Guerre en Ukraine: échec des pourparlers en Turquie, le point sur la situation
Situation sur le terrain
Le Kremlin a d’abord indiqué qu’il allait interroger son armée sur le bombardement d’une maternité de la ville ukrainienne assiégée de Marioupol. Plus tard dans la journée, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a justifié le bombardement de la maternité dont le bâtiment servait selon lui de base à un bataillon nationaliste.
“Cette maternité a été reprise depuis longtemps par le bataillon Azov et d’autres radicaux, et toutes les femmes en couches, toutes les infirmières et tout le personnel de soutien ont été mis à la porte”, a assuré Sergueï Lavrov à l’issue de pourparlers avec son homologue ukrainien en Turquie.
Trois personnes, dont un enfant, ont été tuées dans le bombardement d’un hôpital pédiatrique et d’une maternité à Marioupol (sud-est de l’Ukraine) mercredi, selon la mairie de cette ville portuaire, prise en étau entre l’armée russe et les forces séparatistes prorusses du Donbass ukrainien. L’attaque contre l’hôpital a provoqué l’indignation des autorités ukrainiennes et occidentales.
Selon l’État major ukrainien, les forces russes poursuivent leur “opération offensive” pour encercler Kiev, tout en attaquant sur d’autres fronts les villes d’Izioum, de Petrovske, de Hrouchouvakha, de Soumy, d’Okhtyrka, ou dans les régions de Donetsk et Zaparojie.
Au nord de Kiev, des soldats tenaient jeudi matin des checkpoints et creusaient des tranchées, par -9°C. Au nord-est, des panaches de fumée s’élevaient au-dessus de Skybyn, à moins d’un kilomètre de Kiev, a constaté un journaliste de l’AFP. La route était coupée et les soldats prévenaient que des tirs d’artillerie pouvaient débuter à tout moment.
Selon Vadym Denysenko, porte-parole du ministère ukrainien de l’Intérieur, les forces ukrainiennes ont détruit cinq chars russes dans une contre-offensive dans les faubourgs de l’ouest de Kiev.
Deux femmes et un garçon de 13 ans ont été tués lors d’un bombardement nocturne à Velyka Pysarivka, a indiqué le chef de l’administration militaire de la région de Soumy (nord-est), Dmytro Jivitsky. Dans la région de Jytomyr (ouest de Kiev), sept personnes ont été tuées dans la nuit, dont cinq dans le tir d’un missile sur une route, selon la police nationale.
La moitié de la population de l’agglomération de Kiev a fui depuis le début de l’invasion russe en Ukraine le 24 février, a annoncé jeudi le maire de la capitale ukrainienne Vitali Klitschko. “D’après nos informations, un habitant de Kiev sur deux a quitté la ville. Aujourd’hui, un peu moins de deux millions d’habitants s’y trouvent”, a-t-il déclaré à la télévision ukrainienne.
“Cependant, Kiev s’est transformée en forteresse”, a martelé Vitali Klitschko, au quinzième jour de l’invasion russe: “Chaque rue, chaque bâtiment, chaque checkpoint s’est fortifié”. L’agglomération de Kiev comptait 3,5 millions d’habitants avant le début du conflit avec la Russie.
Le rythme d’arrivée des réfugiés qui fuient les combats en Ukraine s’est légèrement accéléré ces dernières 24 heures, plus de 160.000 personnes ayant franchi la frontière, portant leur total à plus de 2,3 millions, selon le dernier décompte de l’ONU publié jeudi.
Le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) recensait exactement 2.316.002 réfugiés venant d’Ukraine sur son site internet dédié. La barre des deux millions a été franchie mardi, seulement 12 jours après le début du conflit, faisant dire à Filippo Grandi, le Haut-commissaire aux réfugiés, que c’est le flux le plus rapide sur le continent européen depuis la Deuxième guerre mondiale.
