De Le Pen à Zemmour, cette autre raison qui explique les ralliements et tentations
Ces derniers jours, les regards se tournent avec insistance vers Marseille, où le sénateur Stéphane Ravier, soupçonné de vouloir rejoindre le polémiste, est en guerre ouverte avec la direction du parti. En cause, le parrainage accordé à Eric Zemmour par une élue du groupe RN à la mairie de Marseille, Sophie Grech, provoquant l’exclusion du parti de l’intéressée et une scission du groupe présidé par Stéphane Ravier, qui refuse de s’en séparer malgré les consignes du RN.
Ce mardi 8 février, au lendemain d’une réunion infructueuse avec le président par intérim Jordan Bardella, l’élu marseillais a remis une pièce dans la machine, dénonçant un “coup de couteau dans le dos” et les “oukases” édictés depuis Paris. Il va même jusqu’à parler “d’assassinat politique”.
Je vous donne rendez-vous jeudi à 19 h à ma permanence au 66 rue Centrale (13e) pour vous expliquer les détails du coup de couteau dans le dos qui nous a été planté par Paris.
Vous avez toujours pu compter sur moi, aujourd’hui c’est moi qui ai besoin de vous !
Marseille d’abord ! pic.twitter.com/7syhaMmiha— Stéphane Ravier (@Stephane_Ravier) February 8, 2022
Un refrain qui fait écho à la musique portant sur la management “brutal” qui sévirait au RN, et qui explique selon certains, la vague de départs vers les rangs de Reconquête!. Dès les premiers ralliements, d’anciens membres du Front national, à l’instar de l’essayiste d’extrême droite Julien Rochedy, expliquaient que le parti à la flamme payait, au-delà des divergences éventuelles sur les orientations politiques, le fonctionnement corseté du parti lepéniste.
“C’est simple: sauf à appartenir directement au clan qui dirige le RN depuis des années, ou rester très loin en province, être au RN est invivable”, affirme sur Twitter l’ancien président du Front national de la jeunesse, citant des phénomènes de purges (dont Le HuffPost vous avez déjà parlé), la “surveillance généralisée” ou encore le “sectarisme” qui régneraient dans les rangs du RN.
“Une alternative crédible”
Un tableau noir que confirment plusieurs cadres passés chez Éric Zemmour, ou qui envisagent de le faire, à l’image sur Twitter d’Antoine Mellies, ex-RN proche de Marion Maréchal sanctionné par le parti à l’été 2020, rallié à l’essayiste. “Franchement, je revis chez Reconquête!. Alors oui, les échanges avec Sarah Knafo peuvent être francs, directs, même durs quand on a des divergences. Mais jamais on ne va m’accuser de trahison ni d’avoir pris le melon. On va, au contraire, tout faire pour se comprendre, s’écouter et avancer. C’est frais et sain, à mille lieux de ce que j’ai connu au FN”, affirme au HuffPost un ancien cadre et élu lepéniste fraîchement recruté par l’ancien journaliste. Et assure: “je suis loin d’être le seul à penser ça”.
Au RN, un responsable admet “qu’il y a beaucoup de gens malintentionnés et désabusés par la gestion erratique du parti”, jugé trop rigide et alimentant nombre de rancœurs. D’autant qu’Éric Zemmour, “qui a mis fin en 4 mois à 40 ans de monopole des Le Pen sur l’extrême droite française”, constitue “une alternative crédible” pour ces déçus du lepénisme: “85.000 adhérents, c’est du délire”.
Un exemple récent illustre le malaise ressenti en interne. Plusieurs responsables, y compris des élus capés, ont découvert au hasard d’un article dans Le Monde portant sur l’étonnante rencontre entre Marine Le Pen et Rachel Kahn, que le parti à la flamme avait changé de doctrine sur la double-nationalité. “Autour de moi, personne n’était au courant dans le parti. C’est vraiment sympa”, ironisait, amer, un élu RN le jour de la publication de cet article, alors que ce virage a été opéré à la rentrée par Marine Le Pen sans que, visiblement, le gros des troupes ne s’en aperçoive.
“Errances humaines”
Jérôme Rivière, ancien patron des élus RN au Parlement européen, a d’ailleurs cité ce changement doctrinal parmi les raisons expliquant son ralliement à Éric Zemmour, et ce même si ce dernier ne prône aucunement la suppression de la binationalité. Un prétexte un peu court donc, mais qui entretient l’image d’un parti politique fonctionnant de façon opaque, au gré du petit cercle entourant la candidate. Ce qui ne manque pas d’irriter du côté de l’état major du RN.
“Peut-être que des fautes ont été commises, probablement, comme dans toute communauté humaine”, admet Philippe Olivier, conseiller spécial de Marine Le Pen, tout en niant que des problèmes de management puissent provoquer une vague de départs au profit de Renconquête!. “Tous ces gens se réveillent et donnent des leçons. Mais Gilbert Collard n’est venu qu’une fois en deux ans au Parlement européen. Antoine Mellies pense qu’il n’a pas été reconnu à sa juste valeur, alors qu’il avait fait de sa fédération une poubelle en raison de son tempérament caractériel”, cingle l’eurodéputé, qui assure que ces départs “ne sèment pas du tout le doute” au sein des troupes lepénistes.
Ce très proche de la candidate préfère y voir le résultat d’une équation purement politique. “Finalement, ils retrouvent leurs premières amours aux côtés d’un candidat qui attire toutes les petites chapelles de l’extrême droite: Jérôme Rivière revient au MPF avec Philippe de Villiers et Guillaume Peltier, Damien Rieu retourne à ses préoccupations identitaires, les païens avec Jean-Yves Le Gallou et l’ingérable Gilbert Collard la surenchère radicale, la provocation”, analyse-t-il, à rebours de la thèse voulant que le fonctionnement de la formation lepéniste pousse certains militants, cadres et élus à se jeter dans les bras d’Éric Zemmour.
Un constat que ne partage pas un nouveau rallié au polémiste, qui prophétise, un brin revanchard” le martyr” que devrait vivre Marine Le Pen dans les quinze prochains jours. D’autant qu’au delà de Stéphane Ravier, l’eurodéputé Nicolas Bay fait également partie de ceux qui sont régulièrement désignés comme proches de basculer en faveur d’Éric Zemmour.
Ce qui n’est pas un hasard, puisque les deux ont en commun le fait d’avoir été relégués des instances dirigeantes du parti: l’élu marseillais n’a pas été nommé Bureau exécutif du RN quand l’eurodéputé a perdu son siège à la commission d’investiture et sa fonction de chef du groupe RN au Parlement européen. Une gestion RH aux conséquences désastreuses pour Marine Le Pen? Un ex-RN ayant rejoint Éric Zemmour est en persuadé: “Marine ne va pas attendre le mois de mars et vendredi saint pour subir son Golgotha. La facture de toutes ses errances humaines arrive. Et elle va être salée”.
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