Emmanuel Macron et la démocratie: une relation contrariée
Le candidat de 2017 appelait à une “révolution démocratique”. Le président a endossé le costume d’un chef de l’État qui ne recule devant aucun arrangement avec ses principes pour arriver à ses fins.
Retour en juin 2017. La campagne présidentielle est marquée par les révélations sur les emplois fictifs du couple Fillon. Le candidat Macron s’indigne, promet d’améliorer la confiance entre les Français et leurs représentants. La création de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique par François Hollande est une première brique, qui a indirectement permis à “l’affaire Fillon” d’éclater.
Le “nouveau monde”, promis par Emmanuel Macron, renoue en réalité avec des pratiques vieilles comme le monde. Un exercice solitaire du pouvoir, sans rendre compte de son action.Patrick Kanner, président du Groupe Socialiste et Républicain au Sénat
Le socle est posé. Emmanuel Macron peut entamer l’un des premiers chantiers de son quinquennat: le renforcement de la confiance dans la vie politique. François Bayrou, éphémère garde des Sceaux, est chargé de mener à bien cette réforme. Sa démission, sous la pression de la justice, n’a pas empêché le travail parlementaire d’aboutir: la loi de confiance dans la vie politique est promulguée en septembre 2017. Hélas, ni le président de la République, ni sa majorité parlementaire ne lui ont permis de tenir ses engagements en matière de lutte contre les conflits d’intérêts. Emmanuel Macron est resté au milieu du gué, inaugurant ainsi une longue liste de promesses non tenues.
De bonnes intentions abandonnées
Au début de son mandat, le chef de l’État a montré un certain empressement pour tisser une relation particulière avec la représentation nationale. Ses bonnes intentions se sont rapidement fracassées sur la réalité d’un exercice du pouvoir solitaire.
Qu’est devenue la promesse d’une présentation de son bilan national et européen une fois par an devant le Parlement réuni en Congrès? Elle a été abandonnée dès 2018. Or, les temps difficiles que nous venons de traverser, que nous traversons encore auraient mérité un dialogue constant avec les représentants de la Nation.
Lors de sa dernière déclaration devant le Congrès, réuni à Versailles le 9 juillet 2018, le président de la République s’est engagé à ce que les relations entre le gouvernement et le Parlement soient marquées par “un esprit de dialogue et d’écoute”. Pas même un vœu pieux, une déclaration mensongère. À cette promesse, se sont succédées: “l’affaire Benalla” qui a vu une Assemblée nationale muselée et un Sénat s’affirmer en contre-pouvoir indispensable; l’explosion du recours aux ordonnances qui ne saurait s’expliquer uniquement par la crise sanitaire ou encore une majorité parlementaire aux ordres qui n’a pas su, ou n’a pas pu, exister face à l’exécutif.
Enjamber la représentation nationale et les corps intermédiaires ne peut pas être une méthode de gouvernement satisfaisante.Patrick Kanner, président du Groupe Socialiste et Républicain au Sénat
Les thuriféraires du président diront que cette discipline est la conséquence d’un pouvoir fort et stable, condition nécessaire à la bonne gouvernance de notre pays. Je me borne à constater que cette stabilité est toute relative avec un groupe La République en marche qui est passé de 314 députés en début de législature à 267 aujourd’hui. Plus que de stabilité, il s’agit là de rigidité, avec comme conséquence dommageable pour notre pays une non-anticipation des crises.
Le “Nouveau Monde” promis n’en est pas un
Enjamber la représentation nationale et les corps intermédiaires ne peut pas être une méthode de gouvernement satisfaisante. Les perspectives économiques et sociales des prochains mois nous obligent, au contraire, à travailler avec l’ensemble des acteurs de notre pays, comme le suggère à juste titre Anne Hidalgo.
La révolution des principes démocratiques n’a pas eu lieu. Qu’en est-il de celle des pratiques? Aucune. Voire un retour en arrière. Si ce quinquennat avait mal commencé, comme on l’a vu plus haut, avec la démission des ministres MoDem en 2017, le chef de l’État s’est distingué par sa rupture avec la jurisprudence Balladur. Pratique qui voulait qu’un ministre mis en examen démissionne. Pour Alain Griset, ministre des PME, il aura fallu attendre sa condamnation.
Le “nouveau monde”, promis par Emmanuel Macron, renoue en réalité avec des pratiques vieilles comme le monde. Un exercice solitaire du pouvoir, sans rendre compte de son action, ni auprès des Français ni auprès de leurs représentants. Une pratique qui aggrave le sentiment de “tous pourris” que peut ressentir une partie de nos concitoyens à l’endroit de leurs élus. Quand, à la veille de l’élection présidentielle, les deux candidats d’extrême droite séduisent près de 30% des Français, que l’abstention pourrait également s’élever à 30%, et parce qu’une démocratie apaisée repose avant tout sur un rapport de confiance, la question de la responsabilité personnelle d’Emmanuel Macron doit être posée.
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