Le gouvernement français anticipe l’arrivée massive dans les prochaines semaines en France de 50.000 à 100.000 personnes fuyant le conflit en Ukraine, un scénario qui nécessite de redimensionner le dispositif d’accueil prévu.
Par ailleurs, au moins 71 enfants ont été tués en Ukraine depuis le début de l’offensive russe le 24 février, a annoncé jeudi Liudmyla Denisova, chargée des droits humains auprès du Parlement ukrainien.
La Russie a affirmé ce jeudi qu’elle ouvrirait chaque jour des couloirs humanitaires pour permettre aux Ukrainiens fuyant les combats de rejoindre son territoire, alors que Kiev réclame des couloirs permettant l’évacuation de civils à l’intérieur de l’Ukraine.
“Nous annonçons officiellement que des couloirs humanitaires pour la Fédération de Russie seront désormais ouverts unilatéralement, sans coordination, chaque jour à partir de 10H00 du matin (07H00 GMT)”, a déclaré un haut responsable du ministère russe de la Défense, Mikhaïl Mizintsev, cité dans un communiqué. Les couloirs allant “dans d’autres directions” feront l’objet de négociations au cas par cas avec les autorités ukrainiennes, a ajouté M. Mizintsev.
“Nous garantissons une sécurité totale dans les territoires contrôlés par les forces armées russes”, a-t-il poursuivi, appelant le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et les Nations unies à “travailler sur place avec les autorités ukrainiennes pour informer la population de cette initiative”.
Diplomatie et réactions internationales
Les chefs de la diplomatie russe et ukrainienne ont échoué ce jeudi à s’accorder en Turquie sur un cessez-le-feu en Ukraine lors de leur première rencontre depuis le début de l’invasion russe.
Le ministre russe Sergueï Lavrov et l’Ukrainien Dmytro Kuleba ont campé sur leurs positions lors de cet entretien, le premier à ce niveau depuis le 24 février, sous les auspices de leur homologue turc Mevlut Cavusoglu à Antalya (sud), station balnéaire prisée des touristes russes.
“Nous avons évoqué un cessez-le-feu mais aucun progrès n’a été accompli en ce sens”, a déclaré Dmytro Kuleba à la presse, ajoutant cependant qu’il “espérait” pouvoir poursuivre la discussion avec son homologue.
Selon Dmytro Kuleba, son homologue russe Sergueï Lavrov lui a assuré que la Russie “allait continuer (son) agression jusqu’à ce que nous acceptions leur demande de capituler”.
“Aujourd’hui, j’ai entendu que le cessez-le-feu était lié, par la Fédération de Russie, au respect des exigences posées par le président Poutine à l’Ukraine”, a-t-il déclaré. Mais “l’Ukraine ne s’est pas rendue, ne se rend pas et ne se rendra pas”, a-t-il martelé face aux journalistes.
De son côté, Lavrov a expliqué que la Russie voulait poursuivre le dialogue avec l’Ukraine, mais estimé que le “format russo-ukrainien au Bélarus”, qui se tient à un niveau de représentation inférieur, n’avait “pas d’alternative”.
Une solution à la guerre en Ukraine doit passer par des “négociations entre l’Ukraine et la Russie”, ont déclaré au président russe Vladimir Poutine les dirigeants français et allemand lors d’un entretien téléphonique jeudi.
“Macron et Scholz ont insisté sur le fait que toute solution à cette crise devait passer par des négociations entre l’Ukraine et la Russie”, a indiqué une source gouvernementale allemande. Lors de cet entretien, la France et l’Allemagne ont également “exigé de la Russie un cessez-le-feu immédiat”.
“La guerre en Ukraine et les prochaines étapes la concernant seront discutées entre chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne lors du dîner de ce soir dans le cadre du Sommet de Versailles”, a de son côté indiqué l’Elysée dans un communiqué.
Les trois dirigeants ont également convenu “de rester en contact étroit au cours des prochains jours”.
