LREM: Ces « créatures » macronistes qui ont échappé à leur inventeur
Le cru 2017 avait été marqué par un profond renouvellement politique, provoqué par la très large victoire des marcheurs aux élections législatives, actant au passage une nette progression de la place des femmes dans l’hémicycle.
C’était l’époque du “nouveau monde” et des 52% de candidats issus de la “société civile” investis par le tout jeune parti macroniste. Un vent de fraîcheur soufflait alors sur le Palais Bourbon, et ces primo-élus étrangers aux codes du “vieux monde” et fidèles à la promesse de “dépassement” faite par leur champion, assuraient vouloir faire de la politique autrement, loin des querelles “politiciennes” et partisanes.
Las. Ce rêve fut de courte durée. Quatre ans plus tard, la majorité, qui affichait initialement 314 députés au compteur, en a perdu 46. Soit le record de défection sous la Ve République. Au-delà de ces désertions politiques, ce sont les erreurs de casting qui ont aussi attiré l’attention. La République En Marche a ceci de spécifique: elle a fait élire des députés qui se sont retournés depuis contre l’homme qui apparaissait à leur côté sur leurs affiches: Emmanuel Macron. Avec parfois, des trajectoires pour le moins surprenantes, voire inquiétantes. Tour d’horizon de ces fabrications macronistes qui ont échappé à leur créateur.
Joachim Son-Forget, du bon élève au virage trash
Benoit Tessier via Reuters
Le point d’orgue de ses dérapages se situe en février 2020, au moment où il a cru bon de partager à ses 58.000 abonnés le lien menant vers la vidéo montrant Benjamin Griveaux apparaissant dans des positions plus que suggestives (un acte qui lui a valu des poursuites). Durant la crise sanitaire, “JSF”, qui prend plaisir à poser aux côtés de Marion Maréchal, a très tôt compté parmi les pourfendeurs de la politique gouvernementale, militant ardemment pour l’hydroxychloroquine (dont l’efficacité contre le Covid n’a toujours pas été démontrée, malgré les nombreux essais cliniques).
Sans surprise, Joachim Son-Forget s’oppose aujourd’hui au pass sanitaire et a récemment participé à un rassemblement hostile à cette mesure décidée pour faire face au variant Delta. Pour en savoir plus sur cet élu à la trajectoire singulière, notre portrait réalisé au moment de l’affaire Griveaux.
Martine Wonner, du poil à gratter au naufrage complotiste
NurPhoto via Getty Images
Classée à gauche dans la majorité (et ayant déjà pris ses distances avec le mouvement macroniste), Martine Wonner a clairement changé de trajectoire à l’aune de la crise sanitaire. Masques, hydroxychloroquine, vaccination… L’élue du Bas-Rhin a multiplié les contre-vérités au Palais Bourbon, et semble prise dans une spirale qui ne cesse de s’aggraver. Dernier coup d’éclat en date, cette affirmation selon laquelle la Garde républicaine aurait décidé de ne plus protéger le président de la République.
Ce qui est doublement faux, puisque ce corps d’honneur ne compte nullement cette mission parmi ses prérogatives et qu’aucun communiqué émanant de cette branche de la gendarmerie nationale ne fait état d’une telle décision. Un égarement de plus pour cette élue adepte des polémiques et défilant dorénavant aux côtés de Florian Philippot et Nicolas Dupont-Aignan. Pour en savoir plus sur son parcours, notre portrait réalisé après qu’elle a appelé les anti-pass sanitaire à “envahir les permanences” de leurs députés.
Agnès Thill, la révélation conservatrice
NurPhoto via Getty Images
Une autre fois, elle partage un article du journal Têtu, qui évoque le “coming out” médiatique de Gabriel Attal, alors secrétaire d’État. Avec ce commentaire pour le moins équivoque: “Au moins la couleur est annoncée. Bioéthique en juin”. Autre exemple, son entretien le 5 juin 2019 au très droitier magazine L’Incorrect, lancé par des proches de Marion Maréchal. Une interview au cours de laquelle l’élue affirme que l’ouverture de la PMA à toutes les femmes “restera dans l’histoire comme celle qui aura évincé les pères de la naissance et de l’éducation des enfants”. C’en est trop. Vingt jours plus tard, elle est exclue du groupe LREM.
Et depuis? Agnès Thill poursuit son parcours d’opposante au gouvernement, avec une forte tendance à barrer à droite. Voire à la droite de la droite en accordant, par exemple, des interviews à Boulevard Voltaire, le site lancé en 2012 par Robert et Emmanuelle Ménard, puis condamné deux ans plus tard pour provocation à la haine envers les musulmans. Le “en même temps”, cher au macronisme, est derrière elle.
Matthieu Orphelin, caution écolo devenu allié des Insoumis
POOL New via Reuters
Constatant finalement que “le compte n’y est pas” sur le climat, l’élu écologiste finit par quitter le navire en février 2019, pour rejoindre les dissidents de l’aile gauche. Au fil des mois, l’envergure politique de cet ingénieur de formation change de dimension. Au point de se retrouver à la tête d’une liste d’union de la gauche aux élections régionales dans les Pays de la Loire en juin 2021. Derrière sa candidature? EELV, La France insoumise, Génération.s ou encore Génération écologie.
Un attelage (très) éloigné de l’étiquette qui lui a permis d’accéder au Palais Bourbon. Ironie du sort, Matthieu Orphelin faisait face à un ex-écologiste ayant rejoint LREM en 2017, mais qui, lui, est resté loyal: François de Rugy. À la différence de ce dernier, il se qualifie pour le second tour, mais s’incline face à la présidente LR sortante, Christelle Morançais.
Aurélien Taché, de la “bande de Poitiers” à Éric Piolle
Charles Platiau via Reuters
S’écharpant régulièrement avec Marlène Schiappa au sujet de la laïcité, Aurélien Taché a depuis revêtu le costume d’opposant de gauche à Emmanuel Macron, dénonçant régulièrement sa politique sociale, sécuritaire et environnementale. Preuve de ce retour au bercail pour cet ancien socialiste, l’élu du Val-d’Oise (co-président des Nouveaux démocrates) figure parmi les élus de gauche conviés par Yannick Jadot au printemps 2021 pour penser l’union en vue de 2022. Si l’initiative paraît mal embarquée, une chose est sûre: Aurélien Taché s’engagera dans les mois à venir au service d’une candidature qui ambitionnera de battre Emmanuel Macron. Cet été, le député à même passé une tête à l’université des Insoumis. Mais finalement, il a jeté son dévolu sur l’écolo Éric Piolle.
Cédric Villani, le mauvais calcul
Gonzalo Fuentes via Reuters
Sauf qu’en politique, toutes les équations ne fonctionnent pas et la théorie se heurte très souvent à la pratique. La trajectoire macroniste de l’homme à l’araignée a ainsi dévissé à l’occasion des élections municipales, quand Cédric Villani se porte candidat à l’investiture LREM pour la mairie de Paris en 2020. Sorti perdant du processus de désignation interne, le député de l’Essonne maintient sa candidature. Même après la demande expresse du président de la République de se ranger derrière Benjamin Griveaux.
Ce qui vaudra une exclusion au mathématicien qui finira par suivre les dissidents du macronisme au sein de l’éphémère groupe Écologie démocratie solidarité (EDS). Depuis, le candidat malheureux à la mairie de Paris (il n’a pas récolté assez de voix pour obtenir un siège de conseiller) a pris ses distances avec la Macronie. Au point, maintenant, de se retrouver porte-parole de Delphine Batho, candidate à la primaire EELV.
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