A Paris, la technologie pour lutter contre la pollution de l’air
Etude après étude, les résultats se suivent et se ressemblent : l’air respiré par les enfants aux abords des écoles parisiennes est pollué. Ainsi, un rapport d’Airparif publié en mai 2021 indique qu’aucun des 44 établissements scolaires recensés dans l’étude ne respecte les recommandations de l’OMS (Organisation mondiale de la Santé) pour ce qui est de la concentration en particules fines PM2,5 (dont le diamètre est inférieur à 2,5 microns).
Dans ce contexte, la mairie du 9e arrondissement de la capitale s’est portée volontaire, en mai 2023, pour installer dix appareils expérimentaux de dépollution de l’air dans la cour de l’école élémentaire Victoire. Ces machines, appelées « Para-PM », de la taille d’un gros frigo, piègent les particules fines grâce à un champ électrique.
« À l’aide d’un ventilateur, l’air passe dans la conduite et traverse des plaques métalliques chargées, ce qui consomme très peu d’électricité, contrairement à un filtre classique. Cette innovation peut collecter 95 % des particules fines et même très fines, jusqu’au PM0,1 », assure Matthieu Gobbi, cofondateur d’Aérophile, l’entreprise qui a conçu l’appareil.
Chaque Para-PM a une puissance de 400 watts, ce qui équivaut environ à celle d’un sèche-cheveux. « On ne va utiliser l’appareil que lorsqu’on en a besoin, c’est-à-dire lorsque les capteurs indiquent que l’on dépasse les seuils de l’OMS et qu’il y a des enfants dans la cour », précise Matthieu Gobi. Le principe de l’appareil est de souffler de grandes quantités d’air dépollué. Ce dernier se mélange à l’air trop chargé en particules fines et fait ainsi baisser le taux de pollution.
Cet établissement a été choisi car sa cour de 330 m² est entourée de murs de 12 mètres de haut, rendant le dispositif d’autant plus efficace. Les résultats, mesurés par un laboratoire extérieur, valident pour l’instant les projections de l’entreprise : à chaque utilisation, les appareils ont permis de ramener la pollution de l’air en dessous des seuils recommandés par l’OMS.
Budget expérimental
Cette installation, d’un budget global de 185 000 euros, se fait dans le cadre d’une expérimentation financée pour moitié par l’Ademe (Agence de la transition écologique), et pour l’autre moitié par l’entreprise Aérophile. La mairie du 9e a quant à elle pris en charge les coûts de la concertation préalable ainsi que les mesures réalisées par un laboratoire indépendant.
« Ce genre d’initiative est positive, salue Tony Renucci, de l’association Respire, qui lutte pour l’amélioration de la qualité de l’air. Mais si la technologie peut permettre d’accompagner les politiques publiques de réduction de la pollution, elle ne doit pas les remplacer. »
L’association a lancé début octobre une campagne d’interpellation des députés sur le sujet de la qualité de l’air respiré par les enfants en France. Elle formule huit propositions, dont des restrictions de trafic aux abords des écoles, une distance minimale d’éloignement des axes routiers ou encore un abaissement de la vitesse, et espère l’adoption d’une « loi protégeant les abords des établissements scolaires de la pollution de l’air ».
Tony Renucci observe que les collectivités locales s’engagent franchement sur cette thématique depuis plusieurs années. « Dans le cas de Paris, la maire Anne Hidalgo, ainsi que de nombreux maires d’arrondissements, ont eu une prise de conscience et ont mis en place des actions concrètes », se réjouit-il, citant notamment les « rues aux écoles », dispositif de piétonnisation des abords des établissements scolaires. La mairie de Paris s’est engagée à en mettre en place 300 et se targue d’en avoir déjà instaurées 180 à la rentrée 2023.
Une politique qui tousse
D’autres grandes villes se sont lancées dans une direction similaire, comme Strasbourg, Marseille ou Nantes. « Mais au niveau national, même si on en parle davantage, on constate plutôt un recul », regrette Tony Renucci. Il dénonce par exemple l’assouplissement des restrictions de circulation dans six des onze zones à faibles émissions (ZFE). Une mesure décidée par le ministre de la Transition écologique en juillet dernier.
Problème, seule une réduction globale des polluants est vraiment efficace. Certes, pour ce qui est du dioxyde d’azote (NO2), les murs de séparation et l’éloignement des voies de circulation permettent de diminuer sensiblement le niveau de pollution.
Mais ce n’est pas le cas pour les PM2,5. L’influence principale de la concentration en particules fines dans les écoles est celle de la pollution générale dans l’agglomération parisienne, rappelle ainsi l’étude d’Airparif citée précédemment. L’observatoire de la qualité de l’air en Ile-de-France recommande à ce titre des « mesures permanentes de limitation de la pollution générale comme les ZFE » et le « renouvellement des flottes de véhicules automobiles, accéléré par la mise en place de ZFE ».
Les Para-PM de l’école de la Victoire, eux, devraient être désinstallés à la fin du printemps prochain. L’expérimentation – et le budget qui l’accompagne – étaient en effet prévus pour un an. Les concepteurs de ces appareils espèrent qu’ils pourront bientôt équiper les cours des écoles les plus exposées, les parkings, les stations de métro ou encore des centres commerciaux.
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