Écrit et réalisé par Mia HANSEN-LØVE – France 2022 1h52mn – avec Léa Seydoux, Pascal Greggory, Melvil Poupaud, Nicole Garcia, Camille Leban Martins…
Du 26/10/22 au 01/11/22
Un beau matin partage avec nous un certain sentiment de la vie, une certaine lumière sur les choses, en nous racontant nos riches vies banales. Avec douceur, le film met en scène deux élans contradictoires, deux mouvements primordiaux opposés qui cohabitent sans heurts, traités tous deux avec autant d’attention et d’intérêt : la maladie incurable d’un parent, et la naissance d’un amour.
Nous suivons Sandra, une jeune femme qui élève seule sa fille. Son père, Georg, ancien professeur de philosophie en classe préparatoire, souffre d’une maladie dégénérative rare (Pascal Greggory est époustouflant), laquelle porte atteinte à ce qu’il a de plus cher et lui interdit son plus grand plaisir : la lecture, les mots, la clarté d’un raisonnement. Aujourd’hui c’est même de son autonomie qu’elle le prive, et les venues quotidiennes de Sandra n’étant plus suffisantes, il va s’agir pour elle et sa famille de lui trouver une place dans un EHPAD à la fois convenable, confortable et abordable. Pas facile.
Et puis il y a les retrouvailles imprévues avec Clément, un vieil ami. Avec lui, ce qui s’était endormi depuis longtemps chez elle va fleurir à nouveau, spontanément et avec grâce. Pourtant la relation n’est pas si simple, mais Sandra est du côté de la vie et choisit de l’embrasser, au présent, et de prendre les choses comme elles viennent.
Alors jour après jour, le sac accroché aux épaules, elle endosse toutes les responsabilités qui lui incombent, les unes après les autres, avec tranquillité : sa fille, son travail, son père, son amant, sa place dans la famille. Car autour de Georg, c’est tout une famille qui gravite : il y a Leïla son bel amour, son ex-femme Françoise et son compagnon, et leurs deux filles, Sandra et sa sœur.
Si une bienveillance à toute épreuve teinte le film, les choses n’en sont pas moins dites. Un beau matin ne souffre d’aucune complaisance. Ici rien n’est flatté, nul n’est héroïque. Simplement les pentes sont douces. Sans excès, même quand les choses se vivent intensément. Sans pathos, même quand la tristesse nappe tout l’espace. D’ailleurs Georg, plus que sa dignité, conserve, à l’image du film, son élégance. Malgré son dénuement, quelque chose de bien à lui subsiste, une politesse, une sérénité, une façon unique d’être au monde et de dire les choses. Et de fait c’est ce que fait la réalisatrice : délicatement elle nous raconte à sa manière ces étapes cruciales et universelles, au détour des riens qui constituent la vie, de tous ses moments en creux. Et miraculeusement, ça marche : sans surenchère dramatique, chaque idée, chaque scène trouve son rythme et fonctionne parfaitement. Sans doute est-ce aussi parce que la simplicité de ce qui est mis en scène n’est pas pour autant privée de complexité, ni d’ambivalence. C’est par exemple la tristesse bouleversante contenue dans le sourire de Sandra à la lecture d’un texto (Léa Seydoux, une fois de plus, est absolument éblouissante).
Par ailleurs on saluera l’élargissement de la famille considéré comme acquis : au rencart les amertumes, rivalités et autres jalousie dévastatrices entre les ex, les enfants et les nouveaux compagnons. À l’instar de plus en plus de fictions françaises, Un beau matin montre la plasticité de la famille comme un fait accompli : chacun jouit de sa place légitime et chacun contribue à la construction et à la solidité de la famille, qui peut s’agrandir et se ramifier à l’infini.
Filmé en pellicule 35 mm, qui donne à l’image son grain et sa chaleur incomparables, dans un Paris qui serait un grand village, Un beau matintouche aussi par sa patience, laquelle fait naître une forme d’empathie à la fois pleine et distante. Non sans humour et légèreté, Mia Hansen-Løve filme au final rien de moins que l’amour et la lumière qui nous unissent les uns aux autres. C’est fragile et magnifique.
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