Les prix du pétrole n’ont pas explosé suite aux opérations militaires d’Israël à Gaza, au Liban et ses assauts sur l’Iran, contrairement à de nombreuses anticipations. Les inquiétudes portaient surtout sur Téhéran, cinquième producteur mondial de pétrole en 2023. Cependant, Tsahal n’ayant pas ciblé les infrastructures de production de son ennemi régional majeur, le danger d’une augmentation des prix semble s’estomper.
« Même en cas d’attaque sur les installations pétrolières, les prix ne devraient guère grimper. Le marché est davantage sensible à la menace qu’aux actes, ayant déjà anticipé et intégré ce risque », précise Fredj Jawadi, professeur de finance à l’université de Lille.
En examinant de plus près le prix du baril de Brent (baril de référence en Europe), on constate une tendance plutôt négative depuis un an. Il était à 93,5 dollars le baril en septembre 2023, avant l’attaque du 7 octobre et l’escalade israélienne, pour retomber autour de 75 dollars au début de novembre.
Une demande faible
« Les nations membres de l’Opep+ ont appris à anticiper les chocs géopolitiques et disposent désormais d’une capacité de production de rechange estimée à environ six millions de barils par jour », indique Fredj Jawadi.
En d’autres termes : elles pourraient facilement accroître leur production pour compenser un potentiel manque provenant d’Iran, dont la production était de 4,6 millions de barils par jour en 2023.
« Les fluctuations des prix du pétrole dépendent surtout de l’offre et de la demande, observait Valérie Mignon, économiste au Cépii. Actuellement, nous sommes dans un contexte où l’offre est très abondante tandis que la demande tend à ralentir, principalement en raison des perspectives de croissance limitées en Chine. »
Pékin se classe d’ailleurs au second rang mondial des consommateurs de pétrole, juste derrière les États-Unis qui atteignent presque l’autosuffisance. La demande chinoise a cependant reculé de 0,3 million de barils par jour au troisième trimestre 2024 par rapport à l’année précédente.
Le rapport semestriel de la Banque mondiale sur le marché des matières premières, publié en octobre, stipule que cette chute est due à « une croissance modérée de la production industrielle, une forte progression des véhicules électriques et hybrides, ainsi qu’à la montée en puissance des camions fonctionnant au gaz naturel liquéfié (GNL) ».
Ces perspectives de demande en berne font pression sur les prix, ce qui complique la situation pour les pays de l’Opep+. Le 3 novembre, huit d’entre eux ont donc annoncé un prolongement de leurs réductions de production volontaires, en opposition à leurs prévisions de quelques mois en arrière. Cette réduction de 2,2 millions de barils par jour se poursuivra au moins jusqu’à la fin décembre.
Diminution à court terme, remontée à moyen terme ?
Suite à cette annonce, le prix du baril de Brent a légèrement augmenté. Toutefois, l’impact durable de cette décision sur les tarifs devrait être limité. Même si ces pays représentent encore 40 % de la production mondiale, ils font face à une concurrence accrue des États-Unis et, dans une moindre mesure, du Canada, qui représentent maintenant respectivement 20,1 % et 5,9 % de la production mondiale, avec une part en hausse.
En 2025, le retour de Donald Trump à la tête du premier pays producteur de pétrole pourrait donc influer sur les prix. Celui-ci a promis de raviver la guerre commerciale avec la Chine, en relevant de manière significative les droits de douane, ce qui risquerait de freiner la croissance chinoise et, par conséquence, la demande de pétrole.
De plus, Donald Trump envisage également de se désengager des politiques contre le changement climatique et de l’accord de Paris. Lors de sa campagne, il a répété « Drill, baby, drill ! » (« Fore, bébé, fore ! »), affichant ainsi son soutien à l’intensification des forages pétroliers et à l’augmentation de la production d’or noir.
Cela pourrait également peser à la baisse sur les prix via une hausse de la production. Faut-il en conclure que le protectionnisme du futur président américain contribuerait à faire diminuer le prix du baril de pétrole dans les années à venir ?
La réponse n’est pas si claire, car en parallèle, le discours très favorable de Donald Trump aux énergies fossiles devrait conduire à une augmentation de la demande aux États-Unis, entraînant des effets globaux. Ainsi, à moyen ou long terme, Fredj Jawadi est plutôt enclin à prédire une montée des prix du pétrole après le retour au pouvoir du républicain.
De son côté, la Banque mondiale, dans son rapport d’octobre publié avant les élections aux États-Unis, anticipe que la baisse des prix du pétrole se poursuivra l’année prochaine et celle d’après, prévoyant un prix moyen du baril de Brent à 73 dollars en 2025, contre 80 en moyenne cette année.
Il est intéressant de constater que malgré l’escalade des tensions au Moyen-Orient, le marché pétrolier reste relativement stable. Cela témoigne d’une anticipation des acteurs du marché face aux crises géopolitiques. De plus, la faible demande, notamment en raison de la croissance modérée en Chine, joue également un rôle crucial dans la dynamique des prix. Le pouvoir d’adaptation de l’Opep+ face à ces défis est un facteur clé à suivre dans les mois à venir. Cela soulève la question de savoir si cette tendance se maintiendra à long terme ou si des facteurs externes, comme les politiques américaines, viendront perturber l’équilibre actuel.