Écrit et réalisé par Bruno DUMONT – France 2023 1h51mn – avec Anamaria Vartolomei, Lyna Khoudri, Camille Cottin, Fabrice Luchini, Bernard Pruvost et quelques autres acteurs qu’on ne voit que dans les films de Bruno Dumont…
Du 13/03/24 au 26/03/24
Peu importe que vous ayez vu ou pas La Vie de Jésus (1997), le premier long métrage de Bruno Dumont, mais si tel est le cas, vous goûterez un peu plus encore cet épatant nouvel opus en sachant que L’Empire en est le préquel et qu’on y assiste à l’avènement de son futur anti-héros, Freddy ! C’est lui que l’on découvre ici en marmot blondinet que des forces supérieures en même temps que venues d’ailleurs vont se disputer avec acharnement. Il a pourtant l’air d’un gentil poupon parmi tant d’autres, toujours pendu au bras de sa mémère, tandis que son père veille au grain. Mais bébé Freddy, c’est celui que tous nomment avec vénération « Le Margat ». Drôle de surnom qui, à la première écoute, évoque aussi bien l’ensemble des légumes qui accompagnent un couscous qu’un succédané de beurre à tartiner. Or le Margat (petit nom qui désigne les marmots dans le Boulonais) n’est rien moins ici qu’une espèce de Messie maléfique, un Prince (charmant) des Ténèbres devant lequel tous plient ridiculement l’échine et qui se trouve être l’enjeu de toutes les convoitises. Voilà plantée l’ambiance burlesque de l’intrigue, qui va donner lieu à autant de gags débridés que d’inquiétants stratagèmes.
Tout débute dans le nord du Nord, dans un village côtier tout ce qu’il y a d’ordinaire, avec son port, ses dunes, son petit marché, ses habitants tranquilles… Un village banal qui va devenir le théâtre de curieuses scènes, puis d’étranges débarquements que l’on n’a guère envie de vous dévoiler pour vous laisser le plaisir de la surprise, ou plutôt des surprises, qui iront de rebondissements insolites en péripéties burlesques. Bienvenue dans un véritable bouillon de culture où tous les genres sont permis, un terreau fertile duquel peuvent naître le meilleur comme le pire. Il y a du chevaleresque dans l’air en même temps que d’improbables vaisseaux spatiaux dans des décors naturalistes. Il y a des anges et des démons investissant des formes humaines, prêts à se livrer bataille pour faire triompher leur cause. Il y a aussi des envahisseurs qui cherchent un point de chute, de nouveaux royaumes. Des marins pêcheurs et des cavaliers qu’on croirait tout juste arrivés de Camargue. Les clins d’œils fourmillent, toujours à propos : des épées laser dignes de Star Wars, des duels dignes des plus grands films de cap et d’épée, des passions fulgurantes dignes de Roméo et Juliette, sans oublier le duo de flics inénarrables habitué des films de Dumont, improbables Laurel et Hardy du plat pays. Décalages complètement barrés et assumés, sens magistral du non-sens mis en musique pour nous faire exploser de rire à propos de grandes questions métaphysiques : le Bien triomphera-t-il un jour du Mal ou est-ce le Mal qui écrasera le Bien à tout jamais ?
Vous l’aurez compris, il faut laisser au vestiaire tout préjugé, tout présupposé avant d’entrer dans la salle, accepter de se laisser transporter par les fulgurances du scénario, être prêt à se régaler des frasques extravagantes de personnages tous délicieux, très léchés à leur façon, tous campés de façon magistrale par les actrices et acteurs (qu’ils soient professionnels ou amateurs). Chacun déployant une énergie communicative, une véritable jouissance du jeu et tout leur potentiel tragicomique : que ce soit Fabrice Luchini dans le rôle du serviteur des Ténèbres ou Camille Cottin qui lui rend bien la monnaie de sa pièce en pendant féminin qui préside aux forces du Bien.
La Guerre des étoiles sur la côte d’Opale, façon Bruno Dumont, c’est un petit bijou dadaïste, autrement dit déjanté et subversif, qui fait un bien fou aux neurones !