Aides et sanctions
La vente du club britannique de football de Chelsea est suspendue en raison des sanctions annoncées jeudi par le gouvernement britannique contre son propriétaire russe Roman Abramovich. Le propriétaire du club de Premier League figure parmi sept riches et influents Russes proches du Kremlin ciblés jeudi par le gouvernement britannique.
Il subit désormais un gel de ses avoirs, une interdiction de transactions avec des particuliers et des entreprises britanniques et une interdiction de voyager. Première conséquence: la vente du club de Chelsea qu’il avait annoncée la semaine dernière anticipant de possibles sanctions à son encontre, est en suspens.
“Compte tenu de l’impact significatif” des sanctions sur le club qu’il possède, le gouvernement a publié “une licence autorisant la poursuite d’un certain nombre d’activités” pour Chelsea qui pourra continuer à jouer des matchs et payer ses joueurs.
Les élus de la Chambre des représentants ont adopté mercredi soir un nouveau budget américain qui comprend une enveloppe faramineuse de près de 14 milliards de dollars pour la crise ukrainienne.
Le texte, qui comprend un volet économique et humanitaire, mais aussi des armes et des munitions pour Kiev, doit désormais être voté au Sénat avant d’être promulgué par Joe Biden. Ces fonds doivent permettre à Kiev de protéger son réseau électrique, combattre les cyberattaques et s’équiper en armes défensives. Le paquet comprend également plus de 2,6 milliards de dollars d’aide humanitaire et plus d’un milliard de dollars soutenir les réfugiés fuyant l’Ukraine.
“Nous allons continuer à soutenir le courageux peuple ukrainien qui se bat pour son pays”, a assuré Joe Biden sur Twitter. Cette enveloppe comprend aussi plus de 6,5 milliards de dollars pour le Pentagone, qui serviront notamment au déploiement de troupes dans la région. Des fonds sont aussi alloués pour financer la riposte contre Moscou, à commencer par les sanctions contre des oligarques russes.
Le FMI a approuvé ce mercredi une aide d’urgence d’un montant de 1,4 milliard de dollars en faveur de l’Ukraine, confrontée ”à une très grave crise humanitaire et économique” depuis l’invasion du pays par l’armée russe.
“Les besoins de financement sont importants, urgents et pourraient augmenter considérablement à mesure que la guerre se poursuit”, a réagi la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva. Elle a aussi prévenu que l’Ukraine allait connaître une “profonde récession” cette année.
L’aide d’urgence doit permettre au gouvernement de “répondre aux besoins urgents de la balance des paiements résultant des effets de la guerre et fournira un soutien essentiel à court terme”, estime le Fonds monétaire international.
La Banque centrale européenne s’est dite déterminée jeudi à prendre toutes les mesures nécessaires” pour assurer la stabilité des prix et a décidé d’accélérer le retrait progressif de ses soutiens monétaires, face aux conséquences économiques de la guerre en Ukraine.
“Le Conseil des gouverneurs prendra toutes les mesures nécessaires pour remplir le mandat de la BCE consistant à rechercher la stabilité des prix et à préserver la stabilité financière”, selon un communiqué à l’issue de la réunion des gardiens de l’euro, qui ont décidé d’avancer de quelques mois le calendrier de diminution du programme d’achats de dettes afin de lutter contre l’inflation.
Conséquences
Les risques pour les perspectives économiques de la zone euro “ont considérablement augmenté” avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, a déclaré jeudi Christine Lagarde, la présidente de la BCE qui a taillé dans ses prévisions de croissance pour l’année en cours.
Les principaux risques sont liés à la hausse des prix de l’énergie et des matières premières ainsi qu’à la perturbation du commerce international, a détaillé Christine Lagarde, ajoutant que “l’ampleur des effets dépendra de l’évolution du conflit et de l’impact des sanctions” prises contre la Russie.
La BCE réfléchit par ailleurs à déployer des “outils” monétaires de soutien à l’Ukraine.
À voir également sur Le HuffPost: La guerre en Ukraine et ses terribles conséquences sur la santé des enfants
Laisser un commentaire