Personnellement, je soupçonne que le fait de ne pas savoir apprécier une tasse fumante n’est pas la raison pour laquelle @CumAsYouAreUK est perçu comme quelqu’un manquant d’empathie humaine. À mon avis, c’est plutôt parce que le type s’imagine que tweeter sur les boissons chaudes à partir d’un compte qui traite de sauteries sexuelles pour adultes est un comportement normal.
Heureusement, beaucoup d’autres mecs m’ont communiqué les raisons pour lesquelles ils n’arrivaient pas à trouver du plaisir dans une infusion, un café, un thé ou un chocolat chaud.
Certaines réponses ont été facilement déjouées :
Lui : « Les liquides ne devraient jamais être chauds. »
Moi : « Et qu’en est-il des bains ? »
Lui : « Ah, j’avais oublié les bains. »
D’autres m’ont laissé plus perplexe :
« Je n’aime pas qu’on m’impose un délai pour consommer ma boisson », m’a dit un type appelé Charlie. « Quand elle arrive, elle est encore bouillante, et elle devient vite froide si on la laisse un peu trop longtemps de côté. La fenêtre temporelle où elle est consommable est trop réduite. »
Lorsque Paul ose refuser un thé ou un café. Les gens le regardent de haut et lui reprochent souvent de ne pas être « un vrai adulte ».
OK ça, je peux tout à fait comprendre, ayant moi-même supprimé l’appli BeReal au bout d’un mois parce que je détestais qu’on me rappelle de faire un truc une fois par jour. Mais Charlie, je dois le préciser, travaille aussi comme serveur dans un bar. En tant qu’homme entouré de personnes qui apprécient les boissons que lui-même méprise, se sent-il parfois exclu ?
« Il y a un groupe de Grecs qui vient souvent au bar. Ils s’asseyent et boivent des expressos freddo. Esthétiquement, je dois bien avouer que ça claque », s’est lamenté Charlie. Mais le type est rapidement revenu sur ses propos, me disant qu’à ses yeux, ceux qui « ne peuvent pas fonctionner sans leur café du matin » sont à plaindre — une déclaration contre laquelle la vaste collection de mugs de ma mère s’offusquerait.
Paul, 43 ans, consultant en investissement, m’a confié ne pas seulement se sentir exclu, mais également être sous le feu des critiques lorsqu’il ose refuser un thé ou un café. Les gens le regardent de haut et lui reprochent souvent de ne pas être « un vrai adulte ».
Paddy — 35 ans, motion designer — était d’accord avec Paul, disant que refuser une infusion est particulièrement gênant dans les situations familiales. « J’ai toujours eu l’impression d’être le vilain petit canard de ma famille, un groupe de personnes accros au thé. Ma grand-mère irlandaise boit du thé en permanence. »
« Les gens ont toujours trouvé ça déconcertant », a-t-il ajouté. « [Ce] n’est pas nécessairement un truc de jugement — juste une incompréhension totale. De temps en temps, je réponds oui à ma mère, uniquement pour avoir l’impression de ne pas l’offenser. Je bois la moitié du thé, l’autre moitié va directement dans l’évier. »
Carly Webb, psychothérapeute et fondatrice de Vitus Wellbeing, un service de thérapie personnelle, m’a expliqué que pour beaucoup de gens, les boissons chaudes symbolisent beaucoup plus qu’un simple petit plaisir dans la monotonie quotidienne. « Une tasse de thé représente tellement de choses dans notre société — ce n’est pas une boisson que l’on consomme à la va-vite, mais plutôt une boisson que l’on prend souvent le temps d’infuser correctement, la partageant avec les autres membres d’un groupe. »
« Ceux qui refusent d’essayer les boissons chaudes tentent peut-être de résister à un conformisme social imposé ou se refusent à se soumettre à la pression exercée par leurs pairs »
« Autour d’une tasse de thé, les gens ont tendance à s’ouvrir ; que ce soit en raison de la gratitude que l’on ressent lorsque quelqu’un la prépare pour nous, ou en raison du sentiment de chaleur et de familiarité que le thé procure. C’est devenu la boisson qui accompagne les confessions, les réunions amicales ainsi que les scènes du quotidien. »
Webb ne néglige pas non plus l’espace spécial qu’occupent les autres boissons chaudes aux yeux des gens. « Le café est également une boisson sociable — on prend une pause-café entre collègues ou on va au café avec nos potes le week-end pour partager une dose de caféine et rattraper le temps perdu. »
Plutôt que le choix d’être ostracisés pour leur aversion envers les thés et les cafés, « ceux qui refusent d’essayer les boissons chaudes tentent peut-être de résister à un conformisme social imposé ou se refusent à se soumettre à la pression exercée par leurs pairs », a-t-elle ajouté.
Dans ce sens, les mecs anti-boissons chaudes ne sont sans doute pas si différents de ceux qui prétendent ne pas savoir qui sont les Kardashians, ou ceux qui n’admettraient jamais avoir kiffé matter Plan Cœur avec leur meuf. D’ailleurs, beaucoup de mes interlocuteurs ont reconnu que même s’ils méprisaient ces boissons, ils n’en avaient jamais goûté ou n’en avaient plus bu depuis la petite enfance. Comme Will, 31 ans : « La seule boisson chaude que je pourrais avaler serait de la pisse, si j’avais à choisir entre ça et l’eau du robinet de Londres. »
Cela dit, peut-être qu’il ne faut pas aller chercher si loin. L’escadron anti-boissons chaudes n’a peut-être jamais développé une addiction à la caféine comme le reste d’entre nous, auquel cas on pourrait donner raison à la gent masculine. Sans oublier que s’appliquer à détester les boissons chaudes est sans aucun doute moins grave que la misogynie ou la bière artisanale.
Enfin — et soyez indulgent avec moi sur ce point — peut-être que la réponse est simplement qu’ils n’aiment pas ça. Si quelqu’un me traitait de weirdo parce que je refusais une autre boisson tendance (oui je parle de vous, la brigade des Aperol Spritz), je dois bien admettre que je serais probablement sur la défensive.
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