La diffusion d’images de policiers interdite? Castaner contredit Darmanin
POLITIQUE – L’exécutif continue de satisfaire les revendications des syndicats policiers. Dans la foulée du mouvement des gilets jaunes, le gouvernement avait accordé une prime exceptionnelle, revalorisé leurs salaires et maintenu, de fait, un régime spécial de retraite pour les fonctionnaires de terrain. L’article 24 de la proposition de loi dite “Sécurité globale”, déposée fin octobre par le groupe LREM à l’Assemblée, vise à satisfaire une autre demande insistante de la corporation: limiter, voire interdire, la diffusion d’images des forces de sécurité dans l’exercice de leur fonction.
Cet article 24 “n’est que la traduction législative d’un engagement du président de la République, pris devant les syndicats de police au mois d’octobre, quand il les a reçus à l’Elysée”, reconnaît Alice Thourot, la co-rapporteure LREM de la proposition de la loi, interrogée par BFMTV. Une promesse que Gérald Darmanin avait aussi formulée en septembre aux représentants des policiers. “Cette promesse sera tenue puisque la loi prévoira l’interdiction de la diffusion de ces images”, a expliqué le ministre de l’Intérieur, le 2 novembre sur RMC et BFMTV. Une explication de texte contredite par son prédécesseur, comme vous pouvez le voir dans notre montage vidéo en tête de cet article.
“Il est n’est pas du tout interdit dans l’article 24 de filmer les forces de sécurité intérieure en train d’intervenir”, a affirmé Christophe Castaner, ce mardi 10 novembre au micro de France Inter. D’après l’ancien ministre de l’Intérieur, la future loi permettra, comme c’est déjà le cas, à “tous les médias et tous les Français qui voudraient filmer les forces de sécurité intérieure en intervention” de le faire. La proposition de loi sur la “sécurité globale” n’entraverait en rien la liberté “de diffuser cela sauf s’il y a des menaces de mort par exemple”, a précisé le chef des députés LREM.
Début 2018, le directeur de la police parisienne rappelait à ses troupes que “la diffusion de ces images dans les médias et sur Internet ne constitue pas, à elle seule, une infraction, quand bien même les agents seraient identifiables”. Et de préciser à ses policiers qu’ils pouvaient, en cas de “publication diffamatoire ou injurieuse de leur image”, déposer plainte.
Alors comment interpréter cet article 24 de la proposition de loi qui prévoit qu’“est puni d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police”?
Des sociétés de journalistes de plusieurs médias jusqu’à la Défenseure des droits, de nombreuses voix s’inquiètent des menaces que fait peser l’article 24 sur la liberté d’informer. L’obligation de flouter le visage des policiers et gendarmes pourrait, par exemple, inciter des médias ou des réseaux sociaux à renoncer à la diffusion en direct d’événements. Par ailleurs, “il y a fort à craindre que sur le terrain, les policiers, qui s’opposent déjà bien souvent, y compris par la force, aux captations photo et vidéo – pourtant parfaitement légales – de leurs opérations dans l’espace public, se sentent plus fondés que jamais à les entraver”, s’alarme une tribune signée par un large collectif de journalistes.
De son côté, la nouvelle Défenseure des droits n’estime pas nécessaire d’étendre à l’ensemble de la profession la garantie de l’anonymat dont bénéficient certains policiers et militaires (RAID, GIPN, BRI, etc..), considérant que “la libre captation et diffusion d’images de fonctionnaires de police et militaire de gendarmerie en fonction, est une condition essentielle à l’information, à la confiance et au contrôle efficient de leur action”.
Dans son “avis au Parlement” publié le 3 novembre, Claire Hédon s’étonne également que la notion d’“atteinte à l’intégrité physique ou psychique” des policiers soit insuffisamment détaillée dans la proposition de loi. Un manque de clarté et de précision qui pourrait, selon son analyse, contrevenir à la légalité des délits et des peines, principe fondamental du droit pénal.
Craignant une mise en danger accentuée par la propagation virale d’images non contrôlées, la plupart des syndicats de police approuvent les limitations envisagées par cette proposition de loi qui sera examinée à l’Assemblée nationale à partir du 17 novembre. “Le policier ne peut pas mettre sa vie en danger lorsqu’il va faire ses courses parce qu’il risque d’être reconnu”, justifie sur France 3 Fabien Vanhemelryck, secrétaire général du syndicat Alliance.
A voir également sur Le HuffPost: Les trois piliers du film de David Dufresne sur les violences policières
Laisser un commentaire