La date butoir du 4 mars approche et les parrainages inquiètent. C’est le cas chez certains ténors, comme Marine Le Pen. Mais d’autres candidats moins visibles le sont encore plus. “Notre présence à la présidentielle n’est pas garantie”, s’alarmait lundi 21 février Philippe Poutou, candidat du NPA, 243 signatures au 24 février .
Ils sont au moins une dizaine dans ce cas, dont certains qui n’en sont pas à leur première campagne: Hélène Thouy du parti Animaliste (97 signatures), Anasse Kazib pour Révolution Permanente (130), François Asselineau de l’UPR (247), Gaspard Koenig pour Simple (49), Georges Kuzmanovic de République souveraine (42)… Florian Philippot, avec une seule signature au compteur mi-février, a préféré jeter l’éponge. Christiane Taubira aussi est en grande difficulté. Mais son statut d’ancienne Garde des Sceaux, sans la sauver, lui offre une notoriété qui fait justement défaut aux autres.
Temps de parole: de 70 heures à 2 minutes
Depuis le début de la campagne, les candidats se bousculent dans les matinales. On entend ou on lit régulièrement Valérie Pécresse ou son entourage. Le constat est valable pour Le Pen, Mélenchon, Hidalgo, Jadot ou encore Roussel. En revanche, il faut chercher avec plus d’attention pour trouver les passages de Philippe Poutou, Gaspard Koenig, Hélène Thouy ou François Asselineau. Ils existent: la candidate du Parti animaliste a par exemple été invitée sur trois plateaux en deux jours en cette fin février. Mais dans le décompte du CSA sur le temps de parole des candidats, ils arrivent loin derrière.
Valérie Pécresse a occupé l’antenne pendant près de 70 heures en janvier, numéro 1 devant Emmanuel Macron, Marine Le Pen, Éric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon, dans l’ordre. En milieu de classement, on trouve Christiane Taubira, 11 heures au compteur. Quelques lignes plus bas, ce n’est plus un écart mais un fossé: Philippe Poutou est à 1h35, juste devant Hélène Thouy (1h16), Gaspard Koenig (1h14) et François Asselineau (1h09). Anasse Kazib, candidat pour la première fois et dont le parti est né d’une scission du NPA, arrive en dernière position, avec 2 minutes 41 secondes à l’antenne.
Pour rappel, dans la phase de pré-campagne électorale du 1er janvier au 7 mars, le temps de parole des candidats est réparti en fonction de leur représentativité et de leur implication dans la campagne.
“On a eu des maires qui nous avaient promis leurs parrainages et qui finalement, comme ils ne nous ont jamais vu à la télé, ont considéré que je n’étais plus candidat”Anasse Kazib, candidat de Révolution Permanente
“La seule émission que j’ai faite c’est ce dimanche sur C politique”, affirme au HuffPost Anasse Kazib, qui se revendique comme “marxiste”. “Pourtant on a envoyé peut-être une trentaine de communiqués de presse depuis le début.” Il faut aussi ajouter au moins un passage dans l’émission À l’air libre de Mediapart et dans Touche pas à mon poste sur C8. Sa convocation pour un rassemblement devant la Sorbonne a aussi été relayée par de nombreux titres de presse écrite.
“Comme si on n’existait pas”
Ces candidats s’estiment aussi lésés lors des sondages sur les intentions de vote ou du décompte des parrainages. “Les médias oublient bizarrement trop souvent de citer certains noms de candidats, comme si on n’existait pas”, grinçait début février Philippe Poutou, quelques heures avant une publication par le Conseil Constitutionnel.
Anasse Kazib abonde: “Il y a une volonté consciente des médias de faire tout comme si ma candidature n’existait pas”, accuse-t-il. “Ils affichent la liste du Conseil Constitutionnel en mettant Guillaume Meurice ou Florian Philippot qui ont un parrainage. Moi qui en ait 122 ils ne le mettent pas, ils effacent la ligne.”
