Concocté par la chancelière allemande Angela Merkel et le président Emmanuel Macron, ce plan prévoit désormais 300 milliards d’euros de prêts et 450 milliards de subventions – qui n’auront pas à être remboursés par les bénéficiaires. Alors que ce dimanche les dirigeants attaquent leur troisième jour de négociations, les positions sont particulièrement tendues entre les États dits frugaux, Pays-Bas (en tête), Autriche, Suède et Danemark, et les autres. Dans la soirée de samedi, les dirigeants français et allemands ont même quitté la réunion.
Dans ce jeu de tour de table, la position de fer assumée par Mark Rutte, pas vraiment dissimulée dans un gant de velours, a le don d’agacer plusieurs élus français.
Haro sur la fiscalité néerlandaise
Sur Twitter, Richard Ferrand, le Président de l’Assemblée nationale tance ainsi la position d’un pays qui s’opposerait à 90% de la population européenne, alors que de son côté sur Europe 1, le député Modem Jean-Louis Bourlanges insistait ce dimanche matin sur “l’égoïsme” des pays frugaux, et l’entêtement de Mark Rutte.
L’eurodéputée LREM Natalie Loiseau, ose de son côté une comparaison façon syndic de propriété. Sans viser toutefois nommément Mark Rutte et les Pays-Bas.
L’élue LFI au Parlement européen Manon Aubry tire de son côté avec des boulets plus francs, évoquant notamment la situation fiscale des Pays-Bas, un argument qui a particulièrement le vent en poupe dans les négociations actuelles. Il est également mis en avant par son collègue écologiste David Cormand.
De fait, même s’ils ne font pas partie de la liste noire de l’UE, les Pays-Bas sont au même titre que l’Irlande et le Luxembourg des champions de l’optimisation fiscale. L’ONG Ofxam estimait même en février dernier que si les critères européens étaient bien appliqués chez nos voisins néerlandais, ils seraient alors inclus dans cette liste au même titre que les îles Caïmans, ou les Bahamas.
Terrible ironie, le réseau Tax Justice Network estime que le système fiscal des Pays-Bas a coûté près de 10 milliards d’euros aux pays européens. Dans les détails, les finances italiennes auraient perdu près de 1,5 milliard de dollars au profit des Pays-Bas, alors que Madrid aurait vu s’envoler 1 milliard de dollars.
En dehors des frontières hexagonales, le Pays-Bas “bashing” connaît d’ailleurs également un certain plébiscite. Si le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, tance le manque de clairvoyance des frugaux, faisant valoir la nécessité d’une réponse forte, Viktor Orban, le président hongrois, en a fait une affaire personnelle. “Je ne sais pas quelle est la raison personnelle pour laquelle le Premier ministre néerlandais me hait, moi ou la Hongrie, mais il attaque si durement”, a-t-il commenté. “Nous devons le dire clairement: si un accord est bloqué, ce ne sera pas de ma faute mais celle du gars des Pays-Bas, parce que c’est lui qui a commencé”.
L’un des plus gros quotidien espagnol, El Pais, a de son côté publié un éditorial au vitriol contre le dirigeant néerlandais “qui ne sert que ses intérêts”.
Attention à la sortie de Rutte
Comment expliquer la détermination de Mark Rutte? Alors que les Pays-Bas qui avaient rejeté la Constitution en 2005 ont la réputation d’être plutôt eurosceptiques, certains observateurs ne manquent pas de pointer que les prochaines législatives néerlandaises ont lieu dans 8 mois et la fragile coalition au pouvoir à Amsterdam.
À cela s’ajoute pour l’ancienne Batave une percée du parti europhobe, Forum pour la démocratie, lors des élections provinciales, sénatoriales et européennes de l’an passé. Au Sénat le FdV est devenu la première force politique. Des résultats qui obligent au moins en partie Mark Rutte à maintenir une position dure à Bruxelles.
Une tactique limitée tant elle risque d’isoler plus encore les Pays-Bas, et dont la seule issue possible reste celle du compromis. Au risque d’entraîner un Nexit?
À cet égard, le premier néerlandais a plusieurs atouts. Le Monde pointait également en avril dernier son admiration pour Winston Churchill mais aussi sa souplesse politique qui lui a permis de rester en poste depuis 2010.
Si aucun accord sur le plan de relance n’est trouvé d’ici la fin du week-end, les 27 devraient à nouveau se retrouver à la fin du mois.
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