Annonces de Macron sur le Covid: ces pièges qu’il doit éviter
Alors que les chiffres s’emballent sur le front de l’épidémie, le chef de l’État reprend la parole ce soir peu avant 20 heures, interrogé par les journalistes de TF1 et France 2, Gilles Bouleau et Anne-Sophie Lapix. Trois mois après l’interview du 14 juillet au cours de laquelle il expliquait “tout faire pour éviter une nouvelle vague”, Emmanuel Macron pourrait dévoiler de nouvelles restrictions pour endiguer l’épidémie de coronavirus.
En annonçant son intervention deux jours avant, le président a, comme au printemps, créé une certaine attente. Et s’est donné du temps pour faire fuiter plusieurs options, et préparer l’opinion aux plus rudes. De nombreux médias évoquent par exemple la possibilité d’un couvre-feu dans les zones où le virus circule de façon alarmante, notamment en région parisienne.
Et comme “la communication est très importante dans le contexte actuel,” selon plusieurs spécialistes interrogés par Le HuffPost, Emmanuel Macron va devoir s’attacher à éviter plusieurs écueils pour ce retour en première ligne.
Plus de modestie et moins de récit
“Dans ces circonstances, les mots choisis, l’argumentaire déployé est particulièrement performatif, c’est-à-dire qu’il a des conséquences importantes. Dire à quelqu’un de mettre un masque, c’est une question essentielle, concrète. C’est bien différent que de dire ‘il faut augmenter le PIB’”, nous explique Isabelle Veyrat-Masson, directrice de recherche au CNRS et de son “Laboratoire Communication et Politique”.
Le récit de la guerre, de la résistance, du Fils prodigue a le mérite d’être fort et l’inconvénient d’être soumis à la contradiction du réel ou la critique tous azimuts. »Isabelle Veyrat-Masson, directrice de recherche au CNRS, spécialiste de la communication politique
C’est pourquoi, selon elle, le chef de l’État devrait faire preuve de davantage de “modestie” dans son expression, pour laisser plus de place à un discours factuel. “Face à un évènement aussi orignal, dans le sens inouï, inédit, nouveau, est-ce qu’il ne faudrait pas avoir une communication plus neutre, plus factuelle?”, s’interroge-t-elle, regrettant le fait que le président de la République ne se soit pas détaché de son habitude de “vouloir prendre un angle, dérouler un récit”, à l’occasion de cette crise sanitaire.
“Une guerre doit s’arrêter par une victoire”
“Pourquoi avoir choisi l’image aussi forte de la guerre, l’image aussi forte des jours heureux, du quoi qu’il en coûte?”, poursuit la spécialiste de la communication politique pour qui le risque de ce type de discours est qu’il soit contredit de toutes parts, et qu’il contribue ainsi à rendre la communication gouvernementale illisible.
“Il a brouillé sa communication avec un message qu’il voulait fort mais dont la force s’est parfois retournée contre lui”, analyse-t-elle.
Pour Emmanuel Rivière, c’est avec le recul que ce discours a pu paraître “grandiloquent.” “Une guerre doit s’arrêter par une victoire et ce n’était pas compatible avec le ’vous allez devoir vivre avec le virus”, explique le directeur de la division publique de l’Institut de sondage Kantar.
Mais en tant que chef de l’État, “il lui appartient toujours d’être sur une incarnation, d’être sur la réponse de la Nation par rapport à un défi qui touche l’essentiel.”
Et c’est là un nouveau piège pour le chef de l’État qui va devoir trouver le ton juste, sans annoncer de mesures aussi fortes que le confinement. “L’enjeu, c’est d’expliquer où l’on en est, où l’on va, pourquoi certaines mesures s’appliquent ici et pas là”, détaille le sondeur en jugeant “le défi beaucoup plus compliqué qu’au printemps”, lorsque “tout le monde était logé à la même enseigne.”
Il n’y a a rien de pire que de donner le sentiment aux gens qu’on les prend pour des abrutisEmmanuel Rivière, directeur de la division publique de l’Institut de sondage Kantar
Pour Emmanuel Rivière, le président de la République doit avant tout faire preuve de transparence, alors que les Français ont encore en tête les errements du gouvernement sur la pénurie de masque, pourtant documentée, lors de la première vague. “Il y a un sentiment de redite avec les tests”, constate le sondeur.
“La tentation sera de dire ‘non il n’y a pas de problème, la machine à tester était en place et fonctionne bien’, alors que l’expérience quotidienne des gens montre que c’est plus compliqué, explique-t-il. Et d’ajouter: “Il n’y a a rien de pire que de donner le sentiment aux gens qu’on les prend pour des abrutis.”
Reste donc désormais à savoir quel ton utilisera le président de la République lors de cet entretien et s’il répétera la même communication qui a pu crisper jusque dans les rangs de sa majorité au printemps dernier. Dans le film “Un jour sans fin”, Bill Murray, sous les traits de Phil Connors, profite d’être bloqué dans sa faille temporelle pour apprendre de nouvelles choses, pour devenir meilleur. Emmanuel Macron aussi?
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