Comme dans « Last Words », mangerons-nous tous de la nourriture en poudre demain?
Dans un monde ravagé par une pandémie mondiale (qui n’est pas le Covid-19, le film ayant été tourné avant), où il n’y a plus de courant ni d’eau potable, les derniers survivants sont condamnés à manger cette poudre sans saveur pour subvenir à leurs besoins. À cause de l’action de l’homme et des crises climatiques, manger n’est plus devenu qu’un besoin vital; et plus un moment de plaisir pour Shakespeare (Nick Nolte) et Kal (Kalipha Touray, un jeune réfugié gambien), les protagonistes aux côtés de Batlk (Charlotte Rampling).
À l’occasion du 46e festival de Deauville, où le film était en compétition en septembre dernier, le HuffPost a fait converser le réalisateur et Philippe Desbrosses l’un des pionniers de l’agriculture biologique en Europe. Ils ont échangé sur cette crise alimentaire imaginée dans cette dystopie qui -d’après eux- pourrait bien nous arriver, comme vous pouvez le découvrir dans notre vidéo en tête d’article.
“On est déjà en train de manger la mort!”
“Quand j’ai pensé à la nourriture en poudre dans mon film (…) je me suis dit que quelque part quand les gens vont au supermarché pour acheter de la viande et des légumes ils sont déjà en train de manger l’équivalent nutritionnel d’une poudre industrielle: on est déjà en train de manger la mort”, explique le réalisateur dont le film était initialement en lice pour la Palme d’Or en mai dernier, avant que la pandémie mondiale contraigne le Festival de Cannes à annuler sa 73e édition.
“Bien sûr, c’est de la nourriture frelatée qui s’étend très vite”, poursuit Philippe Desbrosses, qui a notamment présidé la Commission nationale du Label AB de 1983 à 2007. D’ailleurs, ils (l’industrie agroalimentaire, ndlr) pensent qu’ils vont pouvoir nourrir la population en créant des poudres, des aliments artificiels. Les scientifiques en ont rêvé à différentes périodes comme dans les années 1930 avec la biologie qui allait transformer l’être humain. On n’a pas tellement retenu la leçon. Quand Héraclite d’Ephèse, 450 av. J.-C. disait: ‘la santé de l’homme est le reflet de la santé de la terre’ il avait tout dit. Mais naturellement tout ça est battu en brèche à l’heure actuelle car il y a des gens qui vendent de l’illusion, du soi-disant plaisir.”
“Un moment d’extinction possible de l’espèce humaine”
Jonathan Nossiter est sensible à ces questions environnementales et alimentaires. En 2004, il avait acquis une renommée internationale avec son documentaire “Mondovino” consacré à l’industrie du vin et plus généralement au monde agricole. Une œuvre qui avait été largement saluée par la critique à l’époque et le film avait même concouru pour la Palme d’Or ainsi qu’un César en 2005.
″À l’origine de ‘Last Words’, il y a la constatation qui me semble évidente qu’on est dans un moment d’extinction possible de l’espèce humaine, que nous sommes dépassés par l’énormité des catastrophes écologiques”, confie le réalisateur-militant. “Si on ne réagit pas de manière radicale dans 100% de ce que nous faisons tous les jours, on peut être sûr que dans 50 ans, on est soit en voie de la disparition ou bien on aura déjà disparu. Ce qui pour les animaux et les plantes ne serait pas si mal…”
Philippe Desbrosses dresse quant à lui un constat sévère sur l’utilisation des pesticides et des OGM ainsi que leurs conséquences durables sur notre agriculture.″Aujourd’hui, on sait que les graines que nous utilisons ne sont plus capables de réguler le sol parce qu’elles n’ont plus les endophytes, elles n’ont plus les écosystèmes microbiens, les microbiotes. Donc c’est fini. On va vers un appauvrissement généralisé définitif”.
“Ce film est un mea-culpa envers les jeunes et j’ai envie qu’ils sachent que ma génération se rend compte de l’impardonnable connerie qu’on a faite et j’espère que ça va les inspirer pour tout repenser”, conclut Jonathan Nossiter qui conserve malgré tout une pointe d’optimisme.
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