Beyrouth est pour le Syrien que je suis la dernière ville arabe où résonne le cri de la liberté
picture alliance via Getty ImagesDes manifestants rendent hommage aux victimes de l’explosion massive du port et protestent contre l’incurie des autorités, le 11 août 2020 à Beyrouth au Liban. Je ne suis jamais allé à Beyrouth. Cette ville étant à deux heures de Damas où j’habitais, je me disais toujours que j’irai plus tard. Finalement, la guerre a commencé en Syrie, j’ai dû fuir et je me suis retrouvé exilé à Paris, sans avoir eu aucune possibilité de me rendre à Beyrouth. En Syrie, à l’école, tout ce que je savais sur le Liban c’est que c’était un pays occupé par l’armée syrienne. Hafez Assad prétendait que c’était pour le protéger d’Israël mais, la vérité, c’était qu’il avait mis la main sur ce pays, le contrôlait à sa façon policière. Plusieurs camarades à l’école avaient un père qui faisait son service militaire au Liban. Ceux-ci étaient considérés comme des rois, faisaient tout ce qui leur passait par la tête, protégés par leurs armes. Tout cela a continué jusqu’au retrait des forces armées de Damas en 2005. Beyrouth était la ville de la liberté, surtout pour les intellectuels arabes rescapés des dictatures. Des centaines de poètes, d’écrivains, de journalistes, se sont établis dans cette ville, surtout pendant les années 60, suscitant un mouvement culturel remarquable. Cette image a changé à cause des guerres et des occupations. Mais nous, la génération des années 90, avons préféré conserver un peu d’espoir: Beyrouth est la dernière ville arabe où l’on peut s’exprimer, écrire, sans être importuné par la police. Au début des manifestations au Liban, le 17 octobre, je suis les nouvelles à travers les réseaux sociaux. Tout ce que je peux faire, c’est écrire de loin. Je ne cesse de contacter les amis à Beyrouth. À chaque nouvelle, j’appelle quelqu’un, comme si j’étais…