Julie LERAT-GERSANT – France 2022 1h30mn – avec Pili Groyne, Romane Borhinger, Victoire Du Bois, Lucie Charles-Alfred, Céline Sallette… Scénario de Julie Lerat-Gersant et François Roy.
Du 22/03/23 au 28/03/23
Parfois la vie nous prend dans ses engrenages, dans des schémas qui se reproduisent à l’infini, aussi inextricables que des pelotes de laine qu’on ne sait plus par quel bout attraper. Mais au bout du tunnel, sans doute la lumière… Dans Petites, il y a tout cela et plus encore : une force de résilience, la vie qui trépigne et qui nous crie : change-moi ! Si seulement c’était aussi simple que de changer les couches d’un nouveau-né ! Mais d’ailleurs, est-ce si simple que ça de changer une couche ? On a le droit d’être tétanisé devant la fragilité d’un petit être venant à peine de naître ! Et il est clair que la jeune héroïne de l’histoire, Camille, n’y est pas préparée. À seize ans, elle n’est encore qu’une enfant. Une enfant qui attend un enfant. Un truc trop grand pour elle, difficile à concevoir au sens figuré alors qu’elle semble bien partie pour concevoir au sens propre. À quatre mois de grossesse, même si cela ne se voit pas, elle n’a plus guère le choix. Et les services sociaux de lui rappeler la loi, de lui rappeler ses devoirs et ses droits, et la nécessité de protéger l’intégrité de son corps et de celui de la petite chose qui grandit en elle, même si elle se prend à rêver de s’en débarrasser. Mais ce qui était possible quelques semaines plus tôt ne l’est définitivement plus.
Il faut que Camille l’accepte. Il faut surtout que sa propre mère l’accepte ! Comment Camille peut-elle faire le tri de ses propres désirs dans une relation fusionnelle mère-fille qui laisse peu la place à l’adolescente d’avoir ses propres pensées, vierges de toutes influences. Pour la mère, on devine que la vie n’a pas été simple dans sa façon de tergiverser avec ce rôle, de présenter parfois Camille comme sa sœur, de lui faire jouer des rôles de copine… Tant de choses qui questionnent sur la parentalité.
Et ce sera un arrachement terrible pour ces deux-là quand la juge des enfants, ne cédant ni aux protestations véhémentes, ni aux pressions affectives, placera Camille dans un centre maternel pour lui permettre de respirer, de s’émanciper, de faire ses propres choix. Ce qui semble une injustice profonde pourrait bien devenir une solide planche de salut. Le premier choc passé, il y aura la découverte des copines, le réconfort de découvrir que son histoire personnelle n’est pas isolée. La rencontre avec Alison, jeune mère immature et avec son adorable bout de chou. La rencontre avec Nadine, l’éducatrice spécialisée qui ne laisse rien passer et essaie d’obliger tout ce beau monde à garder les pieds sur terre, à regarder la réalité en face et malgré tout à se projeter dans l’avenir. Il y aura la tendresse de Mehdi, géniteur malgré lui, encore un gosse lui-même et pourtant si désireux de prendre sa part de responsabilités. Toujours amoureux, attentif, attentionné… Toute une trame bienveillante semble se tisser autour de la trop jeune future mère. Tous les personnages, même secondaires, y jouent leur rôle, chacun essayant de ne pas laisser paraitre les moments de découragement, le manque de moyens des institutions. Tous peu ou prou désarmés, usant de patience, jusqu’au gynécologue que l’on sent parfois désemparé face au refus de Camille de regarder l’échographie qui ne triche jamais.
On ressort éblouis par ce premier film vibrant et subtil, étayé en amont par un fabuleux travail de documentation. Porté par des actrices radieuses, Petites est un témoignage lumineux et bouleversant. La bande son, qui va de Superpoze à Catherine Lara, renforce la puissance du récit, berce les pas de Camille, l’ancre à la fois dans son époque et dans celle de sa mère. Peut-être réussira-t-elle à fuir un parcours qui n’est pas le sien ? À contrecarrer une prédestination qui la propulse trop tôt hors de l’insouciance de l’enfance ?