Benoit Berthe raconte les thérapies de conversion
Benoît Berthe, rescapé d’une thérapie de conversion
La députée LREM Laurence Vanceunebrock a annoncé le 3 juin déposait une proposition de loi pour interdire les « thérapies de conversion ». Brut a rencontré Benoît, qui en est rescapé.
Les soi-disant « thérapies de conversion », toujours autorisées en France, sont des séjours destinés aux personnes homosexuelles, censés les « guérir » de leur inclination, souvent pour des motifs religieux. « Ces thérapies de conversion reposent sur une conception fausse et archaïque de l’homosexualité. Les auteurs considèrent encore le plus souvent l’homosexualité comme une maladie », explique Laurence Vanceunebrock députée LREM et porteuse d’une proposition de loi sur l’interdiction de ces thérapies de conversion.
De 15 à 18 ans, Benoît Berthe a été envoyé par ses parents dans des thérapies
Il existe différents types de thérapies de conversion que l’on peut distinguer selon qu’elles soient religieuses, médicales ou sociétales. De 15 à 18 ans, Benoît Berthe a été envoyé par ses parents dans des thérapies de conversion. Organisées par la communauté religieuse des Béatitudes, elles se déroulaient pendant les week-ends ou les vacances scolaires. Pour Brut, il raconte.
« Ces thérapies sont là et prétendent pouvoir te guérir, mais quand tu te rends compte que tu ne guéris pas, parce que ça ne se guérit pas, évidemment, tu ne peux que te dire : Mais qu’est ce qui cloche avec moi ? », se souvient tristement Benoît. C’est à 15 ans qu’il fait son coming out à ses parents. Ces derniers, très catholiques, lui annoncent qu’ils vont « l’aider ». « C’était une volonté bienveillante », assure Benoît.
« Il fallait répondre à une série de questions hyper humiliantes sur sa propre sexualité »
« Un prêtre m’a dit : « Il y a des sessions de guérison des blessures, d’anamnèse, qui pourraient être bonnes. On s’est dit : « Le Seigneur, on lui fait totalement confiance, on sait qu’il nous aime, il va faire de grandes choses pour notre fils. » Pour moi, si on faisait ce qu’il fallait sur le plan spirituel, on pourrait avoir ce changement », se rappelle v-Véronique Berthe, la mère de Benoît.
Pendant ces séjours forcés, Benoît doit s’entretenir avec le « père spirituel ». « Il fallait répondre à une série de questions, parfois hyper humiliantes, sur sa propre sexualité, ses pensées, ce qu’on fait. Du type : « Est-ce que tu te masturbes ? À quoi tu penses quand tu te masturbes ? » Et des réflexions sur ce que c’est l’homosexualité selon eux, en quoi ça va me rendre profondément triste si je reste dans cette inclination. »
On essaie de persuader le jeune homme que l’homosexualité n’est pas naturelle
Là-bas, on essaie de persuader le jeune homme que l’homosexualité n’est pas naturelle, quitte à lui raconter des mensonges. « On m’a dit que les personnes homosexuelles se faisaient souvent recoudre l’anus », se rappelle Benoît. Après ces sessions, la mère de l’adolescent venait souvent lui demander s’il sentait que quelque chose avait changé en lui, s’il « guérissait ». « Ça m’énervait profondément qu’elle pose cette question. Non seulement je n’avais pas de réponse parce que ça m’embêtait qu’elle parle de ça comme d’un problème, mais plus elle m’en parlait, plus je me rendais compte que ça s’affirmait », constate aujourd’hui Benoît.
Le jeune ne réussit à s’extirper de cette situation qu’une fois parti du nid. Il s’installe à Paris et débute des études d’art. « Là, j’ai commencé à réfléchir et à me dire : « Tout ce qu’il se passe là-bas, ça ne me ressemble absolument pas, j’ai l’impression que tout ce qu’ils racontent de l’homosexualité ne correspond absolument pas à la réalité de ce que je vis. » » Pendant quelque temps, malgré son homosexualité, Benoît ressent une sorte d’homophobie intériorisée, conséquence du matraquage idéologique subi pendant les thérapies de conversion. Il décide alors de discuter avec des personnes gays sur Internet pour leur demander « ce que c’est de vivre en étant homosexuel ».
« L’homosexualité est une partie de l’identité, mais ça ne peut pas définir une personne »
« Je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas une seule homosexualité, mais autant d’homosexualités que de personnes homosexuelles. C’est un non-sujet. L’homosexualité est une partie de l’identité, mais ça ne peut pas définir une personne », réalise alors le jeune homme. Aux États-Unis, près de 700.000 personnes auraient subi des thérapies de conversion, selon une étude publiée en 2019 par The Williams Institute. En France, il n’existe aucun chiffre officiel.
Face à cette absence de statistiques, les députés à l’origine de la proposition de loi se sont tournés vers des personnes concernées et des associations pour mieux mesurer l’ampleur du phénomène. « Le Refuge a affirmé à la mission avoir reçu 4,2 % d’appels sur sa ligne téléphonique concernant directement les thérapies de conversion en 2019, soit 9 à 10 appels par mois. Une forte hausse par rapport aux années précédentes », s’inquiète Bastien Lachaud, député LFI et co-rapporteur de la mission parlementaire sur les thérapies de conversion.
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