Ce paquet de mesures à 20 milliards pour soutenir les ménages frappés par l’inflation met la NUPES face au dilemme suivant: faut-il voter un projet d’inspiration libérale basé sur un mécanisme de primes et d’exonération de cotisations sociales pour répondre à l’urgence, ou s’opposer à un texte au motif qu’il n’agit pas sur les salaires et demeure largement en deçà du programme que la coalition de gauche défendait lors des législatives sur le sujet?
“Mesurettes”
“Si c’est pour améliorer le pouvoir d’achat des cadres supérieurs, ce n’est pas la peine”, prévient d’emblée Gérard Leseul, député socialiste très investi sur le sujet, lequel juge la copie du gouvernement “très insuffisante en l’état”. L’élu de Seine-Maritime, qui avait déposé une proposition de loi visant à revaloriser le Smic, déplore “le refus absolu de toucher aux salaires” de la part du gouvernement, qui se contente de “mesurettes” en dépit du chiffre faramineux qui est annoncé.
“Le problème, c’est qu’en agissant uniquement avec des primes, on fait peser le coût de ces coups de pouces à notre système social. Or ce sont les plus fragiles qui en ont le plus besoin”, poursuit le socialiste qui, “en l’absence du moindre geste de la part du gouvernement”, ne voit pas comment la gauche pourra voter ce texte. Il faut dire qu’en commission, la NUPES a même observé des signaux diamétralement opposés, puisque le gouvernement a topé avec LR pour déplafonner la fiscalisation des heures supplémentaires de 5000 à 7500 euros.
Il y a bien une mesure sur laquelle Renaissance (ex-LREM) est allé dans le sens du compromis: la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Un geste vu comme mineur à gauche. “Ça fait trois ans qu’on le demandait dans le vide, et en plus LR et le RN sont aussi pour, ce n’est pas vraiment comme si la majorité avait pu faire autrement que de bouger là-dessus”, souligne une source parlementaire, qui doute également de la volonté du gouvernement de chercher des appuis à gauche.
Vers des discussions avec la droite?
Alors, comment peser? “Nous avons retravaillé des amendements retoqués en commission que l’on défendra en séance. Avec les débats, les choses peuvent bouger”, veut croire Gérard Leseul, qui ne désespère pas d’ajouter dans le texte une partie portant sur les salaires. “Je me souviens que Valérie Pécresse prônait la hausse de 10% du Smic durant la présidentielle, donc ce n’est pas impossible de travailler avec la droite sur tel ou tel point”, souligne-t-il.
“On est plusieurs groupes à avoir le même objectif sur le carburant, avec des méthodes différentes. Pourquoi ne pas discuter avec LR pour imaginer des amendements qui fassent coexister une taxation des superprofits avec une baisse du prix du carburant, par exemple via une taxe flottante ?”, s’interroge Éric Coquerel, dans Le Monde, alors que l’idée de travailler sur une baisse de la TVA sur les carburants fait son chemin à gauche, en dépit de la proposition de base qui était de bloquer les prix.
“Rien n’est tranché, et il faudra voir en réunion d’intergroupe comment ça passe avec les écologistes, mais on est dans une situation d’urgence qui peut nécessiter ce genre de mesure temporaire”, souffle une source NUPES, consciente que cette mesure est également réclamée par le Rassemblement national, ce qui la rend politiquement complexe.
Une piste de travail qui montre que la gauche croit avoir encore des marge des manœuvres dans cette assemblée qui redonne aux groupes politiques une place prépondérante dans le processus législatif. En outre, le camouflet infligé au gouvernement sur le projet de loi sanitaire a montré que ce qu’il se passait -et au pas de charge- en commission ne prédisait pas forcément ce qu’il se passe dans l’hémicycle.
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