Au parlement, les députés RN n’en sont pas à leur coup d’essai sur le sujet. L’an dernier, Jean-Philippe Tanguy avait proposé – sans succès – de revenir sur les 600 millions d’euros versés par l’État à La Poste, au titre des aides au portage, qui permettent aux journaux et magazines de bénéficier de frais postaux modérés pour leurs envois à leurs abonnés.
Cette année, l’examen du budget a donné des idées à plusieurs députés dans les rangs de l’extrême droite : un premier amendement, rédigé par un député RN du Pas-de-Calais, Bruno Clavet, propose donc de revenir sur le taux réduit de TVA de la presse en ligne. Joint par StreetPress, Bruno Clavet n’a pas souhaité s’exprimer avant l’examen de son texte. Un second amendement, déposé par un élu du mouvement d’Éric Ciotti, propose d’aller beaucoup plus loin. Alexandre Allegret-Pilot suggère dans son texte que toute la presse – en ligne comme papier – passe à une TVA à 20 %. Il justifie dans un mail à StreetPress son texte :
« Le taux actuellement en vigueur est largement inférieur à celui s’appliquant aux produits de première nécessité (ex alimentaires, hygiène) : 2,1 % contre 5,5 %, soit moins de la moitié. »
Pourtant « les taux de TVA sont réduits pour la presse partout en Europe », explique Laurent Mauriac, le co-président du Syndicat de la presse indépendante en ligne. Des pays comme l’Irlande, le Danemark, la Belgique, le Royaume-Uni ou la Norvège ont même mis en place une TVA à 0 % pour la presse, et elle ne dépasse jamais 12 % dans l’Union européenne. « Il y a une justification démocratique pour que la presse bénéficie d’un taux réduit de TVA », explique Laurent Mauriac, qui s’inquiète d’une volonté des régimes illibéraux de pénaliser les médias en jouant sur le taux de TVA :
« Aux Pays-Bas, la coalition droite-extrême droite au pouvoir est en train de relever le taux de TVA de la presse de 9 % à 21 %. »
« Certains députés ne maîtrisent pas le sujet ! »
« Pas sûr qu’ils connaissent bien le secteur ! », s’étrangle Pierre Petillault, le directeur général de l’Alliance de la presse d’information générale, la plus grosse organisation du secteur : « Si on change de 18 points le taux de TVA, cela menace directement la sécurité économique des éditeurs. »
Et même du côté des médias marqués à l’extrême droite, on ne rigole pas à l’annonce de cet amendement. Erik Tegnér, le fondateur du média Frontières (ex- Livre Noir), joint par StreetPress, s’étonne :
« Cela aurait un vrai impact. Comme tous les médias, on est sur le fil. Une hausse de la TVA diminuerait nos moyens, on pourrait même être amenés à se séparer de quelques-uns de nos employés. »
Et le boss de Frontières d’ajouter :
« Il faut bien comprendre que le sujet de l’abonnement, c’est qu’on a un panier moyen qui reste faible, les lecteurs n’ont pas un budget extensible. Je pense que certains députés ne maîtrisent pas le sujet ! »
De l’autre côté de la sphère médiatique, chez Mediapart, on juge ces amendements « symptomatiques de la haine de la presse à l’extrême droite, qui voudrait en finir avec la presse indépendante ».
« Il n’y a aucune chance que notre groupe soutienne ces amendements «, confie à StreetPress un député macroniste. Sans l’appui de l’ancienne majorité, les textes ont une probabilité quasi nulle d’être votés. Mais ce n’est, pour Carine Fouteau, la directrice de Mediapart, qu’un avant-goût « de ce que serait un pays gouverné par l’extrême droite ». Et d’ajouter :
« En cas de prise du pouvoir par l’extrême droite, on a préparé un plan. On a constitué pour Mediapart des réserves financières et on se prépare contre une multiplicité des menaces. »
L’image d’illustration de Une est signée Funky Tee, publiée sur Flickr. Certains droits réservés.
Pour continuer le combat contre l’extrême droite, on a besoin de vous
Face au péril, nous nous sommes levés. Entre le soir de la dissolution et le second tour des législatives, StreetPress a publié plus de 60 enquêtes. Nos révélations ont été reprises par la quasi-totalité des médias français et notre travail cité dans plusieurs grands journaux étrangers. Nous avons aussi été à l’initiative des deux grands rassemblements contre l’extrême droite, réunissant plus de 90.000 personnes sur la place de la République.
StreetPress, parce qu’il est rigoureux dans son travail et sur de ses valeurs, est un média utile. D’autres batailles nous attendent. Car le 7 juillet n’a pas été une victoire, simplement un sursis. Marine Le Pen et ses 142 députés préparent déjà le coup d’après. Nous aussi nous devons construire l’avenir.
Nous avons besoin de renforcer StreetPress et garantir son indépendance. Faites aujourd’hui un don mensuel, même modeste. Grâce à ces dons récurrents, nous pouvons nous projeter. C’est la condition pour avoir un impact démultiplié dans les mois à venir.
Ni l’adversité, ni les menaces ne nous feront reculer. Nous avons besoin de votre soutien pour avancer, anticiper, et nous préparer aux batailles à venir.
Je fais un don mensuel à StreetPress