Dans « Noirs en France », Yannick Noah se raconte, du « Bamboula » au champion de tennis
Assis dans les travées du court central de Roland Garros, Yannick Noah revient sans détour sur une partie de son enfance. “Mon premier souvenir d’enfant noir, c’est quand je suis arrivé en pension. J’étais le seul non-blanc de toute la pension. Je suis devenu Bamboula au bout de quelques minutes. Et là tout d’un coup, je me suis dit: ‘Je suis noir’”, raconte-t-il à France 2, sourire en coin.
Le champion français a commencé le tennis au Cameroun, où il vivait avec ses parents, mais c’est au Lycée du parc Impérial de Nice qu’il a fait ses classes. “En sport-études, au bahut, j’étais différent. Dans toutes les classes, c’était toujours la même situation et ça me plaisait.” Imitant ses adversaires et leurs proches pendant les matchs, il reprend: “Tu joues contre le petit noir” ou encore, “contre qui je vais jouer ? Le petit noir qui est là-bas”.
Arthur Ashe, le modèle qui lui manquait
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Yannick Noah fait donc office d’exception dans son domaine. Il se démarque par des qualités mentales et physiques que les observateurs jugent exceptionnelles, et trouve l’inspiration outre-Atlantique. “Mon modèle c’était Arthur Ashe, un joueur de tennis noir américain. Il a été numéro un mondial – numéro 2 en réalité -, c’était mon héros”, confie le Français.
Bien qu’en proie à la ségrégation raciale, l’Amérique est parvenue à imposer de nombreuses figures noires américaines dans la seconde partie du XXe siècle. Arthur Ashe, premier joueur noir à avoir remporté un tournoi du Grand Chelem en faisait partie. Il a marqué l’histoire du tennis, en s’imposant comme un symbole de la lutte pour l’intégration des sportifs afro-américains.
«Je l’ai rencontré quand j’avais 11 ans. […] Il m’a tendu la main et ça a bouleversé ma vie. »»
– Yannick Noah au sujet du tennisman Arthur Ashe – France 2
“J’avais l’impression de lui ressembler, j’essayais de marcher comme lui, il était très digne, explique Yannick Noah. Je l’ai rencontré quand j’avais 11 ans. […] Il m’a tendu la main et ça a bouleversé ma vie”. Le Français a échangé quelques balles avec Arthur Ashe au début des années 70, quand il habitait au Cameroun. En visite à Yaoundé, le joueur afro-américain ne s’attendait pas à croiser un jeune joueur d’un tel niveau.
“Arthur était halluciné de voir un môme qui jouait comme ça dans ce bled pommé.[…] on a joué une dizaine de minutes, et après il m’a filé sa raquette, je dormais avec. Le lendemain, il m’a signé un poster, et a marqué : ’pour Yannick, j’espère que je te verrai un jour à Wimbledon’”.
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Six ans plus tard, en 1978, Ashe et Noah jouaient ensemble en double sur le gazon du court central de Wimbledon. Un moment mythique pour le symbole qu’il représente. Deux joueurs noirs, l’un au début de sa carrière, l’autre au crépuscule de la sienne, côte à côte lors d’un tournoi du Grand Chelem où la diversité n’est que très rare. “D’où la force de l’inspiration, l’importance d’avoir des modèles”, termine le champion.
Pour tous les petits “blacks” qui ne font pas de tennis
Au moment de sa victoire à Roland Garros, un autre artiste français a vibré depuis son canapé, en la personne de Soprano. Le rappeur marseillais n’avait que 4 ans à l’époque, mais il se souvient encore. “Quand il marque le point, j’ai l’image de son expression, quand il pleure et tout, tu vois toute sa famille courir”, commente-t-il avant de poursuivre : “Il pleure parce qu’il a gagné, mais il pleure aussi parce qu’il vient de rentrer dans l’histoire, parce qu’il est noir”.
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