Chaque semaine, Alternatives Economiques sélectionne pour vous quatre graphiques qui éclairent différemment l’actualité.
Au menu de ce nouveau graphorama : les grandes banques françaises continuent de financer le charbon ; le mauvais argument démographique pour supprimer des postes de profs ; l’augmentation massive de la pauvreté en Argentine sous Javier Milei ; la Chine a (très) rapidement surpassé l’Allemagne dans les exportations de voitures.
1/ Derrière les discours ambitieux, les banques françaises continuent de financer le charbon
A en croire la communication des quatre plus grandes banques françaises, le charbon serait derrière elles, ou presque. BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et BPCE/Natixis ont adopté, en 2019 et 2020, des politiques de sortie du charbon, et partagent toutes un objectif commun : mettre fin à toute exposition au charbon dans leurs portefeuilles de crédit d’ici 2030 pour les pays de l’UE et de l’OCDE, et d’ici 2040 pour le reste du monde.
Mais cette communication est écornée par un récent rapport de l’ONG Reclaim Finance, qui a identifié de multiples transactions, entre 2019 et 2023, destinées à des entreprises développant du charbon. Ces financements – certes en baisse de 59 % entre ces deux années – s’expliquent par les multiples « failles » des politiques d’exclusion des banques. Par exemple, certaines de ces politiques ne s’appliquent qu’aux filiales développant des centrales ou des mines, et non au groupe dans son ensemble. Ou parfois, elles ne concernent pas les entreprises qui détiennent moins de 50 % des parts d’un projet lié au charbon.
Ces transactions ne violent donc pas forcément stricto sensu les politiques de sortie du charbon des grandes banques françaises, mais l’ONG estime qu’elles peuvent relever de pratiques « trompeuses » pour leurs investisseurs, car en décalage avec la communication des groupes. C’est pourquoi Reclaim Finance demande à l’Autorité des marchés financiers de faire cesser ce « greenwashing » et d’« exiger des banques de se mettre immédiatement en conformité avec l’esprit de leurs politiques ».
Matthieu Jublin
2/ Baisse du nombre de profs : la démographie a bon dos
Une « saignée » : c’est ainsi que les syndicats ont perçu l’annonce de la suppression de 4 000 postes dans le budget 2025 de l’Education nationale, dont plus de 3 000 dans le primaire. Argument du ministère : depuis quelques années, ce sont des générations peu nombreuses qui entrent à l’école et la baisse des effectifs va se poursuivre, au point que l’on peut diminuer le nombre de postes tout en améliorant le taux d’encadrement.
La baisse des effectifs du primaire, déjà à l’œuvre, est indéniable. Mais prendre prétexte de la baisse de la démographie pour diminuer le nombre d’enseignants, c’est acter que l’ambition sera – au mieux – de maintenir le taux d’encadrement actuel. Pourtant, malgré les dédoublements dans les secteurs d’éducation prioritaire, nos classes de primaire figurent encore parmi les plus chargées en Europe.
Quant au secondaire, il a déjà payé un lourd tribut au cours des années précédentes : 8 000 postes d’enseignants y ont été supprimés depuis 2018, alors qu’on a compté près de 19 000 collégiens et lycéens supplémentaires depuis. La baisse démographique est certes en passe de faire sentir ses effets, mais sur une situation passablement dégradée. Drôle de façon de donner la « priorité » à l’école, comme l’avait promis Michel Barnier dans son discours de politique générale.
Xavier Molénat
3/ Sous Javier Milei, des millions d’Argentins ont basculé dans la pauvreté
Quelques mois après l’arrivée au pouvoir du président ultralibéral Javier Milei en Argentine, la pauvreté a explosé dans le pays, passant de 41,7 % fin 2023 à 52,9 % début 2024. 5,5 millions d’Argentins ont ainsi basculé dans la pauvreté en seulement six mois.
Pour cause, le gouvernement n’a pas fait dans la dentelle afin de parvenir à son objectif de rééquilibrer les comptes publics : les dépenses ont été réduites de 30 % rien que sur les sept premiers mois de 2024. Un tiers de l’effort est supporté par les bénéficiaires de prestations sociales, dont les retraités, décrit le service économique de l’ambassade de France à Buenos Aires. Le Sénat a pourtant tenté de revaloriser les pensions, mais Javier Milei y a opposé un veto présidentiel.
L’investissement public représentera pour sa part 20 % de l’effort, et les baisses de subventions à l’énergie et aux transports 14 %. Si Milei se félicite de la perspective de dégager un excédent public en 2024, et prend la baisse de l’inflation comme preuve de la réussite de sa stratégie, cette dernière est en réalité de bien courte vue étant donné l’ampleur de la misère dans laquelle il est en train de faire sombrer les Argentins, et les futures répercussions sur une activité qui a déjà marqué le pas ces derniers mois.
Aude Martin
4/ Industrie automobile : la Chine percute le modèle exportateur allemand
De principal débouché à plus gros concurrent. En quelques années la Chine a changé de statut aux yeux de l’industrie automobile européenne et spécialement allemande. Alors que le Mondial de l’auto se tient cette semaine à Paris, les stands des fabricants chinois auront été très scrutés. En peu de temps, l’équilibre de l’industrie automobile s’est totalement retourné.
Pendant des années, voire des décennies, les industriels européens, à l’instar de Volkswagen, ont profité de l’enrichissement chinois pour y écouler de nombreuses berlines auprès d’une classe aisée en développement. Mais les industriels locaux sont progressivement montés en compétence et ont reconquis l’essentiel de leur marché domestique. En 2020, les marques locales ne captaient que 40 % du marché chinois, contre environ 60 % aujourd’hui.
Si Volkswagen reste le premier vendeur de voiture en Chine, il est talonné de peu par les chinois BYD (désormais leader mondial de l’électrique), Geely, Chery, Changan – et l’un de ceux-ci pourrait le détrôner sous peu. Les usines allemandes, qui ont tourné pendant des années pour fournir la Chine, voient un débouché majeur s’amoindrir.
Après avoir reconquis l’essentiel de leur marché, les industriels chinois se sont attaqués à d’autres régions. En 2023, pour la première fois, la Chine est devenue le premier exportateur de voitures, surpassant le Japon et l’Union européenne. Sur le Vieux-Continent, pour l’heure, les marques chinoises n’occupent que 2,5 % du marché, mais leurs parts sont en augmentation et, surtout, se concentrent dans les modèles à batterie. Les constructeurs chinois pèsent d’ailleurs déjà 8,5 % des ventes de voitures électriques en Europe.
Justin Delépine