Tour de France et sapin de Noël: les autres mesures des maires EELV
POLITIQUE – Rabat-joie, radicaux, tristes… depuis quelques jours, les nouveaux maires écologistes ne sont pas à la fête. Leur méfait? L’un s’est attaqué au sacro-saint Tour de France, une épreuve selon lui “machiste” et “polluante”, quand un autre annonçait son intention de mettre fin au traditionnel sapin de Noël sur la grande place de sa ville.
Les deux se sont d’ailleurs expliqués depuis. Gregory Doucet à Lyon, a enjoint les organisateurs de la Grande Boucle a devenir plus écolo-responsables. À Bordeaux, Pierre Hurmic a précisé qu’il allait allouer l’argent prévu pour le grand arbre de 17 mètres à l’installation de plusieurs petits sapins et à de nouvelles manifestations de spectacle vivant “pour respecter la féerie de Noël.”
Ce qui n’a pas calmé la “stupeur” de certains responsables politiques. Éric Ciotti, Xavier Bertrand, Marlène Schiappa et bien d’autres ont notamment clamé leur indignation. Même des élus écolos, à l’image de Matthieu Orphelin -député ex-LREM proche de Nicolas Hulot- s’inquiètent de “mauvais symboles” et de “maladresses de communication.”
Car derrière ces polémiques sur lesquelles se jettent leurs adversaires, les maires EELV récemment élus à Strasbourg, Marseille, Lyon ou Bordeaux, commencent à mettre en place leurs programmes. Et cela va de l’organisation des transports aux cantines scolaires, en passant par l’investissement vert.
Priorité aux cyclistes et piétons
Comme prévu avant leur élection, les nouveaux édiles font la part belle aux cyclistes et aux piétons dans l’emménagement de leurs villes. À Lyon, on se targue d’avoir définitivement piétonnisé les abords de sept écoles pour cette rentrée scolaire, pour que “l’espace appartienne aux enfants”, nous explique-t-on. La nouvelle mairie va également étendre l’expérimentation des week-ends de piétonnisation au-delà de l’hypercentre, avant de les pérenniser chaque mois, pour dessiner à terme ce que sera la capitale des Gaules en 2026.
Les cyclistes sont également les grands gagnants de ces premières semaines. À Tours, Emmanuel Denis n’a pas attendu longtemps pour interdire aux voitures le pont historique Wilson qui enjambe la Loire dans le centre-ville, afin de rendre aux piétons “un vrai balcon sur le fleuve.” Le maire promet à terme, sur ce pont et partout ailleurs, 40 kilomètres de pistes cyclables.
Des concertations sont également lancées à Besançon ou Bordeaux, pour la création de nombreuses nouvelles voies réservées aux cyclistes dès cet automne. Au total, Pierre Hurmic propose la création de 250 arceaux (pour 500 places de vélo) et 21 vélobox, des parkings fermés et sécurisés.
Transport et stationnement
En parallèle, certains responsables écolos locaux mettent le paquet sur les transports en commun. C’est le cas de Bruno Bernard, le plus puissant d’entre eux. Le nouveau patron de la métropole de Lyon, fort d’un budget de près de 4 milliards d’euros, a promis de doubler l’enveloppe allouée au Sytral, le réseau de transport en commun de l’agglomération. Entre 2,5 et 3 milliards d’euros seront ainsi investis.
Au programme: augmenter l’offre de bus de 20%, soit une soixantaine de kilomètres, une étude pour l’installation de télécabines entre Rhône et Saône, ou encore la gratuité des transports pour les moins de 11 ans et les plus démunis.
Les automobilistes en revanche, et ce n’est pas une surprise, risquent de voir leurs habitudes contrariées. À Bordeaux, Pierre Hurmic envisage de mettre en place d’ici un an un tarif “social et solidaire” pour le stationnement résident, c’est-à-dire les abonnements facturés au mois pour les habitants de chaque quartier. En clair: payer le stationnement de son véhicule en fonction de ses revenus.
Sans attendre, l’écologiste Anne Vignot, maire de Besançon a pour sa part lancé la chasse au stationnement sauvage par le biais d’une amende de 135 euros. À Strasbourg, la nouvelle édile est quant à elle immédiatement revenue sur un arrêté pris par son prédécesseur permettant la gratuité du stationnement à certaines heures, dans l’hypercentre de la ville, jusqu’à la fin septembre.
L’accent sur les mesures sociales…
Autre décision abrogée par Jeanne Barseghian: l’interdiction de la “mendicité agressive” dans certaines zones, signée par l’ancien socialiste Roland Ries en avril 2019.
