Après le premier confinement, l’industrie s’est empressée de repenser la manière de distribuer les nouvelles sorties. Depuis, de nombreux films arrivent sur les plateformes de streaming le jour où ils sont censés être présentés en salle. Les Trolls 2 a connu un succès improbable en location sur Apple TV. Il a rapporté plus au studio en trois semaines de vie numérique que le premier opus en cinq mois de projection en salle. En juillet, Netflix aurait payé 56 millions de dollars pour distribuer Les Sept de Chicago après que le Covid-19 a retardé sa sortie au cinéma. Disney, de son côté, a utilisé sa nouvelle plateforme de streaming Disney+ pour présenter en avant-première le remake live-action de Mulan. Tout cela en amène certains à s’interroger sur l’avenir du modèle traditionnel studio-cinéma.
Quant aux tarifs, le streaming revient souvent moins cher. Les spectateurs ont dû débourser 25 euros, en plus du prix de l’abonnement mensuel à 6,99 euros, pour regarder Mulan sur Disney+ – cela fait beaucoup, mais pas tant comparé au prix d’un pass cinéma « famille nombreuse ». D’autres plateformes facturent un paiement unique moins élevé, ou incluent les nouvelles sorties dans le prix de l’abonnement.
Mais pour les spectateurs en situation de handicap, le prix n’est pas le principal facteur d’attraction. Bien que les projections de films accessibles aient augmenté ces dernières années, elles restent rares : généralement le matin en milieu de semaine et uniquement dans les grands cinémas. Aujourd’hui, je peux payer pour voir les derniers films depuis chez moi, avec une description audio et le siège qui me convient.
« Le streaming est plus accessible pour moi pour plusieurs raisons, principalement parce que j’ai besoin de sous-titres à cause de ma neurodivergence et de mes difficultés de traitement auditif, explique Charli Clement, une militante pour les droits des personnes en situation de handicap. Et puis, j’ai souvent besoin de faire des pauses pendant les films, car je souffre de problèmes sensoriels, de douleurs et de fatigue chronique. Chez moi, au moins, je ne manque rien. » Comme moi, Charli ne regrette pas le mauvais agencement des salles locales. « Les fauteuils sont trop durs pour mon corps, alors je les évite autant que possible, dit-elle. En tant qu’environnement, les cinémas ne sont pas vraiment accessibles pour moi. »
Le journaliste et militant sourd Liam O’Dell apprécie également la possibilité de regarder les nouveautés à domicile. Avant, il devait attendre des mois avant qu’un nouveau film soit disponible en streaming. « Avant le début de la pandémie, il y avait des projections sous-titrées près de chez moi, mais elles étaient très limitées et seulement disponibles certains jours, dit-il, alors que les spectateurs entendants étaient libres de choisir le jour qui leur convenait. » La diffusion de films en streaming, en revanche, donne à Liam « plus de flexibilité, de liberté et de confort en tant que spectateur sourd ».
L’année 2020 a été terrible pour le cinéma. Selon le CNC, sur l’ensemble de l’année, la fréquentation des salles françaises atteint 65,1 millions d’entrées, soit 30 % de celle observée en 2019. En améliorant l’accès aux personnes à mobilité réduite, les exploitants pourraient au moins s’assurer de fidéliser une nouvelle clientèle.
L’industrie cinématographique est confrontée à un grand nombre de défis cette année, mais les spectateurs souffrant d’un handicap espèrent que leurs besoins seront entendus pendant la phase de relance. « Je sais que les gens de l’industrie s’inquiètent de la diffusion en streaming et de son impact sur les sorties de films et les salles de cinéma, mais j’espère vraiment que davantage de films seront disponibles par ce biais, dit Liam. Le streaming est plus accessible aux personnes handicapées. » Charli est d’accord : « Le Covid a définitivement rendu des choses comme le cinéma et le théâtre plus accessibles et j’espère que la diffusion en streaming des nouvelles sorties se poursuivra. »
Le streaming à la maison n’égalera peut-être jamais le frisson d’un visionnage dans une salle obscure avec du pop-corn frais. Mais peut-être que la pandémie sera le coup de pouce nécessaire pour étendre cette expérience cinématographique à tout le monde.
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