Macron, la dette et le chaos
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Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale il y a une semaine, le moins que l’on puisse dire est que le paysage politique français reste assez chaotique. Et les perspectives de politique économique très incertaines, avec un Rassemblement national qui semble aux portes du pouvoir, une gauche qui bénéficie d’une dynamique de rassemblement et une droite, de LR à Macron, en décrépitude. De quoi créer une énorme montagne d’incertitudes.
Or on nous rabâche régulièrement que « les marchés financiers n’aiment pas l’incertitude ». Pourtant, les créanciers internationaux de la France ont, à ce stade, assez peu réagi. Le spread, l’écart de taux d’intérêt avec l’Allemagne, est passé d’en gros 50 points de base à un peu plus de 60 sur les emprunts à 10 ans, puis un peu plus haut, autour de 70-75 points de base.
Les banques, créancières importantes de l’Etat, ont un peu dévissé en Bourse. Il y a bien eu une réaction, certes, mais comme disent les gens de marché, elle est restée « ordonnée ». La France a emprunté à court terme le lendemain de l’annonce de la dissolution et la demande a été 3 à 5 fois supérieure à l’offre, une nouvelle fois le 17 juin et là encore, la demande a été trois fois plus forte.
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De plus, dans la hausse de l’écart entre les taux d’intérêt allemand et français, il y a beaucoup plus de baisse du taux allemand que de hausse du taux d’emprunt français, qui reste largement mesuré.
Deux scénarios sont maintenant possibles
Le RN dans les pas de Meloni
D’un côté, cette relative stabilité est durable. Le programme économique du RN revient, tout compris, à accroître le déficit budgétaire d’environ 1,5-2 points de PIB, qui s’ajouteraient au déficit attendu de 5 points. Intenable.
Donc le RN n’appliquera pas son programme. Il se tiendra à carreau jusqu’en 2027 pour remporter la présidentielle. Une fois l’Elysée et Matignon sous contrôle, ce sera une autre paire de manches. Mais, pour les trois ans qui viennent, ils feront attention.
Un scénario à la Meloni, auquel se réfère explicitement Jean-Philippe Tanguy, jeune député RN de la Somme pressenti comme le possible ministre des Finances d’un gouvernement d’extrême droite. « On ne va pas laisser filer le déficit en arrivant. Si on faisait ça, les marchés ne laisseraient pas passer. »
En clair, « si on arrive au pouvoir, ce n’est pas Noël », la majorité des promesses populistes passeront par-dessus bord et la politique économique se calera sur la norme européenne. « C’est ce qui a sauvé Giorgia Meloni en Italie : les marchés ont agréé sa trajectoire. Il y aura forcément des mesures à prendre », poursuit le député RN.
On fait également attention aux marchés, du côté du Nouveau Front populaire. « Nous ne sommes pas des irresponsables budgétaires », affirme l’économiste et députée LFI Aurélie Trouvé.
Le programme ? « Nous sommes sur une trajectoire de réduction des déficits budgétaires », complète-t-elle. Car s’il y a beaucoup de dépenses, contrairement au RN, il y a beaucoup de recettes en face. On attend assez rapidement le chiffrage précis, mais l’orientation politique est donnée.
Un bazar durable
Bref, tous ceux qui veulent accéder au pouvoir doivent partir de la situation actuelle : un déficit public de l’ordre de 5 % en 2023, en 2024 et en 2025.
D’un autre côté, la relative mesure de la réaction des marchés ne serait que provisoire. Les quinze jours qui viennent peuvent donner lieu à des surenchères économiques ou à des événements politiques inattendus.
Le discours de politique générale d’un premier ministre RN montrerait qu’il est difficile d’abandonner toutes les promesses et de maîtriser le déficit.
Le discours de politique générale d’un premier ministre RN montrera qu’il est difficile d’abandonner toutes les promesses et de maîtriser le déficit
Surtout, quel que soit le parti en tête au soir du 7 juillet, il a de grandes chances de ne bénéficier que d’une majorité relative, sous la menace permanente d’une alliance des oppositions pour une motion de censure. Bref, un bazar durable.
Combien de fois a-t-on entendu, de la part du gouvernement Macron, qu’il était le seul à pouvoir assurer la crédibilité de la France aux yeux des créanciers de la France ? Ce narratif en a pris un premier coup avec la dégradation de la note de la dette publique française par Standard & Poor’s. Depuis une semaine, un second coup est porté avec l’ouverture d’un scénario possible d’affolement des créanciers internationaux de la France.
Dans la série Breaking Bad, le petit prof de chimie devenu un caïd de la drogue a cette réplique célèbre : « I’m not in danger, I’m the danger. » On peut aisément la transposer à Emmanuel Macron. Ce n’est pas lui ou le chaos, il est le chaos.
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