Présidentielle : les droites entre elles
L’élection présidentielle approche, et le débat qui s’amorce provoque l’étrange sentiment d’une France politique dont l’hémisphère droit aurait envahi toutes les fonctions réflexives… Sans même évoquer le feuilleton quasi quotidien des sondages qui ne semblent exister que pour consacrer le retour en vogue de Charles Maurras en la personne d’un Eric Zemmour, candidat sans l’être et toujours sans programme, force est de constater que les droites, du Rassemblement national à La République en marche ne discutent quasiment qu’entre elles. Démonstration en trois volets.
S’agit-il d’énergie ?
On n’entend sur le sujet que deux voix, synthétisant les deux options du productivisme : celle de Xavier Bertrand, qui prétend revenir au presque tout-nucléaire au nom de l’indépendance et du prestige de la France (élu, il ferait sauter l’objectif inscrit dans la loi de 50 % de production électrique par l’atome en 2035), et celle du gouvernement, qui soutient les bienfaits de la dissémination de « mini » réacteurs (300 mégawatts de puissance quand même).
Pour couper l’herbe sous le pied d’un adversaire identifié comme dangereux, le président Macron pourrait surtout décider, avant le scrutin d’avril, de la construction de six réacteurs EPR demandés par la direction d’EDF, ignorant les surcoûts faramineux – l’EPR a vu son coût multiplié par près de quatre –, les problèmes dans la sûreté de pièces aussi stratégiques que les cuves, les couvercles, les soudures, les tuyauteries…
Dans ce combat entre droite de droite et centre-droit, la solution alternative, la sobriété énergétique et le scénario négaWatt disparaissent sous les radars médiatiques.
Parle-t-on immigration ?
Les droites se lancent alors dans un concours Lépine d’ailleurs assez peu original. Marine Le Pen ressort aussitôt son programme de base avec en point d’orgue le référendum anti-immigrants La famille décomposée des Républicains jure par « l’immigration choisie », qui figurait déjà au programme de Nicolas Sarkozy en 2007. Exemple avec Valérie Pécresse, trouvant qu’il y a décidément « trop d’immigrés », mais assure : « On ne va pas empêcher le PSG de recruter Neymar. » L’objectif de tri entre immigrants « utiles » et « indésirables », où la cible principale est le regroupement familial, est partagé avec ses concurrents Xavier Bertrand (des quotas votés par le Parlement) et Michel Barnier (moratoire de trois à cinq ans).
Voici donc trois dossiers majeurs, l’énergie, l’immigration et la jeunesse, où seules les thèses de droite, néolibérales ou conservatrices et très souvent autoritaires, font actuellement l’objet d’un débat
D’où l’idée – affichée ou pas – de modifier la Constitution, suspendre certains articles des traités européens, ou dénoncer des conventions européennes ou internationales, qui lient la France. Pour toutes et tous les prendre de court, le gouvernement d’Emmanuel Macron a rendu publique la restriction, de 30 % à 50 %, des visas d’entrée en France pour les Algériens, les Tunisiens et les Marocains.
La punition collective est certes destinée officiellement à obtenir d’Alger, Tunis ou Rabat le rapatriement de leurs ressortissants expulsés, mais elle a surtout l’avantage de concurrencer les propositions de la droite classique.
Faut-il aider les jeunes ?
Là encore, le centre-droit qu’est devenue La République en marche – rappelons qu’on s’attendait à un centre gauche en 2017 – a agi sous la crainte constante d’être accusée de vouloir « faire des jeunes des assistés », une antienne vermoulue de l’idéologie familialiste et conservatrice en France. Résultat, au dernier tournant avant la fin du quinquennat et au prétexte de « l’amélioration du marché du travail », le gouvernement pourrait renoncer au « revenu d’engagement ». Ce dernier aurait dû soutenir jusqu’à 1,4 million de jeunes sans emploi, précaires, étudiants ou non étudiants. A la place, la garantie jeunes, avec ses 500 euros d’allocation mensuelle, pourrait être étendue et toucher peut-être 600 000 personnes, accompagnée d’un lourd dispositif permettant de vérifier le respect par les bénéficiaires de l’équilibre « des droits et des devoirs »
Voici donc trois dossiers majeurs : l’énergie, et donc la transition énergétique, l’immigration et la jeunesse où seules les thèses de droite, néolibérales ou conservatrices et très souvent autoritaires, font actuellement l’objet d’un débat. Bien sûr, la candidate et les candidats de gauche formulent eux aussi des propositions. On a bien eu vent des nombreuses idées formulées lors de la primaire des écologistes, du programme étoffé de Jean-Luc Mélenchon, de celui de Fabien Roussel (Parti communiste), ou encore des propositions d’Arnaud Montebourg ou d’Anne Hidalgo.
Elles représentent souvent une véritable alternative : la sobriété écologique ; la planification de La France insoumise ; le revenu de solidarité jeune ; la réindustrialisation ; la hausse des revenus… Mais aussitôt énoncée, chacune s’envole comme feuille au vent, car la loi d’airain de l’élection présidentielle au suffrage universel s’impose : seuls ceux qui ont une chance de figurer au second tour, ou du moins à pouvoir peser à ce moment-là, ont vraiment droit au chapitre. Et aujourd’hui non seulement aucun des champions cités plus haut ne remplit cette condition, mais rien ne laisse entrevoir une sortie de l’obscur tunnel dans lequel les gauches se battent pour en sortir en tête…
Les droites ont donc tout loisir de débattre entre elles, ce qui procure une prime médiatique à la plus droitière d’entre elles, puisque c’est elle qui crie le plus fort.
Laisser un commentaire