Évacuation des Jardins d’Éole: à Pantin, la construction d’un mur provoque l’indignation
Fortement encadrée par la police, l’évacuation s’est déroulée dans le calme et s’est achevée vers 11h30. Une cinquantaine de toxicomanes ont été transportés en cars vers le nord-est parisien, à la lisière d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).
L’opération a été menée par la préfecture de police (PP) sur instruction du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. “Nous avons pris nos responsabilités (…) On ne peut pas avoir un discours pour légitimer la consommation de drogue”, a déclaré Gérald Darmanin au micro de BFM Paris.
Un mur de “la honte”
Un tunnel sépare Paris de Pantin à cet endroit. Pour empêcher que les consommateurs de crack ne l’empruntent pour aller en Seine-Saint-Denis, un double mur en parpaings était en cours de construction vendredi 24 septembre dans l’après-midi.
Bertrand Kern a affirmé que c’était le préfet de police de Paris, Didier Lallement qui l’avait décidé. Ce qui a été confirmé de source policière. On a fait valoir, de même source, qu’outre la nécessité de bloquer cet accès direct à Pantin, il s’agissait aussi de sécuriser le tunnel.
“Je n’ai même pas de mots pour qualifier cet acte, a déclaré Anne Sourys, adjointe EELV à la Mairie de Paris, en charge de la Santé publique, également sur BFMTV. Le fait de transférer dans des bus des usagers de drogues, donc des malades, pas pour les mettre à l’abri, pas pour les soigner, non! Mais pour les parquer dans un endroit où on mure l’espace qui les sépare des habitants. Est-ce que c’est digne d’une démocratie?”
“L’image de ce mur est choquante, ça nous fait penser au mur de Berlin, s’est également exprimée Ling Lenzi, adjointe au maire d’Aubervilliers en charge de la sécurité. C’est inadmissible. C’est une honte pour la France.”
Déplacer le problème “au-delà du périphérique”
En milieu d’après-midi, le maire PS de Pantin, Bertrand Kern, s’était ému de l’arrivée des toxicomanes près de sa commune. “Je suis furieux car la maire d’Aubervilliers et moi-même avons été mis devant le fait accompli”, a-t-il dit à l’AFP. “On vient rajouter 150 crackeux aux Quatre chemins, qui est déjà une poche de misère”.
La maire d’Aubervilliers Karine Franklet (UDI), s’est elle aussi indignée de cette décision. “Je suis très en colère que Mme Hidalgo et le gouvernement prennent la Seine-Saint-Denis pour une poubelle, rejetant les problèmes au-delà du périphérique”, a-t-elle déclaré sur BFMTV.
Le président du département de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, “n’accepte pas la méthode choisie qui consiste à simplement déplacer le problème aux portes de la Seine-Saint-Denis!”.
Le député de Seine-Saint-Denis Bastien Lachaud (LFI) s’est immédiatement saisi du sujet en proposant aux élus “d’interpeller ensemble l’État et la ville de Paris”.
Dans une lettre qui leur est adressée et que l’élu a postée sur Twitter, il s’indigne aussi: “Placer un tel lieu porte de la Villette, c’est déchirer un peu plus encore un tissu urbain et social déjà abimé par la précarité, le mal-logement, l’insécurité. Ce n’est pas acceptable.”
Passe d’armes entre Paris et Beauvau
Engagé depuis plusieurs mois dans une passe d’armes avec Beauvau, la mairie de Paris a regretté d’avoir été mise devant le fait accompli, tout en saluant cette décision, qui soulage les habitants du quartier.
“J’ai eu la maire de Paris il y a 48 heures” a répondu Gérald Darmanin, en affirmant qu’Anne Hidalgo (PS) avait demandé à la préfecture l’évacuation des abords des jardins d’Éole.
Depuis le 30 juin et l’évacuation, décidée par Anne Hidalgo, des toxicomanes de l’intérieur des jardins d’Éole s’étaient regroupés en bordure nord du parc, au coin des rues Riquet et d’Aubervilliers.
Dans des conditions précaires, un petit campement de vendeurs et d’accros au crack – dérivé fumable, bon marché et très addictif de la cocaïne – s’est ainsi constitué à ciel ouvert, entraînant dégradation de l’espace public et fortes nuisances pour les habitants.
Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie de Paris, a souligné le “risque réel” que cette évacuation ne fasse que “déplacer le problème”.
“Nous aurions préféré une évacuation mieux coordonnée avec mise à l’abri de type ‘prise en charge humanitaire’. D’ailleurs nous demandons une réunion urgente des pouvoirs publics compétents (PP, mairie de Paris, préfecture de région, Agence régionale de santé, NDLR) pour faire en sorte que le déplacement de la scène ne reconstitue pas une ‘colline du crack’ ailleurs”, a-t-il ajouté.
Même constat chez Mounir Mahjoubi, député de Paris 19e. “Sans vraie coordination, nous ne pouvons pas lutter efficacement contre le crack”, a-t-il publié sur Twitter, appelant Jean Castex à “nommer un médiateur national chargé de coordonner l’action de la ville et des services de l’État.”
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