MES RENDEZ-VOUS AVEC LEO
(Good luck to you, Leo Grande) Sophie HYDE – GB 2022 1h37mn VOSTF – avec Emma Thompson, Daryl McCormack, Isabella Laughland… Scénario de Kathy Brand.
Du 28/12/22 au 17/01/23
« Il y a des bonnes sœurs plus calées en sexe que moi. » Nancy dans Mes rendez-vous avec Leo
Voilà une brillante et étonnante comédie sentimentale que porte l’immense comédienne britannique Emma Thompson (la seule tout de même à avoir remporté un Oscar à la fois en tant qu’actrice de Retour à Howard’s End de James Ivory et comme scénariste de Raisons et sentiments d’Ang Lee). Elle est quasiment de tous les plans puisque le film, comme l’indique bien son titre français, relate quasi-exclusivement les rendez vous, dans une chambre d’hôtel haut de gamme, entre Nancy, une femme sexagénaire, et Leo, un jeune homme dont elle s’offre les services (incarné par le superbe et subtil Daryl McCormack, révélation !). Et le film fera sûrement débat car il évoque avec empathie le sujet de la prostitution, qui titille les convictions de certain(e)s.
Alors qu’on découvre dans la première scène Nancy, tailleur austère de femme mûre de la middle class, attendant fébrilement son rendez vous dans la chambre d’hôtel, on va petit à petit en savoir plus sur elle et sa personnalité. Il n’y a guère professeur d’éducation religieuse, veuve depuis deux ans après un mariage plan-plan qui en duré 31, mère de deux enfants, Nancy a toujours mené une existence sans aspérités ni aventures. Côté sexualité, elle reconnaît n’avoir jamais connu le plaisir – c’est bien cette lacune qui l’a convaincue de faire appel à un professionnel. Et face à ce jeune homme au visage d’ange et au corps sublime, s’exprimant parfaitement et sans tabous sur son activité, elle est dans un premier temps désarçonnée voire tétanisée, lourde de préjugés bien qu’elle souhaite profiter du « savoir-faire » de Leo.
Elle s’imaginait que, pour faire ce métier, il fallait y être acculé par la misère, par une histoire familiale compliquée, ou avoir subi des traumatismes liés à la sexualité. Et au lieu de ça, Leo est un jeune homme cultivé, semble-t-il parfaitement équilibré, doux, à l’écoute des désirs et des sentiments de sa « cliente »… Il y a de quoi la déstabiliser ! Et peu à peu, au gré des rendez vous successifs, des discussions et des ébats, ces deux êtres que l’âge et la condition opposent vont s’apprivoiser, apprendre à s’apprécier pour ce qu’ils sont vraiment.
À travers une forme très simple, grâce à des dialogues savoureux et souvent très drôles, la réalisatrice australienne et sa scénariste, humoriste de profession, questionnent avec intelligence plusieurs sujets qui nous concernent toutes et tous et d’abord les préjugés agistes d’une société qui accepte aisément les couples où l’homme est plus âgé mais trouve incongru qu’une femme d’un certain âge batifole avec un jeune homme (il n’y a qu’à voir toutes les allusions sexistes que subit Brigitte Macron, venant en particulier de gens qui se prétendent de gauche). Ou encore la découverte et l’acceptation de son corps au-delà des diktats (Emma Thompson, magnifique, n’hésite pas à se dévoiler) et bien sûr une réflexion morale mais dénuée de jugement autour du sexe tarifé. Sans angélisme (un épisode montre que le jeu de rôle entre cliente et travailleur du sexe a ses limites), Mes rendez vous avec Leo est clairement une ode à la relation libre entre adultes consentants, qu’elle soit monnayée ou non.
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