SEULE LA JOIE
La séance du vendredi 4 novembre à 19h10 sera proposée par l’association Diversités arts et cultures, dans le cadre de ses séances Rainbow Screen.
(Glück) Écrit et réalisé par Henrika KULL – Allemagne 2021 1h28mn VOSTF – avec Katharina Behrens, Adam Hoya, Maria Mägdefrau, Jean-Luc Bubert, Mike Hoffman…
Du 02/11/22 au 29/11/22
Sasha travaille dans cette maison depuis si longtemps… Sa vie file. Le train que l’on prend pour aller bosser, les petits amis qui ne restent pas, le fils qui vit chez son père et qu’on visite à l’occasion, le tout couronné de fatigue et de vague à l’âme. Impulsive, déterminée, solide en façade, comme un roc, mais c’est une façon pour Sasha de se protéger. Plus qu’à son tour, elle encaisse et s’est forgée une carapace, croit-elle, indestructible. L’arrivée d’une nouvelle « pensionnaire », Maria, va ébranler ce bloc de certitudes. Maria est tout le contraire de Sasha : seule, non-conformiste et queer. Là où Sasha, blessée par la vie, serait en quête d’une joie à laquelle elle se refuse, Maria tient fermement le cap de son indépendance. Les valeurs des deux femmes, leurs quotidiens entrent en collision permanente. Et pourtant, se découvrant peu à peu, elles s’offrent des regards profonds, des sourires à se damner. Elles se captent, s’apprivoisent, se choisissent. Et c’est le début d’une histoire forte, transgressive, belle, grâce à laquelle elles explorent des contrées inconnues, qui les fait s’abandonner et se libérer de leurs peurs.
C’est une évidence, Henrika Kull aime ses comédiennes, au point de leur laisser une liberté folle de jeu et d’articuler sa mise en scène autour d’elles. Elles sont deux, principalement, à crever l’écran dans ce film aussi délicieusement cru (on évitera avec soin de le présenter devant les yeux les plus chastes) qu’attachant : Katharina Behrens, Adam Hoya, qui incarnent les héroïnes Sasha et Maria. Elles parmi toutes les autres, les femmes-ouvrières qui font vivre cette maison close berlinoise – plus qu’un décor, un véritable personnage qui palpite au cœur du film. Seule la joie nous plonge dans le quotidien et les rituels de ces femmes : les lits qu’on fait et défait, les tenues qu’on choisit, l’attente, les pauses sur les sofas… et surtout les relations qui les unissent. Tendres, drôles, sans fards, elles transpirent de spontanéité. En immersion, invités dans l’intimité des échanges des filles de joie, on est du côté de L’Apollonide de Bertrand Bonello. Comment ces femmes appréhendent-elles la féminité ? Comment se comportent-elles entre elles ? Comment se comportent-elles avec leurs clients ? Raconter à travers une fiction mais en se tenant au plus près du réel le quotidien d’une maison close, sans esbroufe ni angélisme, sans tape-à-l’œil et surtout sans céder aux facilités ni de la représentation fantasmatique, ni de la dénonciation moralisatrice et sans nuances. C’est sur ce fil ô combien fragile que la réalisatrice, parvient à faire tenir son film en délicat équilibre. Pour y parvenir, elle a patiemment mené un long travail de recherche dans des maisons closes, beaucoup échangé avec les femmes qui y travaillent, décidé de leur faire jouer leurs propres rôles, en décors réels, aux côtés de comédiennes et comédiens professionnels.
Le film prend parfois d’inattendus chemins de traverse, avance par petites touches impressionnistes pour mieux cerner et nous faire ressentir, par-delà la crudité des scènes, toute la pureté des sentiments. L’acharnement de ces deux femmes à conserver un lien toujours plus intense nous revigore et nous nourrit au plus profond.
Laisser un commentaire