Depuis la mort de Samuel Paty, où sont les Français? – BLOG
Combien sommes-nous? Quelques centaines? Quelques -petits- milliers? À peine. Pas assez.
Qui sommes-nous? Essentiellement des enseignants. Pour beaucoup reconnaissables à ces masques fournis par le ministère et qui font ces derniers temps polémiques. Les conversations nous trahissent. L’absence de présence policière aussi: dans les défilés interprofessionnels, les enseignants ferment souvent la marche. Cela sécurise la fin de la manifestation. On sait qu’aucun débordement n’est à craindre avec eux. Ici non plus: C’est bien un rassemblement de profs.
Nous marchons quelques centaines de mètres. Les syndicats présents sont dans la retenue. Invisibles. Pas de banderole. Une prise de parole très sobre pour appeler à disperser le rassemblement. Un peu d’hésitation. Chacun repart, un peu groggy. C’est tout?
En pleine crise sanitaire, personne n’attendait la foule de 2015. Mais quand même. Où sont les Français? Ailleurs peut-être? Dans d’autres villes?
Rassemblements modestes
Sur une chaîne d’info, un commentateur fait semblant d’y croire, jurant qu’il n’a jamais vu autant de monde place de la République. Le mensonge pourrait presque être touchant si cet homme n’avait derrière lui une grande carrière de journaliste politique…
Les politiques, justement… Eux sont présents. Bien sûr. Dans les rassemblements, attentifs à leur placement devant les caméras. Sur les réseaux sociaux et les plateaux, reprenant en boucle les éléments de langage attendus… Ceux qui porteront leurs fruits, faisant vivre l’opposition ou relançant opportunément une stratégie électorale établie bien avant le drame: “République”, “laïcité” sont un peu occultées par le “séparatisme” répété inlassablement.
Les dérapages se succèdent, les amalgames aussi, jusqu’aux plus hautes fonctions de l’état… quand l’heure est à l’hommage, la polémique n’est pas permise, il faut en profiter.
Les jours suivants, de petits rassemblements se succèdent. Un peu partout, même si les images, étroitement cadrées ne parviennent pas à masquer la faible participation.
La mort d’un enseignant est-elle moins choquante que celle de ceux de Charlie?
Le 21 octobre, lors de l’hommage national dans la cour de la Sorbonne, après les mots de l’ami, ceux de Camus et Jaurès, voici Samuel Paty au-delà des décorations officielles accordées à titre posthume, devenu “héros tranquille” de la République. Comme si ce nouveau titre pouvait faire oublier qu’il est avant tout victime, et que la République, malgré les alertes, n’a pas su le protéger.
Cela n’a besoin de rien, un héros.
Seuls les riffs de The Edge et la voix de Bono nous auront rattachés à Samuel Paty. Quelques notes partagées, pour avoir enfin le sentiment d’être rassemblés… alors qu’il n’en est rien.
Car là encore, où sont les Français? Dans les transports, de retour du travail. À la maison, peut-être devant la télévision. Téléspectateur déconnecté. Vous rappelez-vous de ces minutes de silence qui avaient figé la France entière en janvier et novembre 2015?
Où est cette ferveur citoyenne?
“Je suis Charlie”, “Je suis Paris”… Mais là, le seul “Je suis” qui vienne à l’esprit, c’est celui de Bigflo et Oli. Ce titre qui ramène la France à une somme de souffrances, d’histoires douloureuses, mais aussi de rancœurs, d’oppositions et d’égoïsmes: une somme d’individualités. Et ce que ces deux gamins ont su si bien percevoir et mettre en mots prend forme dans cette absence de réaction populaire, dans cet hommage par délégation.
La minute de silence nationale a eu lieu, dans les établissements scolaires. Hommage cadré et encadré de l’école à l’un des siens. Sans la population qu’elle est censée servir… Un simple prof..
À voir également sur Le HuffPost: Hommage national à Samuel Paty: l’intégralité de la cérémonie
Laisser un commentaire