Papacito. Parmi les têtes d’affiche de la journée, Marguerite Stern et Dora Moutot, les autrices de Transmania, un essai transphobe. C’est ce sujet qui convainc un grand nombre de personnes trans de se joindre au rassemblement.

Arrestations préventives

L’événement initialement annoncé dans le 11e arrondissement est déplacé. Alerté par ses équipes du caractère politique de la séance de dédicace, le propriétaire de la salle a choisi d’annuler la réservation la veille. Magnus trouve refuge sur une péniche et donne rendez-vous à ses fans sur les quais de Seine dans le 5e arrondissement. Les manifestants décident de suivre en métro. Environ 70 personnes arrivent à Jussieu. Très vite, le cortège se retrouve face à la Brav-M et tente de bifurquer dans une rue adjacente mais la police charge. C’est la panique. Une partie se retrouve nassée pendant une vingtaine de minutes avant d’être interpellée « sur instruction du Préfet ». Les policiers procèdent à une fouille, dont les résultats auraient vite été mutualisés. Le gros de la saisie concernerait des fumigènes, des masques de protection, des œufs et de la peinture. Une personne présente confirme toutefois la présence de deux matraques télescopiques et d’un Opinel. Interrogé par France Bleu, le parquet de Paris, mentionne également la présence « d’explosifs ». 64 personnes sont placées en garde à vue, à titre préventif, pour « participation à un groupement armé ».

Plusieurs militants interrogés contestent être venus pour en découdre. « On est une bande de trans et de bisounours queers. Il était clair que si ça partait en bagarre avec les fafs, on se mettait en boule par terre et on pleurait quoi », détaille Aurélie (1). C’est plutôt la peur d’être identifiée par des militants d’extrême-droite qui l’a poussée à venir masquée. Cette personne non-binaire décrit une ambiance d’interpellation « sinistre ». Placés dos au mur, les manifestants sont pris en photo et filmés par les forces de l’ordre. Certains fondent en larmes. D’autres refusent de coopérer et plusieurs interpellations dégénèrent : « Un mec à côté de moi a été balancé par terre et ils l’ont fouillé en le secouant dans tous les sens », rapporte Laura (1).

Transphobie dans les commissariats

Les 64 interpellés sont répartis entre huit commissariats différents. « De manière informelle, [des policiers] nous ont dit qu’on n’avait rien à faire là, qu’on n’avait pas d’armes et qu’on serait libérés le lendemain dès que les interviews formelles seraient faites », rapporte Aurélie (1). La militante tente alors de négocier une sortie anticipée. On lui aurait répondu :

« Mais si on vous libère dans la journée, qui nous dit que vous ne seriez pas retourné à la péniche pour faire des provocations ? »

« J’avais l’impression d’avoir affaire à une police politique » analyse Anna, (1) une jeune femme trans qui a partagé une cellule de cinq mètres carrés sans matelas avec Aurélie (1). Elle poursuit :

« Il n’y a rien eu du tout. Pas de dégradation, pas de violence, pas d’appel à l’insurrection. Donc oui c’était une interpellation injuste. »

La procédure est d’autant plus violente pour les gardés à vue, que « du stade de l’interpellation jusqu’au sein des commissariats, toute cette procédure a autorisé des propos transphobes. Et les policiers s’en sont donné à cœur joie », raconte Hanna Rajbenbach, avocate de la Coordination contre la répression et les violences policières. Une dizaine de comportements discriminatoires – mégenrage, blagues humiliantes, refus d’accès aux traitements, palpations appuyées – ont été rapportés à l’avocate. « Les policiers se faisaient un malin plaisir de m’appeler Monsieur », rapporte Aurélie (1). « Nous les personnes trans, tout ce qu’on veut c’est se fondre dans la masse et ne plus avoir à parler de genre un jour », conclut sa camarade de cellule.

(1) Les prénoms ont été modifiés.

Edit le 8/10 à 10h : selon Libération, deux personnes ont finalement été déférées devant le tribunal de Paris pour « participation sans arme à un attroupement après sommation en dissimulant volontairement son visage et refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques » et, en plus pour l’un d’eux « violences sur un fonctionnaire de police occasionnant moins de 8 jours d’ITT (3 jours) ». Le quotidien note que la « circonstance aggravante d’attroupement avec armes ou explosifs va progressivement disparaitre des qualifications retenues ».

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