Dépendance, il est urgent d’agir
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Enfin ! Le Parlement a acté cet été la création d’une cinquième branche de la Sécurité sociale, consacrée à la perte d’autonomie pour les personnes âgées et les personnes handicapées, qui se trouve ainsi reconnue comme un risque social à part entière.
La population hexagonale vieillit : les plus de 80 ans étaient 3,2 millions en 2008 (5 % de la population), ils sont aujourd’hui 4 millions (6 %) et leur nombre devrait continuer à croître fortement à partir de la fin des années 2020, pour représenter 8 % de la population en 2030 et 11 % en 2050.
Vieillir n’est certes pas une maladie et, même après 85 ans, une grande partie des personnes âgées est autonome. En 2015, on estimait à 2,5 millions le nombre de plus de 60 ans en perte d’autonomie, ce qui peut aller de la difficulté à effectuer quelques actes de la vie quotidienne à une incapacité. Pourtant, malgré les progrès de la médecine, le nombre de personnes en perte d’autonomie ira croissant. Le défi de la dépendance est devant nous.
Ce défi doit être relevé d’autant plus vite que le modèle actuel est, selon l’expression consacrée, à bout de souffle. Si le nombre d’Ehpad a augmenté depuis dix ans (de 500 000 à 600 000 places), les professionnels sont insuffisamment formés pour faire face à la perte d’autonomie et le reste à charge est élevé, 1 800 euros en moyenne.
Aide sociale : de fortes disparités locales
Les départements aident les personnes âgées principalement avec l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et l’aide sociale à l’hébergement (ASH). Or, ces dépenses varient en moyenne du simple au double selon les territoires.
Ces disparités sont dues à plusieurs facteurs : outre la prévalence de la dépendance, qui diffère d’un département à l’autre, elles s’expliquent par des situations socio-économiques distinctes (plus les personnes sont modestes, plus elles peuvent prétendre à l’ASH), mais aussi par l’appréciation différente de la perte d’autonomie d’un territoire à l’autre, tout comme par le nombre de places d’hébergement. Ces deux derniers facteurs sont sources d’inégalités.
De plus, les personnes âgées souhaitent souvent vieillir chez elles. Or, de ce côté, la situation actuelle n’est pas plus satisfaisante : le secteur de l’aide à domicile souffre. Les conditions de travail sont exécrables, ce dont témoignent les difficultés de recrutement, le taux d’absentéisme et les accidents du travail.
Des métiers féminisés et précarisés
Les professions du soin aux personnes âgées dépendantes sont quasi exclusivement féminines, et les femmes immigrées ou descendantes d’immigrés y sont surreprésentées. En découle une sous-valorisation monétaire de leur travail. Leurs compétences sont naturalisées, considérées non pour ce qu’elles sont mais comme des qualités « naturelles ».
Ces métiers impliquent aussi des horaires atypiques et un fort temps partiel. La loi de 2013 sur la sécurisation de l’emploi, qui fixe un minimum légal de 24 heures pour le temps partiel et avait pour objet de remédier au « petit temps partiel » qui n’ouvre pas de droits sociaux (indemnités journalières en cas de maladie, indemnités chômage, formation, retraite…), n’a pas eu l’effet escompté, car elle était assortie de nombreuses possibilités de dérogation. Ces métiers doivent donc être revalorisés d’urgence, d’autant plus que les besoins de recrutement vont aller croissant.
L’implication de l’entourage
Enfin, les proches aidants, entre huit et onze millions de personnes, sont insuffisamment soutenus. Leur travail informel est pourtant évalué entre 7 et 18 milliards d’euros.
En 2015, 60 % des aidants (non professionnels) sont des femmes. La proportion de femmes aidantes est d’autant plus élevée que le lien de parenté est faible. De même, plus la distance géographique est élevée, plus l’aidant est une aidante. Cette situation s’explique par la division genrée du travail entre fils et filles dans les fratries mixtes et de l’existence de belles-filles plus impliquées dans l’aide que les gendres, plus souvent enclins à participer aux frais.
Quel financement ?
Le financement de la dépendance est l’un des enjeux à trancher dans les mois et années qui viennent. La création d’un cinquième risque de la Sécurité sociale a été actée l’été dernier et plusieurs pistes de financement ont été proposées dans le rapport Vachey remis mi-septembre.
Le gouvernement a promis 1 milliard d’euros supplémentaire dès 2021, auquel pourrait contribuer le Fonds de réserve pour les retraites. Doivent s’y ajouter 2,3 milliards d’euros à partir de 2024, venus de la CSG. Mais cela sera trop peu pour répondre aux besoins, chiffrés à 6,2 milliards par an d’ici à 2024 et 9,2 milliards d’ici à 2030 dans le rapport Libault de 2019.
Dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, le budget de la Sécu, aucune recette supplémentaire n’est prévue, mais un redéploiement de deux points de CSG (28 milliards d’euros) affectés jusque-là à la branche maladie qui voit son périmètre redéfini.
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