Guerre en Ukraine: comme Marioupol, Kharkiv serait une prise symbolique
Plus de quatre semaines où les familles se serrent dans les couloirs du métro, seul endroit à l’abri des bombes, où les hôpitaux ne désemplissent plus, et où les bâtiments civils s’effondrent les uns après les autres. Une ville martyre, à l’image de Marioupol, dont elle partage l’aspect stratégique et le destin tragique.
Martyre à travers l’Histoire
Car l’ancienne capitale de l’Ukraine soviétique est un objectif de choix pour les troupes du Kremlin. Située à une trentaine de kilomètres seulement de la frontière russe, tout près de Belgorod et de Koursk, et juste au nord des autoproclamées Républiques pro-russes de Lougansk et Donetsk, elle aurait pu être un camp de base majeur pour l’armée de Moscou. Mais la métropole d′1,5 million d’habitants n’est désormais plus qu’un vaste champ de ruine déserté par ceux qui y vivaient.
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Un lieu où le récit que veut marteler Vladimir Poutine peut donc être exacerbé. Face au pouvoir ukrainien, dont il assure qu’il est composé de “nazis” et de “drogués”, le maître du Kremlin veut faire apparaître ses troupes comme des libérateurs. En clair, rejouer la séquence du Russe triomphant qui viendrait sauver les habitants de Kharkiv de la barbarie et de la souffrance. Et de manière plus prosaïque, permettre au président de servir sa vision selon laquelle les frontières russes ont été rognées par des machinations occidentales et des nationales ukrainiens dévoyés.
Au cœur de la vision de Poutine
D’autant qu’un épisode plus récent aurait pu appuyer ce possible sentiment favorable à Moscou. Car en 2014, alors que les pro-russes avaient tenté de déclarer une République autonome et favorable à Vladimir Poutine, la répression du pouvoir de Kiev avait été rapide et violente. La conséquence de longues tensions entre les pro-russes attachés au président Viktor Ianoukovitch et les opposants favorables à un rapprochement avec l’Europe.
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Et si l’on dit “tenter”, c’est parce qu’en dépit de sa déjà longue résistance, la ville était loin d’être la mieux armée pour lutter contre une armée organisée. Historiquement, si elle est la capitale économique de l’Ukraine, Kharkiv est surtout connue comme une ville d’artistes, de penseurs et d’universitaires, lieu de naissance de grands poètes et de prix Nobel. Un endroit où les musées et les théâtres sont plus nombreux que les casernes, mais qui est devenue le cœur de la résistance ukrainienne sur le front de l’Est, comme Marioupol au sud du pays.
Une prise qui serait symbolique
Ainsi, après une brève prise de contrôle de la ville dans les premiers jours du conflit, fin février, les Russes en ont été chassés rapidement par les forces ukrainiennes. L’un des nombreux revers subis par les troupes de Moscou, qui n’avaient imaginé cette invasion qu’avec des gains rapides sur le terrain et une prise de contrôle progressive de toutes les grandes villes.
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Si Kharkiv venait à céder, là encore comme Marioupol, la Russie aurait enfin une victoire symbolique à mettre en avant, pourrait désengager des troupes pour les mobiliser ailleurs et attiserait sans doute le sentiment pro-russe qui habite ces régions frontalières de l’Est du pays. Car de la même manière qu’elle butte sur Kharkiv, l’armée russe est en difficulté plus au sud, dans le Donbass, là où la population était pourtant censée être largement favorable à un rapprochement avec Moscou. Ce qui ne se confirme pas militairement, les troupes ukrainiennes faisant même reculer son adversaire en plusieurs points.
Ainsi, la prise de Kharkiv, même largement détruite, pourrait peser dans les négociations qui ont repris ce lundi 28 mars. Chaque grande ville conquise sera en effet une raison supplémentaire pour exiger d’intégrer des territoires ukrainiens au sien. Une raison de plus pour les Ukrainiens de continuer à lutter.
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