jamais sortir. Pour ma part, mes confrères m’évitent de devenir une folle à chat précoce. C’est plutôt une bonne chose. Tout réside finalement dans l’équilibre. Les écrivains s’exilent pour écrire avant de revenir dans la vie mondaine pour s’en inspirer (et ne me parlez pas des soeurs Brontë qui ne sortaient jamais). Pour le travail de bureau, beaucoup moins sexy que le métier d’écrivain, laissez-nous au moins souffrir depuis chez nous.
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