Un nouveau record de fusion nucléaire pousse un réacteur jusqu’à ses limites
FUSION NUCLÉAIRE – 59 mégajoules durant 5 secondes. C’est sans doute assez peu pour vous, mais pour les chercheurs du Joint European Torus (JET), dans la région d’Oxford en Angleterre, cela veut dire beaucoup. Il s’agit même d’un record de fusion nucléaire qui vient doubler les chiffres du précédent, et qui présage de bonnes choses pour la suite, comme vous pouvez le découvrir dans la vidéo en tête de cet article.
Le JET est un tokamak, c’est-à-dire une construction en forme de donut formant un puissant champ magnétique, et dans laquelle les atomes viennent se fracasser à des vitesses très élevées afin d’atteindre des températures dix fois plus élevées que celle que l’on trouve au cœur du soleil, entre 150 et 200 millions de degrés Celsius. À de telles températures, les atomes forment un plasma et se mettent à fusionner entre eux, dégageant une énergie phénoménale.
Dans ce domaine, les records s’enchaînent. En janvier 2022, une équipe chinoise a créé un soleil artificiel pendant plus de 17 minutes, mais à une température bien moins élevée, et surtout, en n’utilisant pas les mêmes éléments chimiques. Le JET a, lui, fait fusionner du deutérium et du tritium, deux isotopes de l’hydrogène qui peuvent être produits de façon abondante, et excellents candidats pour de futurs réacteurs industriels.
Des étincelles à la belle flambée
Mais pour cela, il faut être capable de réunir deux paramètres: la chaleur et la stabilité. “Vous êtes exactement dans la position ou vous essayez d’allumer un feu avec du bois mouillé”, explique Yannick Marandet, chercheur au CNRS, directeur de la Fédération de recherche sur la fusion par confinement magnétique ITER. “Il faut chauffer les brindilles, et si on arrête de chauffer, le feu ne prend pas. Si on chauffe suffisamment longtemps, le feu se maintiendra tout seul.”
Car l’objectif, c’est bien d’atteindre un état où l’énergie produite permet presque à elle seule au plasma de rester suffisamment chaud pour continuer à fusionner, comme à l’intérieur d’une étoile. “Pour le moment, il faut maintenir le feu nous-mêmes”, tempère Yannick Marandet. Mais c’est là que le record de JET, le plus grand tokamak fonctionnel existant, établit un nouveau palier.
“L’équipe a pu contrôler un plasma dans lequel on a des réactions de fusion qui contribuent au chauffage du plasma pendant 5 secondes, sans que le plasma ne soit déstabilisé”, se réjouit le chercheur. ”Ça permet de démontrer que dans ces conditions-là, le plasma se comporte comme prévu”, c’est-à-dire qu’il reste dans un état contrôlé.
Bien sûr, pour que le processus s’auto-alimente, il faudra aller au-delà, bien au-delà des cinq secondes. Mais ce n’est pas JET, vaillant mais au bord de la retraite, qui s’en chargera. “Au-delà des 5 secondes, les bobines de cuivre du tokamak fondent”, explique Yannick Marandet. L’expérience acquise devra maintenant être transférée dans le “petit” frère, celui que tant de chercheurs attendent: ITER.
Le tokamak en construction à Saint Paul-lez-Durance (Bouches-du-Rhône), fruit de la collaboration de 35 pays, aura la charge de reproduire l’expérimentation de JET, mais avec une ampleur toute autre. Il s’agira désormais de maintenir le plasma dans un état stable pendant non pas quelques secondes, mais jusqu’à une heure, en produisant 50 fois plus de puissance. Cette fois, l’espoir est que les brindilles auront pris feu, et que la flambée brillera de mille feux.
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