Comme elle, plusieurs maires écolos ont décidé de mettre l’accent sur les questions sociales dès leur début de mandature. À Poitiers, la première mesure -ou presque- de Léonore Moncond’huy a été de créer un plan “Vacances pour tous”, permettant -par le biais d’une aide allant jusqu’à 350 euros- aux enfants de familles modestes de partir 24 heures, 5 ou 7 jours. Au total, plus de 200.000 euros ont été débloqués par la nouvelle édile pour ce projet mené en partenariat avec le Secours populaire.
À Besançon, Anne Vignot a débloqué une enveloppe de 1,3 million d’euros pour le soutien économique et social de 1400 foyers précaires “passant à travers les mailles du filet de l’État”, selon ses mots.
À Marseille, la majorité écolo-socialiste semble faire de l’éducation et de la petite enfance ses priorités. Michèle Rubirola a déjà annoncé le recrutement de plus de 300 personnels éducatifs, agents ou puéricultrices, pour les écoles et les crèches.
Les élus ont également pu augmenter les dépenses d’investissement de 50 millions d’euros -par rapport au budget voté par Jean-Claude Gaudin- sur deux sujets: l’amélioration de l’état des écoles (30 millions) et la lutte contre le logement indigne (20 millions).
… et le soutien aux entreprises
À Bordeaux, Pierre Hurmic a annoncé, vendredi, que la ville serait candidate à l’expérimentation “territoire zéro chômeur de longue durée” dans les secteurs de Bordeaux-Nord et Grand Parc. Même chose à Lyon où le président de la métropole a indiqué vouloir étendre le dispositif actuellement testé à Villeurbanne.
Car les premiers mois au pouvoir de ces élus méconnus par le grand public se déroulent dans un contexte de crise économique provoquée par la pandémie de coronavirus. Entre autres mesures de soutien aux entreprises, Bruno Bernard a promis une exonération de la cotisation foncière des entreprises pour les structures ayant un chiffre d’affaires inférieur à 150 millions d’euros.
Toujours à Lyon, la mairie se félicite d’avoir débloqué “4 millions d’euros en 24 jours pour le secteur de la culture.” Des commissions vont bientôt se réunir pour statuer et permettre une attribution des premières aides dès l’automne.
Quant au Bordelais Pierre Hurmic, il va créer une cellule d’aide aux entreprises de moins de 10 salariés afin d’aider les secteurs les plus fragilisés par la crise sanitaire.
L’inévitable dossier sécurité
Autre imprévu: la montée du sentiment d’insécurité et l’enchaînement, cet été, de faits-divers choquants. Les villes écolos n’ont pas été épargnées par les faits de violence tandis que le débat s’est installé dans la sphère politique comme sur la scène médiatique. Et les édiles EELV s’en emparent à leur façon.
À Bordeaux ou à Besançon, ils réclament à l’État des policiers nationaux supplémentaires. Anne Vignot a d’ailleurs annoncé ce samedi que le ministère de l’Intérieur avait répondu favorablement à sa demande créant 38 postes d’agents sur les 40 réclamés.
En Gironde, c’est une compagnie de CRS que Pierre Humric demande à Gérald Darmanin. Confronté à une hausse de la violence dans sa ville, le maire a également annoncé vendredi le recrutement de plusieurs policiers municipaux, le retour de la brigade canine et le renforcement de la brigade équestre.
À Lyon, Gregory Doucet a promis l’implantation d’antennes de polices municipales dans tous les quartiers, le doublement des effectifs des brigades à vélos et déjà mis en place la vidéo-verbalisation sur le bas des pentes de la Croix-Rousse. Le secteur est d’ailleurs désormais piéton les nuits de vendredi à samedi et de samedi à dimanche pour éviter les phénomènes de rodéos urbains.
Cassent-ils les codes?
Autant de mesures auxquelles s’ajoutent le passage à deux repas végétariens par semaine dans les cantines scolaires lyonnaises, l’encadrement des loyers promis à Bordeaux ou l’installation de conseils citoyens çà et là. Mais les maires écolos, élus depuis moins de trois mois, cassent-ils les codes de la politique locale pour autant?
Outre les sujets épidermiques que sont Noël et le Tour de France, deux décisions symboliques ressortent surtout des premières semaines de gouvernance verte. La déclaration, dans plusieurs villes, de “l’état d’urgence écologique”, d’une part. Et la baisse des indemnités de bon nombre d’entre-eux, de Gregory Doucet à Anne Vignot en passant par Jeanne Barseghian, de l’autre.
Reste que les anciennes pratiques ne sont jamais loin. Plusieurs de ces nouveaux maires sont accusés de vouloir concentrer tous les pouvoirs. À Bordeaux par exemple, Pierre Hurmic assume de prendre les manettes de toutes les délégations de l’intercommunalité, rompant avec le partage traditionnel des postes.
À Lyon, le patron de la métropole, Bruno Bernard est critiqué pour avoir pris les rênes du Sytral, l’autorité qui organise les transports en commun de l’agglomération. Rabat-joie et cumulards, les écolos?
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