Le traitement de l’autisme, dont mes filles et moi souffrons, est celui de la charité – BLOG
J’ai vécu ce diagnostic avec un grand soulagement après tant d’errance médicale, située entre bipolaire et borderline, mais hors tableau clinique précis.
Pour mes filles, le centre médico-psychopédagogique de secteur, bastion désuet de la psychanalyse, a évoqué une “dysharmonie évolutive”, terme médicalement dépassé. En 2021, les médecins connaissent encore mal l’autisme de haut niveau de fonctionnement.
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On naît autiste, on meurt autiste, on n’en guérit pas
Toutefois, on naît autiste, on meurt autiste, on n’en guérit pas. Pour autant, il faut bien sortir de chez soi, aller à l’école, travailler et gagner sa vie. À partir de là les choses se compliquent. Nous avons besoin d’aide et tout dépend de nos capacités à compenser la fatigue générée par la fréquentation du monde, ce brouhaha permanent, illogique. La vie en société m’a toujours semblé un “cirque” comme le dit si bien Josef Schovanec, le porte-parole des autistes en France. Souvent hypersensibles, notre façon d’être au monde est plus une protection qu’une attitude de froideur et d’indifférence envers les autres.
Ma façon d’aimer est spéciale: prendre la main, les étreintes, ce n’est pas naturel. L’expression de mes émotions, de mes sentiments a toujours posé un problème de bande passante avec les autres: famille, compagnons, collègues. Pour m’intégrer, il m’a fallu me faire violence afin d’apprendre la façon d’être, de parler des non-autistes, mais aussi pour camoufler des aspects étranges de ma personnalité autistique. Une personnalité très réservée voire évitante, aucunement spontanée, avec un mutisme déroutant: cela me rapproche de Jeanne. Mes colères disproportionnées me rapprochent de Flora. Flora, l’extravertie du clan, va vers les autres, mais n’a pas le mode d’emploi. Nous ne savons pas toujours comment nous comporter ni ce que pensent les non-autistes. C’est très déroutant. Comment donner correctement le change dans ces conditions sans mauvaises interprétations? Mes filles et moi n’avons pas de vraies amies. Pourtant nous sommes des personnes originales, attachantes si les autres essayaient de mieux comprendre notre fonctionnement.
L’autisme exclu d’une société normative
Sans inclusion en milieu ordinaire en entreprise, des problèmes de santé se sont greffés à mon autisme: dépression, trouble anxieux, maux d’ordre neurologique. Les sollicitations constantes à l’école, en entreprise entrainent des “débordements” provoquant des tensions internes nous poussant à l’isolement, mes filles et moi. C’est en cela que cela devient un handicap. Nous avons une gestion double du quotidien, car hypersensibles aux bruits, aux odeurs, au toucher, au contact oculaire. Ajouter le manque de flexibilité aux imprévus et au changement, les troubles du sommeil, les troubles alimentaires, la vie de madame et monsieur tout le monde est une galère. Jeanne suit le CNED à temps partiel afin de réduire sa présence au collège, car impactée par la mauvaise acoustique des bâtiments. Flora a besoin d’une aide scolaire pour son entrée au collège, car il lui sera difficile de planifier son travail, de gérer son anxiété en milieu ordinaire. D’autres enfants sont confrontés à des problèmes plus complexes dans l’accès à l’autonomie. C’est une des questions majeures de l’autisme. À quatorze ans, Jeanne est incapable d’acheter une baguette ou de prendre un bus, car l’effort en contact est trop important, Flora ne maitrise pas le temps et son organisation, d’autres enfants ne pourront pas s’habiller, assurer leur hygiène tout seuls.
L’autisme, mais pas que
L’avancée des neurosciences a été un formidable progrès, mais il faudrait un coup d’accélérateur. En France, les successifs plans autisme ont mis l’accent sur le dépistage précoce. Toutefois, la France accuse un retard dans l’accessibilité au diagnostic une fois adulte. La prégnance de la psychanalyse retarde la formation des soignants. J’ai dû mettre en parenthèse mes soins pour payer ceux de mes filles d’un montant de 900 euros mensuels. Il faut attendre trois ans pour un diagnostic remboursé dans les centres de ressources autisme (CRA).
Ensuite, les places en établissements éducatifs spécialisés gérés, financés par l’ARS sont libérées au compte-goutte: plus de deux ans d’attente pour une prise en charge de mes enfants. Les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH), ignorantes sur la question de l’autisme, rognent leur aide sur le financement des soins, font des économies sur le dos familles épuisées, en combat administratif permanent, sacrifiant leur carrière pour certaines. Avec l’Éducation nationale, ce n’est pas mieux.
En France, le traitement de l’autisme est celui de la charité, alors qu’il devrait être un pari pour l’avenir, digne et épanouissant pour les jeunes autistes.
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