2023 : ça pourrait aller… sauf si Macron et la BCE plantent tout !
Je vous le dis tout net : l’année 2023 est mal partie.
Regardez les prévisions des grandes institutions internationales. Celles du FMI par exemple : sa patronne, Krystalina Giorgeva, a annoncé le 1er janvier « une année plus dure que celle que nous venons de quitter », avec un tiers de pays en récession, d’où son commentaire. Pas terrible… Et l’OCDE ? Dans ses dernières prévisions, elle annonce une croissance dans ses pays membres qui passe de 2,8 % en 2022 à 0,8 % en 2023. Bref, la cata.
Sauf que non. En regardant bien les prévisions du FMI, elles disent que la croissance de l’activité va passer de 1,7 % en 2022 à 2 % en 2023 dans les pays avancés, et de 4,4 % à 6,9 % pour les émergents. Quant à l’OCDE, ses chiffres prévoient que la zone passe d’une croissance de 0,4 % au dernier trimestre 2022 à 1,2 % à la fin 2023. Tout bien compté, donc, l’environnement économique mondial va plutôt dans le bon sens cette année !
Et encore : comme le fait remarquer l’éditorialiste du Financial Times, Chris Giles, les perspectives de l’OCDE font par exemple l’hypothèse d’un prix du gaz en Europe à 180 euros le mégawattheure quand les dernières prévisions le mettent à environ la moitié de ce niveau. Aucune des deux institutions ne pouvait, non plus, prévoir le retournement de la politique chinoise face au Covid et les impacts sur la croissance là-bas, sur nos exportations, sur le prix des matières premières, etc.
Bref, l’environnement international pourrait ne pas être si mauvais que cela pour la France !
Des bonnes nouvelles aussi pour la France
D’autant que d’autres bonnes nouvelles ont été annoncées. Sur l’inflation, par exemple : elle aurait été de « seulement » 5,9 % sur douze mois en décembre dernier, contre 6,2 % en novembre, d’après les premières estimations de l’Insee. Cela est dû au ralentissement de la hausse des prix de l’énergie, des produits frais et, dans une certaine mesure, des services.
A noter : si on regarde les évolutions d’un mois sur l’autre, on voit que les prix ont augmenté de 1 % en octobre, de 0,3 % en novembre et baissé de 0,1 % en décembre. Une bonne orientation.
L’Insee prévoit un pic en janvier autour de 7 % et une inflation à 5,5 % à l’été, voire un peu en dessous. Cela ne veut pas dire que l’on en a fini avec les pertes de pouvoir d’achat mais que, si la tendance se poursuit, ces pertes pourraient durer moins longtemps.
Autre bonne nouvelle, l’emploi. D’après la dernière enquête Manpower, 41 % des patrons veulent embaucher au premier trimestre et 14 % veulent réduire leurs effectifs. Les embauches sont surtout prévues dans les services : transport, logistique, automobile, finance, immobilier, technologies de l’information.
L’énorme risque qui pèse sur l’économie française, c’est ce combo diabolique d’austérité budgétaire et de taux d’intérêt trop élevés
Globalement, les économistes ont du mal à comprendre pourquoi, en dépit de la situation économique difficile liée à la sortie chaotique de la pandémie et à la guerre, l’emploi ne tient pas si mal en France. Quand je demande à Eric Heyer, un économiste de l’OFCE spécialiste du sujet, il me répond « cela reste un mystère » ! Ce qui ne l’empêche pas de creuser plusieurs pistes : ralentissement voire une baisse de la productivité des salariés (liée au télétravail, à une démotivation générale, à l’alternance, etc.) ? Durée du travail plus faible qu’avant la crise ? Rétention de main-d’œuvre de la part des entreprises ?
Quoi qu’il en soit le résultat est là : compte tenu de l’environnement macroéconomique, la situation de l’emploi pourrait être pire.
Dernière bonne nouvelle : il n’y aurait pas de recul marqué de l’investissement des entreprises au premier semestre de cette année selon l’Insee, grâce au secteur des services et à une presque stabilité dans l’industrie.
Comment se fait-il qu’en pleine crise énergétique, les entreprises veulent continuer à embaucher et investir ? Selon la dernière enquête de conjoncture de la Banque de France, un gros tiers (35 %) des entreprises déclare un impact « significatif », c’est-à-dire faible ou fort des prix de l’énergie sur leur activité, mais seulement 6 % un « impact fort ». Moins d’une sur cinq déplore un impact fort sur ses marges.
Pourquoi ? Selon l’Insee, les deux tiers des entreprises ont répercuté l’augmentation des coûts sur les prix, plus de la moitié investit pour réduire la facture énergétique, la moitié pour adapter les méthodes de production. Un tiers seulement comprime ses marges.
Les deux risques
Deux risques pèsent toutefois sur l’économie française.
Tout d’abord, les faucons allemands, hollandais et lettons pourraient pousser la Banque centrale européenne (BCE) à décider de hausses importantes et rapides des taux d’intérêt, ce qui aurait de quoi plomber sérieusement l’activité en Europe. Une inflation maîtrisée devrait pourtant calmer ces ardeurs. Lors de ses vœux 2023, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a lui-même appelé la BCE à agir « sans fétichisme des hausses trop mécaniques ».
Autre problème potentiel : l’action du gouvernement français. Se pliant également à l’exercice des vœux pour la nouvelle année, Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie, a parlé « d’ivresse de la dépense publique ». Alors que la France a besoin d’accroitre ses dépenses en matière de santé, d’éducation, de justice, de recherche, sans oublier l’éléphant dans la pièce, la transition écologique, le ministre annonce clairement une politique budgétaire marquée par l’austérité !
L’énorme risque qui pèse sur l’économie française, c’est ce combo diabolique d’austérité budgétaire et de taux d’intérêt trop élevés. Le tout dans un environnement politique marqué par une réforme des retraites dont personne ne veut, et dont l’adoption au forceps pourrait empoisonner la vie des gens sur le long terme et le fonctionnement de l’économie à court terme.
La France pourrait donc passer 2023 sans que la crise ne pèse trop. Ce qui en décidera semble moins dépendre de la dynamique de l’économie que des décisions de politique économique qui seront prises.
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