« Billie », ou le destin tragique d’une génie de la musique – BLOG
FEMMES – “Billie”, c’est l’histoire de Billie Holiday: une artiste de génie au destin tragique. Cela vous rappelle quelque chose? Si vous avez vu “Amy”, “Whitney” ou encore “What Happened, Miss Simone?”, vous connaissez à peu près le refrain: l’histoire d’une femme au talent d’exception qui tombe sous l’emprise d’un ou plusieurs hommes et ne s’en relève pas. À la fin de ces documentaires, je ressens toujours le même goût d’injustice. Je me demande si le destin de ces femmes aurait été différent si elles avaient été des hommes -et la réponse me semble évidente.
J’ai eu envie de savoir ce qu’en pensait James Erskine, réalisateur de “Billie”, que j’ai eu l’opportunité d’interviewer à l’occasion de la sortie du film. Quel peut être le point de vue d’un homme qui s’est plongé dans l’histoire d’une femme brisée par une industrie et une société patriarcales?
Ce qui rend “Billie” particulièrement poignant, c’est son angle et son format: James Erskine nous fait découvrir l’histoire de Billie Holiday par le regard d’une femme, Linda Lipnack Kuehl. Dans les années 1960 et pendant 8 ans, cette journaliste féministe enregistre plusieurs centaines d’heures d’entretiens avec des personnes qui l’ont côtoyée: amants, amantes, musiciens, producteurs… Le film, dont les enregistrements sont le fil conducteur, fonctionne comme une enquête. “C’est Linda qui pose les questions. Elle a donné sa vie pour raconter cette histoire. Linda était une écrivaine féministe, elle voulait que Billie ait une histoire racontée depuis une perspective féministe.” Me déclare-t-il.
Pourquoi ce destin tragique
James Erskine: Le film est la réponse à cette question. Généralement, à travers l’histoire, le monde de la musique est contrôlé par les hommes, comme le reste de la société. Ces femmes de grand talent et grande beauté arrivent dans l’industrie jeunes et sont abusées par les hommes. Elles doivent se battre contre le patriarcat qui les traite comme des objets plutôt que comme des personnes. Il y a aussi une histoire de force physique: peu importe à quel point Billie était forte, elle pouvait être physiquement supprimée à tout moment par les hommes autour d’elle. C’est la lutte centrale de la vie de Billie Holiday et c’est pourquoi Linda voulait nous raconter son histoire, du point de vue d’une femme.
Une voix et une musique aux émotions pures
J.E.: Sa voix n’est pas comme celle des autres. Je me suis mis à aimer Billie à ma vingtaine, au moment où j’ai arrêté d’écouter des groupes de rock anglais. Je me suis rendu compte que lorsque j’écoutais Billie Holiday, il se passait des choses profondes en moi: c’était vraiment écouter de la musique plus que d’entendre des mots. Sa musique touche notre âme, notre esprit. Je n’y pense pas, ce sont des émotions pures. Je pense que c’est ce que chaque artiste cherche à atteindre. Lorsqu’elle chante à propos des violences dans les relations avec les hommes, elle essaie juste de montrer la douleur de ces situations. Elle cherche la vérité émotionnelle.
Une battante et non une victime
J.E.: Linda voulait comprendre, derrière les faits, pourquoi Billie a tant souffert. C’est aussi une chose que je voulais explorer. J’espère que le film la montre comme une femme forte, même si à la fin elle est détruite, c’est une tragédie, c’est hors de sa portée. Mais c’est une battante: elle se bat contre un mariage violent et abusif, elle se bat contre le gouvernement. Le fait que l’on soit en train de parler d’elle 60 ans après sa mort, c’est une victoire. Oui, elle a souffert et parfois a été victime d’être une femme et une femme noire, mais ce n’était pas une victime individuelle. Elle n’était pas dupe, elle savait ce que c’était. Pendant la plus grande partie de sa vie, elle s’est battue. C’est comme ça que j’aime la voir, comme une battante et pas comme une victime.”
Le problème du patriarcat
J.E.: Oui! D’ailleurs, quand Linda entend ça, elle est très choquée. C’est la représentation même du patriarcat. C’est fou. Ils ne prennent pas en compte les circonstances et la catégorisent. Nous avons hésité à mettre ces passages dans le film. Mais nous avons décidé de le montrer car cela montre exactement le problème. Cela montre aussi le moment où Linda est à un point de bascule, où elle commence à perdre la bataille. Si la personne au pouvoir dit qu’elle est une psychopathe, elle ne peut pas gagner la bataille. Les gens disent toujours ce genre de choses aujourd’hui… Comment peut-on regarder des humains comme cela?
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