Comment Navalny est devenu le principal opposant de Poutine
RUSSIE – Entre arrestations répétées et procès inéquitable, la vie d’opposant de Vladimir Poutine n’est pas de tout repos.
C’est pourtant la vie que mène Alexeï Navalny, considéré comme le principal opposant politique du président russe. Ce jeudi 20 août, il a fait un malaise dans un avion, selon son entourage, ce n’est pas un simple malaise mais un empoisonnement. Il a été placé en réanimation dans un hôpital de Sibérie.
Largement ignoré des médias nationaux, non représenté au parlement et inéligible à cause d’une condamnation pour fraude fiscale qu’il qualifie de politique, il est pourtant la voix la plus audible de l’opposition russe.
Ses émissions diffusées sur YouTube – où il rassemble près de quatre millions d’abonnés – sont très populaires et ses enquêtes sur la corruption des élites rassemblent jusqu’à plusieurs dizaines de millions de vues – notamment de jeunes – sur la plateforme.
L’opposant et le Fonds de lutte contre la corruption (FBK), son organisation créée en 2012, sont régulièrement la cible des autorités. Ces derniers mois, le FBK a écopé de plusieurs amendes, ses locaux ont été perquisitionnés et ses avoirs gelés.
Millions de vues
Pour l’opposant, il s’agissait de représailles pour avoir organisé un mouvement de contestation durant l’été 2019, à l’approche d’élections à Moscou. Ce scrutin s’était soldé par un désaveu pour de nombreux candidats soutenus par le Kremlin.
Plus récemment, Alexeï Navalny a exprimé son soutien au mouvement de protestation de Khabarovsk (Extrême-Orient), où des manifestations quasi-quotidiennes rassemblent des milliers de personnes contre l’arrestation de l’ancien gouverneur, qu’ils considèrent comme une tentative de neutraliser un adversaire du parti au pouvoir Russie Unie.
En 2017 et 2018, l’année de la dernière présidentielle, Alexeï Navalny avait rassemblé des dizaines de milliers de jeunes dans toute la Russie. Avec son organisation, il s’appuie sur cette population, point faible de l’électorat de Poutine et du parti au pouvoir, qu’il appelle “parti des voleurs et des escrocs”.
Alexeï Navalny multiplie les coups d’éclat en s’en prenant aux plus intouchables: il porte plainte contre le procureur général louri Tchaïka, puis contre Vladimir Poutine, fait sur son blog des révélations sur le patrimoine caché de proches du pouvoir, qu’il accuse de corruption.
Passé par le parti d’opposition libéral Iabloko d’où il a été exclu en 2007 pour ses prises de position nationalistes, il n’a eu de cesse de contester la légitimité de Vladimir Poutine.
Dès 2007, l’avocat a ferraillé avec le gouvernement en achetant des actions dans des groupes semi-publics comme Rosneft et Gazprom : arguant de son statut d’actionnaire, il exigeait la transparence des comptes.
Mais c’est seulement lors des législatives de décembre 2011, qui déclenchent une vague de contestation sans précédent, qu’Alexeï Navalny a gagné en notoriété, grâce à son charisme et à la virulence de ses prises de parole anti-Kremlin.
En septembre 2013, il obtient son premier succès électoral aux municipales de Moscou, créant la surprise en arrivant deuxième avec 27%, juste derrière le maire sortant, ce qui le conforte en tant que figure de proue de l’opposition.
Exclu des élections
Alexeï Navalny a aussi participé au début de sa carrière politique à des rassemblements aux relents racistes tels que la Marche russe, avant de gommer les tonalités nationalistes de ses positions.
Depuis 2013, ce père de deux enfants a été condamné à des peines de prison avec sursis pour deux affaires de détournement de fonds qu’il juge politiques et qui lui valent d’être déclaré inéligible jusqu’en 2028.
Il a multiplié les courts séjours en rétention administrative pour infraction à la législation sur les manifestations, et les condamnations dans des affaires qu’il rejette systématiquement comme motivées politiquement, impliquant également son frère Oleg, emprisonné pour trois ans et demi.
Il a toujours assuré que rien ne viendrait enrayer sa motivation, même les menaces pesant sur sa sécurité et sa famille.
“Je fais de la politique depuis longtemps, je suis souvent arrêté (…), c’est simplement une partie de la vie”, relativise-t-il. “Je fais le travail que je préfère, les gens me soutiennent, j’ai de nombreux partisans. Qu’est-ce qui peut rendre un homme plus heureux ?”
À voir également sur Le HuffPost: Au Bélarus, même la chaîne d’État se met en grève et filme son plateau vide
Laisser un commentaire