Pendant que sa mère s’isole et sombre progressivement dans la dépression, il accumule des éléments qui vont lui permettre de remettre en question le modèle dominant d’une médecine occidentale qui fait défaut. Il se tourne alors vers les modes alternatifs et creuse du côté des psychotropes ; puis il commence à collecter des textes de spécialistes, analyse des archives archéologiques, étudie les rites chamaniques et voyage au Pérou où il découvre notamment l’usage thérapeutique de l’ayahuasca.
Photographe de métier, Mathias prend au passage le soin d’immortaliser toutes ces découvertes qui vont constituer plus tard le contenu de son livre Mother’s Therapy, lequel établit un historique documenté de l’usage des champignons hallucinogènes à usage thérapeutique mais constitue aussi le récit du combat qu’il mène pour la santé de sa mère.
Pour dresser cette narration, Mathias remonte grâce à des archives jusqu’aux premières potentielles représentations de rituels chamaniques, dans la préhistoire. Des pierres taillées en forme de champignon et des peintures rupestres d’espèces anthropomorphes et de chamans sont hypothétiquement les plus vieilles traces de connaissances de l’être humain sur les états modifiés de consciences.
Il manque des preuves concrètes, mais l’interprétation reste possible et fait sens pour Mathias, qui développe au moins la certitude que « les peuples premiers avaient une vision du monde plus ouverte et plus spirituelle que la nôtre. »
Les rencontres qu’il fait avec des personnes spécialisées confirment chez lui l’idée que celles-ci sont quasi les seules à continuer actuellement les recherches sur les psychotropes à usage thérapeutique en Europe. Mais si des recherches sur la psilocybine ont beau être menées, Mathias ne trouve aucune trace de tests cliniques effectués sur des personnes atteintes de troubles bipolaires.
Il découvre aussi, dans l’histoire plus récente, l’expérience d’ingestion de la psilocybine effectuée par Robert Gordon Wasson en 1955, lors d’un rituel avec la guérisseuse mazatèque María Sabina. Indirectement, c’est cette fameuse chamane et femme de savoirs qui va avoir un impact sur la santé de sa mère. En gros, il entre quelque temps plus tard en contact avec un psychiatre-psychothérapeute formé au Mexique auprès des descendant·es de María Sabina. Après s’être assuré du potentiel des champignons hallucinogènes dans le cadre d’une utilisation thérapeutique encadrée par des professionnel·les, il propose à sa mère d’essayer la prise de psilocybes, dans le respect des protocoles chamaniques, avec le spécialiste en question.
Malgré quelques difficultés, la molécule a fait son effet au bout de quelques mois. La mère de Mathias a depuis rompu la relation avec son ancien psychiatre et opté pour une sorte de micro-dosing. Son psychothérapeute en assure le suivi tout en poursuivant les entretiens. Peu à peu, ça lui permet de rendre enfin son existence supportable et de renouer avec une vie sociale, entre autres.
Important de préciser, Mathias ne présente pas l’expérience de sa mère comme un modèle à suivre. Il faut plutôt le voir comme une réaction personnelle au désespoir et un témoignage de l’envie de voir sa mère renouer avec sa vie.