Un mardi matin de septembre, alors que Bernice Smith s’endormait à Forsyth, en Géorgie, son téléphone a sonné. C’était Yvonne Stuart, une membre du Parti démocrate du comté de Monroe, qui appelait depuis un événement de collecte de fonds par téléphone. « J’ai quelqu’un ici pour toi, » a dit Stuart à Smith, qui se frottait les yeux. « Tim Walz veut te parler. »
Walz venait de donner aux télévendeurs un discours motivant, en personne. Maintenant, il surprenait leurs interlocuteurs. « Je me suis redressée dans mon lit, » se souvient Smith. « Il a dit, ‘Bernice, c’est Tim Walz.’ Je pouvais à peine parler. Il a dit, ‘Que faites-vous tous à Forsyth ?’ J’ai finalement dit que nous faisons tout ce que nous pouvons jusqu’au jour des élections. » Ensuite, Smith a appelé tout le monde qu’elle connaissait. Smith connaît beaucoup de gens à Forsyth, où elle vit depuis huit décennies. En tant qu’enfant, elle a ramassé du coton. Plus tard, elle a travaillé dans des crèches et des classes pour enfants ayant des besoins particuliers. Pendant plus de cinquante ans, elle a frappé aux portes pour des candidats démocrates, « commençant par un cultivateur d’arachides de Plains, quand j’avais dix-neuf ans, » a-t-elle dit. C’est en frappant aux portes qu’elle a rencontré Stuart, une bibliothécaire à la retraite. Ces jours-ci, elles sont souvent rejointes par Juanita Pitts, une aide-soignante en maison de retraite, qui frappe aux portes depuis tout aussi longtemps.
« Mon fils et ma mère sont devenus républicains, » a dit Stuart dans un Hardee’s, où les trois femmes s’étaient retrouvées avant de faire leurs tournées.
« Ça va aller, ma chérie, » a dit Pitts. « C’est ce que je lui dis. »
Smith et Pitts portaient des T-shirts bleus sur lesquels était écrit « Lève-toi et vote. » Stuart portait une chemise en flanelle lavande et un bracelet perlé, qui disait « VOTE” : un cadeau d’un adolescent qui avait frappé aux portes avec elles.
« Elle a dit qu’elle ne savait pas comment elle allait ramener une pancarte de Harris chez elle, » a dit Pitts. « Sa famille est pour Trump. »
La conversation s’est tournée vers leurs présidents préférés. « Clinton était juste cool, » a dit Smith. « Et il a équilibré le budget. »
« Je me suis disputée avec Clinton au sujet de l’ancienne Monica Lewinsky, » a déclaré Stuart. « J’aimais le président Obama. »
« Kennedy, » a dit Pitts. « C’était une personne juste. Il aurait pu faire tellement plus. » Elle a donné son avis sur Trump : « Il ne sait pas danser. Il ment. »
Suffisamment hydratées et excitées, elles se sont entassées dans la Honda de Stuart et se sont dirigées vers un complexe d’appartements décoré pour Halloween. Consulter son dossier, Smith s’est approchée de l’appartement A3 et un jeune couple est sorti d’une unité voisine. « Tu me connais, » a-t-elle dit à l’homme. « Nous apprécierions que tu envisages Kamala Harris. » Il a hoché la tête poliment.
« Nous sommes avec le Parti démocrate, » a ajouté Smith.
« Je vous connais ! » leur a dit Pitts. « Vous êtes tous les deux enregistrés pour voter ? Vous savez que nous faisons un vote anticipé. »
« C’est quand ? » a dit la femme.
« Ça a commencé mardi, » a dit Smith. « Venez demain, s’il vous plaît. Nous avons besoin de chaque vote que nous pouvons obtenir. »
« J’essaie encore de voir, » a dit la femme, prudemment. « J’essaie de comprendre. »
« Comprendre quoi, ma chérie ? » a dit Pitts. « Qu’est-ce que tu as besoin de comprendre ? «
« Je dis juste qu’il serait bien d’être invités un jour où il n’y a pas eu de meurtre. »
Dessin par Pia Guerra et Ian Boothby
« Kamala, » a dit Smith. « Kamala. »
« Elle va bien s’occuper de nous, ma chérie, » a ajouté Stuart.
« Oui, Madame, » a répondu la femme.
« Ils vont le faire, » a dit Smith avec fermeté, après le départ du couple.
La porte suivante était ouverte à leur arrivée. Un homme est sorti portant un do-rag jaune et un sweat à capuche noir de Reebok. « Nous votons lundi, » a-t-il dit.
« Vous soutenez Kamala Harris, j’espère ? » a demandé Smith.
Il a fait une pause. « Ouais. »
« Elle va bien s’occuper de vous, » a dit Stuart.
« Je l’espère, » a dit l’homme, qui s’est présenté comme Orlando King et a dit qu’il travaillait dans une usine de meubles. « Je suis fatigué de travailler toutes ces heures et de ne pas voir assez de mon chèque, » a-t-il dit. « Noir, blanc, peu importe, je ne regarde pas la race. » Il a poursuivi : « Trump a dit qu’il baisserait les impôts sur les heures supplémentaires. Si vous le croyez. » King a dit qu’il n’en était pas convaincu.
Quatre de plus pour Harris, aucun pour Trump ; ensuite, direction James Street. Les dames savaient qu’un chien imprévisible courait souvent libre, alors elles ont jeté un coup d’œil avant de sortir. Elles ont repéré une femme âgée nommée Linda sur un porche en train de boire une bière et de faire défiler son téléphone. Une bouteille de spray anti-frelons était posée à ses pieds.
« Linda, nous venons te kidnapper et t’emmener voter, » a dit Pitts. Linda a souri et a montré une femme dans une voiture voisine : son transport pour le bureau de vote.
Elles ont continué à marcher. Trois hommes étaient assis devant une maison brune. L’un portait un camouflage complet.
« Comment ça va, chérie ? » a demandé l’homme en camouflage à Pitts.
« Je vais encore mieux si vous votez démocrate, » a-t-elle dit.
Pour qui prévoyait-il de voter ? « Camilla, » a-t-il dit. « Je ne la connais même pas, mais Trump dit des folies en ce moment. »
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p class= »paywall »>Les folies étaient partout. Quelques semaines plus tôt, une femme avait ouvert sa porte et avait dit aux femmes que Trump avait envoyé « un trillion de son argent personnel aux victimes de l’ouragan. » Stuart a secoué la tête. « Que pouvez-vous dire à des gens comme ça ? » ♦
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