C’est “tellement gros” qu’il a lancé avec son équipe un hashtag #OùestAnasse pour signaler les fois où il apparait à l’écran. Et, plus sérieusement, il a aussi saisi le CSA sur ce point. “On demande juste le respect qui doit être celui de tout candidat qui a des parrainages. Quelqu’un qui a des parrainages a le droit d’avoir un minimum de temps de parole”, défend-t-il, en citant en contre exemple Éric Zemmour, très présent à l’antenne bien qu’il n’ait pas encore réuni les 500 signatures requises.
Twitter
Des meetings “plus remplis que ceux du PS”
Cette “invisibilisation” médiatique explique-t-elle leurs difficultés à trouver des parrainages? Sur ce point, Anasse Kazib reste pragmatique. “Il ne faut pas non plus penser que le passage dans les médias fait qu’on obtient automatiquement 500 parrainages”, nuance-t-il. Marine Le Pen et Éric Zemmour peuvent en témoigner. Nathalie Arthaud aussi, quatrième candidate à avoir eu ses 500 signatures, malgré un temps de parole de 2 heures en janvier.
Mais l’absence dans les médias n’est pas non plus sans conséquences sur ces précieuses signatures. “On a eu des maires qui nous avaient promis leurs parrainages et qui finalement, comme ils ne nous ont jamais vus à la télé, ont considéré que je n’étais plus candidat”, raconte Anasse Kazib au HuffPost. “Qui dit médias, dit la possibilité d’avoir des dons, des militants qui veulent nous rejoindre… Quand les gens ne savent pas que vous êtes candidat, comment voulez-vous qu’ils vous aident?”. Un avis partagé par l’équipe rivale de Georges Kuzmanovic: “Pour les petits candidats, il y a plus de méfiance donc de vérification. C’est pour cela que les parrainages prennent plus de temps à être comptabilisés”, affirmait à 20minutes un membre de la campagne.
Pour asseoir leur légitimité, chacun y va de sa stratégie. Les réseaux sociaux servent évidemment à combler le vide médiatique: réactions à l’actualité, communiqué de presse, photos de meeting, déplacement des candidats et agenda… tout ou presque passe par là. Interrogé sur l’engouement sur le terrain, Anasse Kazib nous renvoie d’ailleurs aux photos publiées sur Twitter et revendique des meetings “plus remplis que le parti socialiste ou Yannick Jadot”.
Avant d’abandonner, Florian Philippot (Les Patriotes) avait tout fait pour s’imposer comme le candidat “anti-vax” et anti-pass sanitaire, relayant abondamment sur ses réseaux les images de manifestations organisées par ses soins.
Au parti Animaliste, on ne cesse de rappeler le score – infime au global mais surprenant – aux élections européennes de 2019. “Nous avons fait 500.000 voix”, insiste Hélène Thouy le 19 février sur France 2. Philippe Poutou affiche lui sa proximité avec les Français: “Comme quoi, n’en déplaise à ceux qui voudraient qu’on ne soit pas présents à l’élection, notre candidature et nos idées intéressent et font discuter”, écrit-il pour illustrer des images d’une de ses réunions publiques.
“On est un ‘petit candidat’ parce que le sysème nous force à rester petit”, tacle Anasse Kazib. “Si on n’est pas des politiciens professionnels, on nous considère comme des petits. Ça devrait nous interroger: comment ça se fait qu’une poignée de gens, à mille lieues de la vie de celles et ceux d’en bas, soit considérés comme des ‘gros candiats’?”.
À moins de 10 jours de l’échéance, seulement huit postulants à l’Élysée sont assurés d’être au premier tour de l’élection. Tous sont des habitués de la politique, même si certains représentants de partis bien établis manquent encore à l’appel. Pour les autres candidats plus discrets, les chances sont à ce stade dérisoires, même s’ils conservent toute leur détermination.
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Il est vraiment préoccupant de voir comment les “petits candidats” sont souvent invisibilisés dans cette campagne présidentielle. Leur lutte pour obtenir des parrainages et du temps de parole est essentielle pour la démocratie. Chaque voix compte et mérite d’être entendue, peu importe la notoriété du candidat. Espérons que les médias finiront par leur donner la visibilité qu’ils méritent, car de nouvelles idées et perspectives sont cruciales pour l’avenir de notre pays. #OùEstAnasse