Covid-19 : pourquoi le décompte des morts est à prendre avec prudence
Covid-19 : le difficile décompte des décès
La remontée à Santé publique France ne se fait pas toujours facilement car le dispositif actuel a été mis en place au moment de l’épidémie. Décryptage.
28.000. C’est le nombre de décès causés par l’épidémie de Covid-19 en France, selon le dernier bilan officiel. Mais ce chiffre est à prendre avec prudence. « Dans la plupart des pays, il n’y avait pas de système qui permettait une remontée de données chaque jour. Des systèmes ont été mis en place dans l’urgence », explique Arianna Caporali, ingénieure de recherche à l’Ined.
« La remontée ne se fait pas toujours facilement parce que ce dispositif a été mis en place au moment de l’épidémie »
En France, le Si-vic (pour « Système d’informations pour le suivi des victimes d’attentats et des situations sanitaires exceptionnelles »), instauré à la suite des attentats de 2015, comptabilise chaque jour les morts à l’hôpital. Depuis fin mars 2020, les Ehpad recensent eux aussi les morts au quotidien. Toutefois, ce chiffre est imprécis, car les Ehpad n’ont pas systématiquement testé leurs résidents décédés.
« La remontée à Santé publique France ne se fait pas toujours facilement parce que ce dispositif a été mis en place au moment de l’épidémie, analyse Gilles Pison, démographe et chercheur à l’Ined. C’est la première fois qu’on demande aux maisons de retraite de délivrer régulièrement des statistiques, de signaler les décès dans leurs établissements, et en particulier ceux suspects de Covid-19. Peut-être que certains établissements n’ont pas encore communiqué, ou communiquent difficilement. Ça peut être source de sous-dénombrement. »
« Ce nommbre est peut-être sous-estimé parce que n’y figurent pas les décès par Covid-19 ayant eu lieu à domicile»
Par ailleurs, le décompte au jour le jour ne recense pas les morts à domicile. « Il repose sur le décompte des morts à l’hôpital et en maison de retraite. Alors, il est peut-être sous-estimé parce que n’y figurent pas les décès par Covid-19 ayant eu lieu à domicile. Et en général, en France, le quart des décès ont lieu à domicile », précise Gilles Pison.
Ces décès peuvent apparaître dans le bilan global avec du retard. « Il peut y avoir des à-coups dans les statistiques et dans les décomptes journaliers, et des rattrapages les jours suivants. Ce qu’on observe, souvent, pendant les week-ends et tout de suite après les week-ends, ce sont des creux et des remontées », note Arianna Caporali.
Le décompte de l’Insee concerne tous les morts, quelle que soit la cause
Cependant, il existe une autre source d’informations : l’état civil. Quand une personne meurt, dans les 24 heures, la famille doit déclarer le décès à la mairie. L’officier de l’état civil remplit un bulletin de décès envoyé à l’Insee, et l’Insee est chargé d’exploiter les bulletins de décès pour produire un décompte des morts.
Ainsi, en mars et avril 2020, l’Insee compte environ 24.000 morts supplémentaires par rapport à la même période en 2019. « L’avantage de ce décompte, c’est qu’il est complet. Mais la limite, c’est qu’il concerne tous les morts, quelle que soit la cause », indique Gilles Pison.
La hausse du taux de mortalité ne peut pas être reliée de façon certaine à l’épidémie
La surmortalité est supérieure dans les départements fortement touchés par l’épidémie. Pourtant, la hausse du taux de mortalité ne peut pas être reliée de façon certaine à l’épidémie de Covid-19. L’épidémie et le confinement ont en effet conduit à des décès indirects liés aux violences conjugales, à la surcharge des services de réanimation et à la baisse des consultations chez le médecin.
« Il faudra de toute façon attendre plusieurs mois pour pouvoir dresser un bilan des morts par Covid-19, prévient Gilles Pison. De toute façon, même dans plusieurs mois, il y aura toujours une certaine imprécision. Il ne faut pas se leurrer : on ne saura jamais, exactement, combien de personnes sont mortes du Covid-19. »
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