Dans la lutte contre le harcèlement scolaire, les établissements n’ont pas les moyens d’agir – BLOG
La notion de “harcèlement scolaire” apparaît tardivement: on ne la trouve caractérisée que dans les années 80 sous la plume d’Anatole Pikas, psychologue norvégien. Quant aux mesures de prévention, la France est en retard pour les mettre en place: sa première campagne de prévention date de 2011; un plan de lutte contre le harcèlement scolaire a été présenté en 2015. La plupart des initiatives sont encore aujourd’hui prises à l’échelle des établissements, de manière autonome, parfois avec l’aide d’associations de parents ou de victimes. Partout, on bricole.
Il est pourtant urgent de réagir. L’ampleur et l’intensité du phénomène terrifient: plus d’un élève sur dix est harcelé en fin de primaire pour 10% au collège et 4% au lycée, selon les chiffres relayés par l’observatoire de la santé.
Ces chiffres ne sont pas cachés. Ils font au contraire l’objet de nombreuses campagnes d’information, dans les médias entre autres, notamment à travers des pastilles et des lives YouTube proposés par Lumni (France télévisions).
L’école manque de moyens et en a de moins en moins
Des médiateurs auraient été mis en place, mais je n’ai jamais eu aucune information à ce sujet du Ministère ni du Rectorat, même en cherchant des réponses.
Le fait est que l’école manque de moyens et en a de moins en moins. Concernant la prise en charge des élèves par des psychologues au sein d’un établissement, indiquons qu’il n’y a pas de praticiens dans tous les collègues ou lycées et que la plupart sont des psychologues scolaires surtout formés aux questions d’apprentissage et d’orientation. On y trouve peu de psychologues cliniciens et leur formation au harcèlement dépend du catalogue de formations mis à disposition des académies.
Il n’y a pas qu’une forme de harcèlement
C’est un fait de société: depuis toujours le silence et la minimisation prévalent. On se dit que ce n’est pas si grave; que cela se passe dans un cadre privé ou virtuel et que ce n’est donc pas de la responsabilité de l’école; et qu’avec les années, cela passe. Mais les raisons de cette réticence à prendre en charge le problème sont aussi autres: crainte du scandale, peur de mal faire et d’empirer la situation, manque de temps et de moyen, manque d’informations sur les mesures efficaces.
Tout cela ne serait pas si grave?
Ces faits se dérouleraient en dehors du cadre scolaire? C’est pourtant bien l’école qui a mis en relation harceleurs et harcelés; et c’est à cause de l’école qu’ils continuent à se fréquenter, tous les jours. La solution adoptée par bien des parents est le changement d’école: c’est à la victime de fuir quand elle le peut, de rester tétanisée quand elle est coincée, non pas parce qu’elle ne sait pas se défendre, mais parce qu’elle ne peut pas le faire. Les logiques de harcèlement sont des logiques de meute, que la majorité soit active ou tout simplement silencieuse. Qui ne dit mot consent.
Cela passerait avec le temps? Une fois la situation de harcèlement apaisée, la victime en subit les conséquences pendant des années. Sa confiance en soi et en autrui est définitivement altérée; et il n’est pas rare que ce soit au lycée, après un harcèlement au primaire et au collège, que les symptômes comme la dépression, l’anorexie, la scarification, les troubles anxieux (anxiété, TOC, crise d’angoisse), et les pensées et conduites suicidaires se développent, par décompensation. La phobie scolaire, qui oblige à une déscolarisation, est à mettre en relation avec de tels faits. En tant qu’enseignante, je garantis que ces cas ne sont pas rares et que nous faisons face, tous les jours, à la détresse des élèves, qui entrave bien sûr leurs apprentissages et leur réussite.
Dès lors, que faire?
SI les plaintes pour harcèlement aboutissent rarement, est-ce à dire qu’il ne faut pas en déposer? Et pourquoi cherche-t-on davantage à déterminer le profil de la victime que celui de l’agresseur, confirmant la culpabilité que ressent déjà la première? Pourtant, il est tout aussi légitime de se demander ce qui pousse un adolescent à en humilier, en frapper, en anéantir un autre. C’est aussi lui rendre service, à cet adolescent-là, que de lui dire qu’un tel comportement n’est pas acceptable — lui qui est souvent, aussi, un ancien harcelé.
Une réelle campagne nationale de prévention est à élaborer, à destination des élèves agressés, témoins et agresseurs. Une telle campagne est aussi à penser à destination des professeurs, des personnels, des parents, pour apprendre à repérer une situation de harcèlement et à contribuer à la désamorcer. Et elle signifie le refus général des violences, tout simplement: un changement de mentalités et de société aussi, peut-être.
Parce qu’il n’y a pas que pour les violences sexuelles qu’il faut que la honte change de camp: à quand le #MeTooHarcèlementScolaire?
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