Manifestation contre le pass sanitaire à Marseille le 7 août dernier. Roger Anis / Intermittent via Getty Images
Benjamin, exclu de son groupe d’amis d’enfance depuis qu’il a décidé de ne pas se faire vacciner
Particulièrement méfiant des vaccins en général, Benjamin a fait le choix de ne pas se faire vacciner. Un acte qu’il pensait au départ anodin. « J’avais déjà attrapé le Covid et je n’ai pas dans mon entourage de personnes fragiles alors j’ai préféré ne pas me faire vacciner. Je ne pensais vraiment pas que ça aurait autant de conséquences sur ma vie sociale. »
Et pourtant, ce choix l’a encore plus isolé que les confinements de ces derniers mois. Du haut de ses 19 ans, Benjamin fait partie d’un groupe d’amis très soudé depuis l’enfance. « On fait des soirées régulièrement ensemble et on part presque toujours tous ensemble en vacances. » Pour la première fois, Benjamin n’a pas été convié aux vacances estivales habituelles. « Ils se sont tous fait vacciner dès que le vaccin était disponible et ça ne me pose pas de problème, je comprends, certains ont perdu des proches à cause de cette merde. Mais moi, j’ai fait le choix d’attendre. Quand on a commencé à débattre du fait de se faire vacciner ou non, j’ai senti que ça se tendait beaucoup plus vite que d’habitude. »
Le ton monte, les esprits s’échauffent, une amie de Benjamin éclate même en sanglots lors d’un énième débat autour d’un verre. « Ils m’ont tout de suite catalogué dans le cliché du complotiste qui ne veut pas se faire vacciner parce qu’il a peur de l’ADN modifié ou des conneries du genre. Je n’ai juste pas envie de me faire vacciner pour une maladie que j’ai déjà eue. » Par souci d’information, nous vous rappelons qu’il est tout à fait possible d’attraper plusieurs fois le Covid.
Les amis tentent d’éviter le sujet tous ensemble mais difficile de parler d’autre chose en ce moment. Alors les frictions continuent jusqu’à ce que son groupe d’amis fasse le choix de l’exclure petit à petit. « J’apprenais qu’ils prenaient des verres sans moi. Ça m’a vraiment blessé. » Alors, Benjamin choisit de prendre ses distances et d’aller moins souvent aux réunions du groupe (lorsqu’il y est invité). C’est au mois de juillet, sur les réseaux sociaux, qu’il remarque que ses amis sont partis en vacances sans lui. « Je pensais que rien n’était prévu à cause du Covid ou de nos plannings respectifs, mais c’est encore pire que ce que je pensais. Ils ont non seulement organisé des vacances sans moi mais ils me l’ont caché. »
Lola travaille dans le milieu médical mais son compagnon est anti-vaccin
En couple depuis 8 mois, Lola vivait le parfait amour avec son copain jusqu’à l’arrivée du vaccin où elle découvre qu’« il est anti-vaccin jusqu’au bout des ongles ». Tous les arguments possibles et inimaginables sont évoqués pour plaider la non-vaccination. « Il dit qu’on est des OGM humains, des moutons qui ont peur de se faire punir. » Des propos difficiles à entendre pour cette soignante, qui a vécu la première vague dans un hôpital.
« J’en viens à éviter par tous les moyens le sujet. Quand il en parle, je ne réponds pas et quand on est avec d’autres personnes, je fais les gros yeux aux autres pour qu’ils comprennent qu’il ne faut pas en parler. c’est presque devenu tabou ». À tel point que lorsqu’elle s’est faite vacciner, Lola n’en a pas informé son compagnon. C’est lorsqu’il a touché son bras où elle s’était fait vacciner et qu’elle a signifié sa douleur qu’elle a dû lui avouer. « Il m’a dit tout de suite “Pourquoi t’as fait ça ? Mais t’es folle ? Tu te mets des choses dans ton corps ? Tu te mets en danger.” »
Si elle ne pense à la rupture, Lola s’inquiète pour l’avenir de son couple en temps de Covid. « Même les projets personnels sont remis en question. Avec cette histoire de pass sanitaire, même des activités aussi banales qu’aller au cinéma ou au restaurant ou encore voyager deviennent presque impossibles. Si ça s’éternise, ça va nous mettre en danger ». Le brouillard qui entoure aujourd’hui nos vies s’étend dans la sphère privée et parfois intime. Fébrile, Lola ne sait que répondre lorsqu’on lui demande si elle se serait mise en couple avec son compagnon si elle avait su à l’avance qu’il était anti-vaccin. « Si j’avais su, je me serais peut-être posé la question deux fois parce que ça touche aussi à mes principes, penser collectif, aux personnes qui sont vulnérables, à sa famille, ses amis. C’est assez perturbant cette résistance de sa part, je ne m’y attendais pas. »
Guillaume déménage pour éviter sa mère complotiste
Cet étudiant en sciences politique a toujours su que sa mère appréciait quelques théories complotistes : le premier voyage sur la Lune serait faux, les Illuminati… Rien de bien original. Mais la crise sanitaire a accéléré cette tendance à croire en n’importe quelle fake news. « Elle s’est mis sur plein de groupes Facebook remplis de conneries et le soir quand on regardait le JT de 20H en dînant, elle répétait ce qu’elle avait lu sur internet en disant que les médias mentaient ». Guillaume prend son mal en patience et tente au fur et à mesure d’expliquer à sa mère comment décrypter une fake news mais elle ne veut rien entendre, persuadée d’avoir compris mieux que les autres ce qui se tramait.
« Toute l’année dernière, j’ai eu cours à distance sur mon ordinateur et quand je sortais enfin de ma chambre, c’était pour entendre n’importe quoi sur le virus de la part de ma mère ». Au fil des mois, l’étudiant s’agace. Lorsque sa mère peut enfin se faire vacciner, il sait d’avance qu’elle ne va pas le faire. « Dès que les laboratoires ont annoncé la sortie de leur vaccin, elle a passé encore plus de temps sur son portable à parler avec je ne sais qui sur Facebook ». Très vite, sa mère adhère aux idées complotistes les plus farfelues : micropuces injectées ou encore manipulation internationale pour faire baisser la population emplissent ces messages sur les réseaux sociaux.
« Quand je lui ai dit que je m’étais inscrit pour me faire vacciner, elle devenue folle. Elle m’a dit qu’il était hors de question que son enfant devienne un suppôt du gouvernement. En tant qu’étudiant en science politique, je me suis dit que ce n’était plus possible ». Guillaume a donc décidé de déménager et de prendre son indépendance à la rentrée prochaine pour échapper aux réflexions constantes de sa mère autour du vaccin.
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Ce débat sur les vaccins montre à quel point les choix personnels peuvent créer des divisions profondes dans nos relations. La pression sociale et les opinions divergentes transforment des moments de convivialité en conflits. Il est urgent de retrouver une écoute empathique pour préserver nos liens, car cette situation n’affecte pas seulement la santé individuelle, mais aussi notre bien-être collectif. La communication ouverte et respectueuse est essentielle dans ces temps difficiles.