Éric Dupond-Moretti s’en prend à Éliane Houlette à l’Assemblée nationale
POLITIQUE – “Que des magistrats répondent à Paris Match plutôt qu’à l’Inspection ça me chagrine.” Et chagriner le mot est faible visiblement, l’actuel garde des Sceaux est plutôt exaspéré lorsqu’il répond à la députée Émilie Cariou à l’Assemblée nationale, ce mardi 22 septembre.
Deux jours auparavant déjà, Éric Dupond-Moretti s’était justifié devant les journalistes de sa décision d’ouvrir une enquête administrative contre trois magistrats du parquet national financier (PNF) ) -dont son ex-patronne, Éliane Houlette, qu’il vise avec cette phrase dans l’hémicycle- au nom de la nécessaire “responsabilité” de la profession.
Éliane Houlette tient tête
Cette enquête administrative fait suite à un rapport de l’Inspection générale de la justice (IGJ) qui a relevé des dysfonctionnements -mais rien d’illégal- dans une enquête sur la “taupe” de Nicolas Sarkozy dans l’affaire des ”écoutes”. À l’époque, Éliane Houlette, choisie par Christiane Taubira, est à la tête du PNF.
En cause dans cette enquête sur “la taupe” révélée par Le Point en juin dernier, l’affaire des fadettes (des factures téléphoniques). La police judiciaire a été conduite par le PNF à requérir des données de connexions de dizaines d’avocats -dont l’actuel garde des Sceaux- et de magistrats pour tenter de rechercher qui aurait informé l’avocat de Nicolas Sarkozy que son téléphone utilisé sous le pseudonyme de Paul Bismuth était sur écoute.
Au rapport de l’IGP, commandé à l’époque par Nicole Belloubet et à l’enquête administrative qui s’en suit, demandée par Éric Dupond-Moretti, l’ex-procureure a tenu tête: la femme de 66 ans a refusé d’être entendue par l’inspection générale de la justice. Sa justification? Elle y voit une entreprise de déstabilisation du PNF créé en 2013 pour lutter contre la corruption et la grande délinquance financière.
Plus tôt dans l’été en revanche, l’ex-patronne s’était confiée auprès des journalistes de Paris-Match qui lui avaient consacré un portrait mélioratif titré ”Éliane Houlette, procureure sous pression”, consacré à sa carrière de traqueuse des plus grands et aux déstabilisations dont elle aurait fait l’objet en retour.
Une enquête administrative sous haute tension
Pour son enquête administrative, le ministre de la Justice est vivement critiqué par plusieurs syndicats de magistrats. Ces derniers appellent à se rassembler ce jeudi devant chaque juridiction en signe de protestation.
C’est dans ce contexte que l’actuel ministre de la Justice a répondu à la question au gouvernement de la députée Écologie Démocratie Solidarité de la Meuse. Cette dernière l’interrogeait sur le rapport de l’Inspection générale de la justice: “Ce dernier fait état d’un bon bilan technique et de l’absence de manquement formel. Or vous avez demandé le lancement d’une enquête administrative sur deux membres actuels du PNF et sur Madame Éliane Houlette, ancienne procureure aujourd’hui retraitée. Monsieur le ministre, ma question est très simple: quelle réponse aujourd’hui faites-vous au Conseil supérieur de la Magistrature qui exceptionnellement a exprimé sa préoccupation sur ces enquêtes administratives supplémentaires que vous avez annoncées et sur la garantie de l’indépendance de l’Autorité judiciaire?”
Applaudis par quelques députés autour d’elle, les mots élogieux de la députée pour qualifier les bienfaits du PNF n’ont pas manqué. C’est pour elle une “réponse” au sentiment “d’impunité ressenti par les Français face aux manquements à la probité, aux conflits d’intérêts et aux violations les plus graves des règles économiques du pays”. Une structure pénale “qui va plus vite plus fort”. Un véritable “navire-amiral contre la délinquance financière”.
Une pique personnalisée
Le garde des Sceaux s’est dit heureux de se défendre devant l’hémicycle. Il s’est appuyé sur la position de sa prédécesseuse qui avait jugé “choquantes” les méthodes de l’enquête du PNF sur les fadettes. Avant d’envoyer en pique personnalisée à l’ex-patronne, Éliane Houlette: “Que des magistrats qui ne veulent pas répondre à l’inspection des services préfèrent répondre à Paris-Match, ça me chagrine!”
Un peu plus tôt dans l’été, un membre de l’Inspection avait déjà eu le même type de tournure: “C’est tout de même étonnant. Madame Houlette s’explique devant les journalistes, comme pour ces six pages dont Paris Match a fait sa “une” [le 2 juillet], mais pas face aux magistrats de l’inspection”, avaient ainsi écrit nos confrères du Monde le 23 juillet.
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